Mi-temps au conseil national: 2 ans pour « faire son nid » et faire avancer la cause verte

Durant cette première moitié de législature, la pandémie a marqué le travail parlementaire, en s’installant durablement au sommet de l’agenda politique.

 

Fin prématurée de la session de mars 2020, déplacement à Berne Expo pour pouvoir garder les distances pendant les délibérations, puis installation de plexiglas partout au parlement et obligation du port du masque. Pas de quoi se plaindre, toute la société a été soumise au même régime des restrictions sanitaires. Mais un peu perturbant, au moment de faire ses marques, pour les nouveaux.

 

Ce qui a le plus impacté le travail des parlementaires? Sans aucun doute l’annulation de toutes les séances d’information organisées par les différents lobbies en marge de sessions parlementaires. L’accès à l’information (orientée certes, mais information quand même) est devenu plus compliqué. Tout comme les relations avec les collègues. Sans liens humains, il n’est pas toujours aisé de demander du soutien pour créer des accords au-delà des frontières partisanes. Lors de cet automne, les séances d’information en présentiel étaient de retour mais elles sont de nouveau annulées pour la plupart lors de cette session de décembre suite à l’évolution préoccupante de la situation sanitaire.


Apprivoiser le fonctionnement de la machine législative

L’apprentissage du “métier” de conseiller national est long, même sans pandémie.  Car il faut apprivoiser le fonctionnement de la machine législative fédérale, comprendre des procédures complexes et le jeu politique entre les deux chambres du parlement. Et c’est un aspect peu connu des citoyen·ne·s: un·e conseiller·ère national·e croule sous des quantités impressionnantes de documents, de courriels et de courriers. Il·elle a intérêt à développer un sens aigu des priorités! Car il faut bien avouer qu’une grande partie des courriers et documents ne seront jamais lus.

 

Bâtir des ponts

Sans beaucoup de surprise, en tant que Vert, mon activité à Berne s’est concentrée sur les enjeux environnementaux. En siégeant à la Commission de l’environnement, de l’aménagement du territoire et de l’énergie (CEATE), j’ai pu m’engager véritablement sur les questions écologiques. Dans un esprit constructif et en m’appuyant souvent sur des études scientifiques, je cherche à questionner certaines pratiques, à proposer des modifications et à apporter des solutions. Il est à mes yeux nécessaire de trouver du soutien auprès de représentant·e·s d’autres partis afin qu’elles et ils co-signent mes interventions parlementaires. Je suis convaincu que le dialogue et la collaboration permettent d’aboutir à des résultats plus acceptables collectivement. Cette façon de travailler m’a valu d’être classé dans le top 10 (de justesse 😉) des « constructeurs de ponts » au parlement.

 

Objectif: un environnement plus sain pour nos enfants, ici et ailleurs

Dans ce bilan, je peux inscrire 64 interventions portant sur la protection du climat, la préservation de la biodiversité, la pollution de l’air, la santé et la gestion de la crise COVID, mais aussi sur l’économie circulaire, le tourisme ou la migration  (1 initiative parlementaire, 7 motions, 12 postulats, 29 interpellations, 4 questions, 11 questions à l’heure des questions). Une hyperactivité sans préméditation qui m’a valu d’être nommé récemment nouvel élu le plus actif sous la coupole par le Blick. Malgré leur diversité, ces interventions ont toutes le même but: assurer un environnement plus sain pour nous et nos enfants, ici et ailleurs, tout en tenant compte de la nécessaire prise en compte des besoins des plus démunis, justice écologique et sociale allant de pair. 

Ceci ne constitue cependant qu’une part de l’activité parlementaire. Un travail important se fait aussi en amont des décisions du conseil national dans le cadre des séances des commissions. Dans le cadre de la CEATE, il a fallu défendre les positions vertes dans différents dossiers comme la révision de la loi CO2, l’économie circulaire ou la protection de la biodiversité. Je me suis aussi battu pour le maintien des acquis dans des domaines comme la protection du patrimoine ou l’aménagement du territoire. Enfin, j’ai demandé des informations sur la mise en œuvre de la loi sur les résidences secondaires ou sur les impacts du changement climatique sur les ressources en eau en Suisse.

 

Le mythe du parlement de milice est toujours très vivace mais dans la réalité, il est très difficile à appliquer. 

 

En marge du travail directement lié aux activités parlementaires, les interventions dans les médias, la présence sur les réseaux sociaux ou les tâches de représentation font aussi partie des activités habituelles d’un·e conseiller·ère national·e et elles peuvent être particulièrement chronophages.

Celles et ceux qui exercent encore une activité professionnelle à temps partiel, comme moi (je suis professeur à mi-temps) à l’Université de Lausanne, savent que le temps que l’on peut consacrer à la politique, et par conséquent certainement leur influence, est réduit. Le mythe du parlement de milice est toujours très vivace mais il ne correspond pas vraiment à la réalité, nombre de parlementaires étant quasiment des professionnels de la politique. 

 

La vague verte toujours minoritaire

Est-ce que la « vague verte » des dernières élections se matérialise dans les décisions prises? Oui et non. Oui parce que les avancées obtenues sont concrètes. Non, parce que sur les votes environnementaux, il faut reconnaître qu’avec nos alliés socialistes et vert·e·s libéraux·ales, nous restons souvent minoritaires. Tant que les forces favorables à l’écologie et au changement n’auront pas la majorité, il sera toujours difficile d’obtenir des avancées significatives en matière de climat et de biodiversité.

 

Particules fines: un fléau sanitaire négligé!

Alors que nous vivons la pire pandémie de ces 50 dernières années et que la menace du réchauffement climatique apparaît de plus en plus tangible sur nos sociétés, un fléau bien souvent invisible et inodore continue de tuer prématurément chaque année plusieurs milliers de personnes en Suisse et plus de 7 millions dans le monde: la pollution de l’air.

 

Surmortalité évidente

En 2019, la société européenne de cardiologie publiait une importante étude qui mettait en lumière la nocivité sous-estimée de la pollution de l’air sur la santé des individus, notamment du fait de l’impact majeur et peu documenté des particules fines (PM 10 et PM2.5) sur le système cardio-vasculaire. Cette étude a mis en évidence une surmortalité induite par la pollution de l’air d’environ 5600 personnes par année en Suisse[1], soit environ la moitié des décès prématurés dus au coronavirus. De plus, un rapport récent s’intéressant aux coûts de la pollution de l’air pour les principales villes européennes est arrivé à la conclusion que l’impact de cette dernière s’élevait à 166 milliards d’Euro annuellement. Pour la Suisse, les coûts de la pollution de l’air étaient de 1,236 milliards, répartis entre les grandes villes du pays (Bâle, Berne, Genève, Lausanne, Lugano, St-Gall, Winterthur et Zürich).[2] Finalement, on peut noter que la pollution de l’air est doublement liée au contexte pandémique actuel. En effet, les mesures de confinement prises pour lutter contre le virus ont eu un effet spectaculaire sur la réduction de pollution de l’air.[3] De plus, la pollution de l’air est responsable en Europe d’environ 19% de la mortalité induite par la maladie Covid-19.[4]

La pollution de l’air a aujourd’hui un peu disparu de l’agenda politique alors qu’elle amène chaque année autant de morts qu’une demi-Covid-19!

Bien que de nombreuses molécules soient sources de pollution de l’air (oxyde d’azote et de soufre, ozone, etc.), les particules fines sont de loin les principales responsables de la mortalité induite par la pollution de l’air. Et malgré les progrès certains réalisés depuis 1986 et l’entrée en vigueur de l’Ordonnance sur la pollution de l’air (OPair), leur concentration atmosphérique demeure excessive et dépasse régulièrement les normes journalières. De plus, les données récentes de la littérature scientifique démontrent que plus ces dernières sont de petites tailles, plus elles sont nocives pour la santé, car elles descendent plus profondément dans nos voies respiratoires, jusqu’aux alvéoles pulmonaires pour les plus petites d’entre elles.

 

Aligner les valeurs recommandées en Suisse sur celles de l’OMS

Ce constat m’a amené à déposer une série d’interventions parlementaires visant à mieux quantifier ces particules fines et identifier leurs sources d’émission, afin d’améliorer la qualité de l’air et en réduire les conséquences sanitaires.

Tout d’abord, l’ordonnance sur la pollution de l’air (OPair) ne contient pas de valeur limite d’immission journalière concernant les particules fines de diamètre inférieur à 2.5 micromètres (PM2.5), contrairement aux PM10, mais uniquement une valeur limite d’immission annuelle fixée à 10 microgrammes par m3. Dans son rapport annuel 2019 sur la qualité de l’air en Suisse, l’Office fédéral de l’environnement faisait pourtant état de dépassement sur plusieurs stations de mesures des valeurs annuelles d’immission concernant les PM2.5.[5] Il est par conséquent d’autant plus important de pouvoir identifier les zones et périodes de pic de pollution journalière aux PM2.5. D’ailleurs, dans ces lignes directrices, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) préconise une valeur limite journalière concernant les PM2.5 de 25 microgrammes par m3. J’ai donc déposé une motion demandant une révision de l’OPair, afin d’y ajouter une valeur maximale journalière d’immission des PM2.5 en Suisse selon les valeurs recommandées par l’OMS.[6]

Chauffages à bois et abrasion des freins, gros émetteurs de particules fines

Ensuite, dans son dossier consacré à la protection de l’air paru dans le magazine « Environnement » (no 1/2021), l’Office fédéral de l’environnement (OFEV) alertait sur une source importante de pollution de l’air aux particules fines (en particulier PM2.5) en Suisse: les quelques 500’000 chauffages à bois individuels, avec environ 1500 tonnes d’immissions en 2019. Toutefois, l’OFEV indiquait un manque de précision dans les données collectées et une absence de mesures des polluants de ces chauffages individuels. Dans ce même dossier, l’OFEV précisait également l’existence de solutions pertinentes pour réduire les émissions de PM2.5 par les chauffages à bois, à savoir la suppression des foyers ouverts, l’installation de filtres efficaces, la combustion étagée, la formation des propriétaires de chauffage à bois, etc.[7]

J’ai donc déposé un postulat pour demander au Conseil fédéral d’établir un rapport, afin de mieux quantifier la pollution de l’air induite par les chauffages à bois individuel en Suisse, ainsi que d’analyser et synthétiser les différentes alternatives aux foyers ouverts, leur coût et efficacité, ainsi que les mesures structurelles et législatives nécessaires à leur implémentation.[8]

La nocivité de l’abrasion des freins pourrait être comparable à celle induite par les moteurs à combustion.

Finalement, les données récentes recueillies par l’Empa (Laboratoire fédéral d’essai des matériaux et de recherche) concernant les polluants induits par le freinage des véhicules sont inquiétantes. En effet, l’abrasion des freins produit des quantités importantes de particules fines PM10 et PM2.5, ainsi que des particules ultrafines inférieure à 1 micromètre. Ainsi, la nocivité de l’abrasion des freins pourrait être comparable à celle induite par les moteurs à combustion. Or, des fabricants développent actuellement des filtres capables de capter une importante partie de cette pollution émise par l’abrasion des freins et la commercialisation de ces filtres pourraient se faire dans le courant de l’année 2021.

Dans ce contexte, et en l’absence de données suffisantes, j’ai donc demandé un rapport sur la faisabilité et l’implémentation de filtre pour capter les poussières d’abrasion des freins sur les nouveaux véhicules et véhicules existants.[9] En effet, le succès de la législation sur les catalyseurs pour moteur Diesel doit nous amener à penser de la même manière en ce qui concerne l’abrasion des freins, car l’électrification du parc automobile ne changera pas ce problème.

 

En conclusion, la pollution de l’air est et demeurera un enjeu de santé publique majeur qui nécessite des adaptations régulières des normes et recommandations selon l’évolution des connaissances et les développements technologiques. Le rôle du politique est de veiller à ce que les politiques publiques en matière de pollution de l’air soient les plus efficaces possibles dans l’intérêt de la santé de la population.

La question de la pollution de l’air a aujourd’hui un peu disparu de l’agenda politique. Or elle amène chaque année autant de morts qu’une demi-Covid-19 ! Ce n’est pas une fatalité: des mesures existent pour améliorer la qualité de l’air.

 

 

[1] Lelieveld J, Klingmüller K, Pozzer A, Pöschl U, Fnais M, Daiber A, et al. Cardiovascular disease burden from ambient air pollution in Europe reassessed using novel hazard ratio functions. Eur Heart J. 21 mai 2019;40(20):1590‑6.

[2] https://www.cedelft.eu/en/publications/2534/health-costs-of-air-pollution-in-european-cities-and-the-linkage-with-transport

[3] Shrestha A, Shrestha U, Sharma R, Bhattarai S, Tran H, Rupakheti M. Lockdown caused by COVID-19 pandemic reduces air pollution in cities worldwide [Internet]. Life Sciences; 2020 avr [cité 29 oct 2020]. Disponible sur: https://eartharxiv.org/repository/view/304

[4] Pozzer A, Dominici F, Haines A, Witt C. Regional and global contributions of air pollution to risk of death from COVID-19. :7.

[5] OFEV (éd.) 2020 : La qualité de l’air en 2019. Résultats du Réseau national d’observation des polluants atmosphériques (NABEL). Office fédéral de l’environnement, Berne. État de l’environnement no 2020 : 28 p.

[6] https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20213858

[7] Office fédéral de l’environnement OFEV. Un danger invisible La protection de l’air nécessite un engagement sans relâche. l’environnement. 2021;(1):64.

[8] https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20213857

[9] https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20204088