À quoi pourrait ressembler une politique alimentaire durable?

Sujet hautement émotionnel, remettre en cause la politique agricole et en particulier notre attachement à la viande suscite des réactions parfois violentes. Pourtant, selon un récent rapport, réduire le nombre d’animaux de rente et la consommation de viande sont les plus sûrs moyens pour que l’agriculture suisse atteigne ses objectifs de diminution de ses émissions polluantes.

 

Création d’une assemblée citoyenne


Afin d’impliquer la population dans les réflexions sur ces défis, différentes organisations dont la Fondation Biovision, le Sustainable Development Solution Network (SDSN) et Agriculture du Futur ont décidé de créer une assemblée citoyenne, avec le soutien de trois offices fédéraux.


L’objectif de cet assemblée officiellement lancée en juin dernier est clair. Il s’agit de répondre à la question suivante : « 
À quoi doit ressembler une politique alimentaire pour la Suisse qui, d’ici 2030, mette à la disposition de tous des aliments sains, durables, respectueux des animaux et produits de manière équitable ? ».

 

Quels pourraient être les avantages potentiels de ce type de démarche de démocratie participative?

La situation semble aujourd’hui bloquée au niveau parlementaire pour faire évoluer de manière plus durable la politique agricole et plus généralement la politique alimentaire de la Suisse. Pourtant les défis sont nombreux, entre production de denrées alimentaires, préservation de la biodiversité et du climat et juste rémunération des agriculteurs.trices.

La composition de l’assemblée citoyenne se distingue de celles de nos parlements. En effet, 85 participant·e·s ont été tiré·e·s au sort en fonction de critères garantissant une représentativité des sexes, des âges, des niveaux d’éducation, des opinions politiques ou encore des lieux de vie. Ce type de sélection permet de garantir une diversité au sein de l’assemblée qui se rapproche de celle présente dans la population. Contrairement au Parlement fédéral qui demeure un organe socialement très sélectif se composant essentiellement d’universitaires, d’entrepreneurs·euses, de professions libérales ou de politicien·ne·s professionnel·le·s.

 

Lobbyisme citoyen et participatif

 

De cette manière, des groupes de population ne faisant d’ordinaire pas partie des décideurs politiques sont amenés à réfléchir sur des thématiques précises et à formuler des recommandations à l’intention des élu·e·s. Pour les accompagner, des professionnels chargés de modérer les débats et un panel d’expert·e·s.

 

Si le processus est nouveau à l’échelle suisse, de telles assemblées citoyennes ont déjà vu le jour dans d’autres pays. En France voisine par exemple, une Convention Citoyenne pour le climat – rassemblant 150 personnes tirées au sort et représentant la diversité de la société françaises – avait été créée par Emmanuel Macron à l’automne 2019, avec pour objectif de proposer des mesures pour réduire d’au moins 40 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 dans une logique de justice sociale. En juin 2020, 149 propositions avaient été formulées par la Convention Citoyenne. Cela ne suffit toutefois pas à en faire un exercice réussi, la dernière étape étant la reprise de ses mesures par les milieux politiques.

 

Il est à cet effet frappant de constater que seules 10 % des mesures proposées par la Convention Citoyennes ont été reprises sans modification par le gouvernement français!

 

Quelle politique agricole pour la Suisse? La réduction de l’empreinte environnementale du secteur agricole est l’objectif de la démarche de l’assemblée citoyenne. Image: Unsplash

Le système politique suisse étant assez différent du système français, on peut espérer que le Conseil fédéral et le Parlement seront prêts à étudier plus en profondeur les recommandations que l’assemblée citoyenne pour une politique alimentaire rendra publiques en février 2023. Le secteur agricole devra lui aussi participer à l’effort collectif et diminuer son empreinte environnementale, la réduction d’au moins 40% des émissions de gaz à effet de serre (GES) issues de l’agriculture à l’horizon 2050 étant un objectif fixé par la Confédération, même si cet objectif est inférieur à celui imposé à d’autres domaines.

Aujourd’hui les fronts sont bloqués entre tenants de l’agriculture conventionnelle et ceux qui souhaitent une agriculture décarbonée et sans pesticides. Espérons que l’Assemblée citoyenne parviendra à réconcilier (un peu) ces deux fronts.

 

La révision de la Loi CO2 protège les régions de montagne

Dans les Alpes, les températures augmentent deux fois plus vite qu’en moyenne mondiale, plus de 2 degrés depuis le début des mesures il y a 150 ans. Les effets du réchauffement climatique sont visibles presque à l’oeil nu, avec la diminution de l’enneigement naturel et la fonte de nos glaciers.

 

La vie dans les vallées pourrait être menacée

Le réchauffement climatique entraîne une augmentation des risques naturels qui, si rien n’est entrepris, pourraient menacer, d’ici la fin du siècle, la possibilité même de vivre dans nos vallées. Protéger nos villages, nos infrastructures et nos voies d’accès va coûter de plus en plus cher. En effet, l’effet de la fonte du pergélisol, ce processus de gel et de dégel, augmente le risque d’éboulement de grande ampleur.  En Valais, depuis plusieurs années, on constate des épisodes de plus en plus fréquents de lave torrentielle.

La nouvelle loi sur le CO2 en tient compte et protège particulièrement les Alpes. Elle permet notamment aux régions de montagne de recevoir des aides pour les mesures d’adaptation aux changement climatiques comme les ouvrages de protection. Elle prévoit également que la situation économique de l’espace rural et des régions de montagne soit prise en compte dans l’octroi des aides pour la réduction des émissions de CO2 des bâtiments. Des fonds plus élevés seront ainsi à disposition de ces régions, et je me suis fortement engagé pour cela au Parlement. Le Groupement suisse pour les régions de montagne (SAB) soutient d’ailleurs la révision de la Loi.

Pourquoi continuer à dépenser 8 milliards de francs pour acheter de l’énergie fossile à l’étranger alors que nous pouvons mieux valoriser nos ressources locales

 

De nouveaux emplois en Suisse

Le nouveau fonds pour le climat permettra d’encourager les innovations en matière de protection climatique dans différents domaines comme l’assainissement énergétique des bâtiments, la mise en place de trains de nuit ou la construction de réseaux de bornes de recharge pour les véhicules électriques. Autant de projets qui amèneront des emplois en Suisse. Pourquoi continuer à dépenser 8 milliards de francs pour acheter de l’énergie fossile à l’étranger alors que nous pouvons mieux valoriser nos ressources locales, particulièrement dans les Alpes avec l’hydroélectricité et le solaire ?

La taxe sur les billets d’avion et sur les vols en jet privé permet enfin de donner un prix à l’impact climatique très important du trafic aérien. La taxe étant pour moitié redistribuée à la population, la grande majorité en sort gagnante financièrement, notamment parce que le montant des taxes payées par les touristes qui viennent dans notre pays en avion sera lui aussi redistribué pour moitié à la population.

Certes l’automobiliste devra payer un peu plus cher son plein d’essence ou de diesel, mais la loi obligera aussi les importateurs à mettre sur le marché des véhicules consommant moins. A court terme, c’est vrai, le litre de carburant coûtera un peu plus cher. Mais la perspective d’agir pour protéger nos glaciers, nos infrastructures et offrir la possibilité à nos enfants et petits-enfants de connaître eux aussi la joie des sports d’hiver en vaut largement la chandelle.