Fonctionnement de l’économie: un changement de paradigme s’impose !

Début mai, le Conseil national s’est prononcé en faveur de l’économie circulaire en adoptant la Loi sur la protection de l’environnement (LPE) révisée. Cette révision contient plusieurs dispositions visant à encourager le développement de l’économie circulaire en Suisse et fait suite à des revendications des Vert·e·s depuis de nombreuses années.

 

Les Vert·e·s sont évidemment satisfait·e·s de cette étape qui concrétise plusieurs demandes de l’initiative populaire Economie Verte déposée en 2012 et refusée par le peuple en 2016, ainsi que d’une série d’autres initiatives parlementaires, dont celle que j’ai déposée en 2019: “Développer l’économie circulaire en Suisse. Inscrire l’utilisation efficace des ressources dans la loi sur la protection de l’environnement”.

La révision répond à des préoccupations essentielles, telles que la lutte contre les déchets sauvages ou plastiques et le droit à la réparation.

Mais au fait c’est quoi exactement l’économie circulaire ?

Dans notre modèle économique actuel, dit linéaire, nous puisons des matières premières pour les convertir en produits. Une fois vendus et consommés, ces produits finissent à la poubelle. Cette approche entraîne une diminution des ressources, un accroissement de la pollution et des déchets, sans oublier l’impact environnemental qu’elle engendre. L’économie circulaire se présente comme une alternative à ce modèle. Elle vise à réintroduire les matériaux et produits dans la chaîne de production, minimisant ainsi la nécessité de nouvelles matières premières. Les produits maintiennent leur valeur plus longtemps et produisent moins de déchets.

 

Nouvelles opportunités pour les entreprises

Le concept de l’économie circulaire englobe le cycle de vie complet des matières et des produits : extraction, conception, production, distribution, utilisation prolongée et, enfin, recyclage. Grâce à des stratégies comme le partage, la réutilisation, la réparation et le reconditionnement des produits, leur durée de vie et d’utilisation est prolongée. Pour les secteurs de l’économie suisse centrés sur l’innovation et la qualité, ce modèle offre de nouvelles opportunités comme des services de réparation ou de location, substituant la vente traditionnelle. Dans la plupart des cas, cette approche sert non seulement l’environnement, mais également le budget des consommateurs et la création d’emplois locaux.

Bien sûr ce sont les entreprises en premier lieu qui sont amenées à s’adapter et mettre en place des processus de production circulaires. Mais le cadre réglementaire peut donner les bonnes impulsions et encourager les entreprises les plus innovantes et pionnières. A ce titre, le projet adopté par le Conseil national donne au Conseil fédéral différentes possibilités de promouvoir l’économie circulaire. Parmi celles-ci on peut notamment mentionner :

  • L’interdiction de la mise dans le commerce de produits destinés à un usage unique et de courte durée
  • La fixation d’exigences concernant la durée de vie, la disponibilité des pièces détachées et la réparabilité des produits
  • L’introduction d’un indice de réparabilité
  • La fixation d’exigences concernant l’utilisation de matériaux de construction préservant l’environnement ou la réutilisation d’éléments de construction dans les ouvrages

 

Lutte contre le littering

De plus le Conseil national a décidé que la taxe d’élimination anticipée s’appliquerait désormais aussi aux entreprises étrangères de vente par correspondance (vente en ligne). Il a également introduit une amende max. de 300 CHF pour les personnes qui abandonnent des déchets dans la rue ou dans la nature (lutte contre le littering).

Cette révision constitue un premier pas important pour passer d’une économie linéaire à une économie circulaire. Espérons que le Conseil d’Etat, qui se penchera prochainement sur le projet adopté, suivra la ligne tracée par le Conseil national.

 

 

Albert Rösti au DETEC: les craintes se confirment

Le nouveau patron du Département de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC) a passé mercredi son grand oral devant les principaux acteurs de la branche électrique lors du 14e Congrès suisse de l’électricité à Berne. Lors de son allocution, il a dévoilé les grandes orientations qu’il entend donner dans son département. Et confirmé certaines craintes que sa nomination a amenées auprès des milieux défenseurs de l’environnement. Tour d’horizon en trois points.

 

La protection du paysage et la biodiversité sacrifiées sur l’autel de la production énergétique

Message principal martelé par l’élu UDC : il faut rapidement produire plus d’énergie indigène, en particulier rehausser les barrages existants ou en construire de nouveaux ainsi que réaliser de grandes centrales solaires dans les Alpes. Si accélérer la production d’énergie renouvelable dans le pays est un objectif que tout le monde partage, ce sont les pistes privilégiées qui posent problème. La priorité devrait aller à l’installation de panneaux solaires sur les infrastructures et toits existants ainsi qu’à la sobriété énergétique. Ce dernier point est malheureusement totalement absent dans le radar du nouveau ministre de l’environnement.

Quant à l’affirmation que les intérêts de la production énergétique doivent passer clairement avant ceux du paysage et de la biodiversité, elle montre bien qu’Albert Rösti ne considère pas que la biodiversité en Suisse est en danger. Selon son propre office de l’environnement, la moitié des milieux naturels et un tiers des espèces y sont pourtant menacés. Et qu’il ne comprend pas les interactions entre biodiversité et climat et notamment le rôle important que la biodiversité peut jouer en matière climatique, comme par exemple le captage du CO2 dans les zones humides.

De plus le nouvel élu au Conseil fédéral entend accélérer les procédures concernant les centrales photovoltaïques alpines en évitant que des recours soient déposés par de petites organisations régionales. Autrement dit un nouveau coup de canif dans le droit de recours qui ne respecte pas l’état de droit en voulant abolir la pesée des intérêts entre production d’énergie et protection de la biodiversité.

 

Un message ambigu sur la protection du climat

Le Parlement a adopté en septembre dernier le contre-projet indirect à l’Initiative pour les glaciers. Cette “Loi fédérale sur les objectifs en matière de protection du climat, sur l’innovation et sur le renforcement de la sécurité énergétique” ancre l’objectif de la neutralité carbone pour 2050 et met 2 milliards à disposition pour le remplacement des chauffages fossiles et l’assainissement des bâtiments ainsi que 1,2 milliards pour soutenir les innovations dans la décarbonation de l’économie.

Albert Rösti est membre du comité d’initiative qui a lancé le référendum contre cette loi et nous voterons en juin prochain sur ce sujet. Il se veut maintenant rassurant dans son nouvel habit de Conseiller fédéral et reprend à son compte l’objectif du gouvernement d’atteindre la neutralité climatique. Il affirme même que la lutte contre le changement climatique doit être placée tout en haut de l’agenda politique. Très bien. Mais dans quelle mesure Albert Rösti s’engagera-t-il avec conviction contre un référendum qu’il a lui-même lancé ? Dans la même veine, l’ancien président d’auto suisse, l’association des importateurs suisses d’automobiles, va-t-il poursuivre une politique, favorable au climat, de transfert modal des transports individuels motorisés vers les transports publics alors qu’il l’a toujours combattue jusqu’ici ?

 

Le retour du nucléaire

Avec l’acceptation de la Stratégie énergétique 2050, le peuple suisse a clairement approuvé la sortie du nucléaire. Or pour le nouveau conseiller fédéral, ancien lobbyiste du nucléaire, la durée de vie des centrales existantes doit être prolongée au maximum. Dans son discours, il a même évoqué la possibilité d’aider les exploitants des centrales nucléaires afin qu’ils puissent financer les investissements nécessaires à la prolongation de vie de leurs centrales. Cette promesse d’aide au secteur nucléaire marque un clair changement de cap par rapport à Simonetta Sommaruga.

Idem sur la question des nouvelles centrales nucléaires. Là aussi Albert Rösti prend le contrepied du Conseil fédéral en se montrant ouvert à la construction de nouvelles centrales nucléaires. Aucun argument ne plaide pourtant pour la filière nucléaire, à la fois très coûteuse et dangereuse.

 

Les premières prises de parole officielles d’Albert Rösti comme chef du DETEC ne sont guère rassurantes. Pour les Vert.e.s et toutes les personnes préoccupées par les défis environnementaux, il s’agira de se montrer particulièrement vigilants ces prochains mois pour scruter les positions d’Albert Rösti et voir sa capacité à véritablement respecter la collégialité plutôt que défendre les points de vue de l’UDC.

 

 

La croissance économique est le problème, pas la solution

Dans un contexte multi-crises, l’année 2023 s’annonce difficile. Et si c’était l’occasion de changer de cap et de passer à une économie post-croissance?

 

Changer les indicateurs pour mesurer la réussite économique

 

Réchauffement climatique,  effondrement de la biodiversité, contexte géopolitique incertain, problème d’approvisionnement énergétique, hausse des prix de l’énergie, retour de l’inflation, manque de main-d’œuvre dans certains secteurs, à première vue, l’année 2023 ne s’annonce pas sous les meilleurs auspices.

Face à ces crises qui s’accumulent, le moment est venu de s’interroger sur les limites de la croissance économique et sur le « sens de la vie ». Le succès d’un pays et le bonheur d’une société peuvent-ils être mesurés uniquement à l’aune de la croissance continue du produit intérieur brut (PIB) ou devrions-nous fixer d’autres critères pour mesurer la réussite? La croissance nous est présentée comme un indicateur de progrès et de bien-être, et donc de bonheur, et constitue depuis des décennies l’objectif affirmé et indépassable des politiques de développement économique des sociétés modernes. Et aussi comme LA solution à toutes les difficultés sociales et environnementales: il faudrait plus de croissance afin d’amener la richesse qui permettra de résoudre les problèmes de pauvreté, de climat ou de biodiversité.

Le PIB s’est ancré comme mesure universelle du bonheur malgré ses limites aujourd’hui reconnues.

Depuis le milieu du 20ème siècle, l’indicateur utilisé pour évaluer le succès d’un pays est le Produit Intérieur Brut (PIB). Cet indicateur économique mesure la valeur totale de la « production de richesse » effectuée par les agents économiques (ménages, entreprises, administrations publiques) résidant à l’intérieur d’un pays ou d’une région. Le PIB s’est ancré comme mesure universelle du bonheur malgré ses limites aujourd’hui reconnues.

Le PIB ne tient en particulier pas compte des effets néfastes comme la pollution de l’air, la destruction de la biodiversité ou le bruit. Ni des prestations non marchandes comme le travail domestique et le travail bénévole. Nous sommes toutes et tous influencés par ce type d’indicateurs qui nous sont servis chaque jour comme étalon du bien-être. Ainsi, lorsque nous apprenons que le PIB stagne ou diminue, nous pensons automatiquement que nous allons vers des temps difficiles. Le PIB est donc plus qu’un indicateur “technique”, c’est aussi un puissant colonisateur de nos imaginaires.

D’autres indicateurs ont vu le jour pour mettre le doigt sur des dimensions non prises en compte par le PIB. Par exemple l’empreinte écologique: elle montre qu’en 2022 l’humanité a vécu à crédit depuis le 28 juillet, jour du dépassement, soit le jour où elle a dépensé son quota annuel de ressources naturelles disponibles. En 1970 c’était le 23 décembre et année après année, la date est de plus en plus précoce.

 

Façonner un avenir avec moins de biens et plus de liens

 

En Suisse, l’année dernière, ce jour du dépassement a eu lieu le 13 mai. En 2016, c’était déjà le 18 avril. Autrement dit, la Suisse s’améliore et c’est réjouissant. Mais malgré ce progrès, si tous les habitants du monde consommaient comme nous, il nous faudrait près de 3 planètes pour fournir les ressources dont nous avons besoin pour assurer notre train de vie. Nous vivons donc à crédit au détriment des générations futures et des autres régions du monde, comme le reconnaît clairement la Confédération sur la page du site de l’Office fédéral de la statistique consacrée à l’empreinte écologique.

L’avenir n’est-il pas de favoriser une sobriété heureuse avec moins de biens et plus de liens?

Que faire ? Le progrès technologique et l’action politique peuvent apporter certaines solutions, j’en suis convaincu. Mais ce ne sera pas suffisant. N’est-il pas temps, individuellement et collectivement, de changer nos modes de vie en privilégiant davantage les relations solidaires avec nos proches ainsi que le respect de la nature et des écosystèmes? Et accorder moins d’importance à l’accumulation sans fin de biens matériels comme “l’exige” notre société de consommation basée sur la croissance? L’avenir n’est-il pas de favoriser une sobriété heureuse avec moins de biens et plus de liens en entamant, dans nos pays riches, un processus de décroissance économique ?

Chacun trouvera ses propres réponses à ces questions. Mais une chose est sûre, l’amour et l’amitié sont des sentiments qui eux, doivent incontestablement croître! Je vous souhaite une très belle année 2023.

 

P.S.: si ce sujet croissance/décroissance économique vous intéresse, je vous recommande vivement la lecture du livre de l’économiste Timothée Parrique, Ralentir ou périr. L’économie de la décroissance, Seuil, 2022.

À quoi pourrait ressembler une politique alimentaire durable?

Sujet hautement émotionnel, remettre en cause la politique agricole et en particulier notre attachement à la viande suscite des réactions parfois violentes. Pourtant, selon un récent rapport, réduire le nombre d’animaux de rente et la consommation de viande sont les plus sûrs moyens pour que l’agriculture suisse atteigne ses objectifs de diminution de ses émissions polluantes.

 

Création d’une assemblée citoyenne


Afin d’impliquer la population dans les réflexions sur ces défis, différentes organisations dont la Fondation Biovision, le Sustainable Development Solution Network (SDSN) et Agriculture du Futur ont décidé de créer une assemblée citoyenne, avec le soutien de trois offices fédéraux.


L’objectif de cet assemblée officiellement lancée en juin dernier est clair. Il s’agit de répondre à la question suivante : « 
À quoi doit ressembler une politique alimentaire pour la Suisse qui, d’ici 2030, mette à la disposition de tous des aliments sains, durables, respectueux des animaux et produits de manière équitable ? ».

 

Quels pourraient être les avantages potentiels de ce type de démarche de démocratie participative?

La situation semble aujourd’hui bloquée au niveau parlementaire pour faire évoluer de manière plus durable la politique agricole et plus généralement la politique alimentaire de la Suisse. Pourtant les défis sont nombreux, entre production de denrées alimentaires, préservation de la biodiversité et du climat et juste rémunération des agriculteurs.trices.

La composition de l’assemblée citoyenne se distingue de celles de nos parlements. En effet, 85 participant·e·s ont été tiré·e·s au sort en fonction de critères garantissant une représentativité des sexes, des âges, des niveaux d’éducation, des opinions politiques ou encore des lieux de vie. Ce type de sélection permet de garantir une diversité au sein de l’assemblée qui se rapproche de celle présente dans la population. Contrairement au Parlement fédéral qui demeure un organe socialement très sélectif se composant essentiellement d’universitaires, d’entrepreneurs·euses, de professions libérales ou de politicien·ne·s professionnel·le·s.

 

Lobbyisme citoyen et participatif

 

De cette manière, des groupes de population ne faisant d’ordinaire pas partie des décideurs politiques sont amenés à réfléchir sur des thématiques précises et à formuler des recommandations à l’intention des élu·e·s. Pour les accompagner, des professionnels chargés de modérer les débats et un panel d’expert·e·s.

 

Si le processus est nouveau à l’échelle suisse, de telles assemblées citoyennes ont déjà vu le jour dans d’autres pays. En France voisine par exemple, une Convention Citoyenne pour le climat – rassemblant 150 personnes tirées au sort et représentant la diversité de la société françaises – avait été créée par Emmanuel Macron à l’automne 2019, avec pour objectif de proposer des mesures pour réduire d’au moins 40 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 dans une logique de justice sociale. En juin 2020, 149 propositions avaient été formulées par la Convention Citoyenne. Cela ne suffit toutefois pas à en faire un exercice réussi, la dernière étape étant la reprise de ses mesures par les milieux politiques.

 

Il est à cet effet frappant de constater que seules 10 % des mesures proposées par la Convention Citoyennes ont été reprises sans modification par le gouvernement français!

 

Quelle politique agricole pour la Suisse? La réduction de l’empreinte environnementale du secteur agricole est l’objectif de la démarche de l’assemblée citoyenne. Image: Unsplash

Le système politique suisse étant assez différent du système français, on peut espérer que le Conseil fédéral et le Parlement seront prêts à étudier plus en profondeur les recommandations que l’assemblée citoyenne pour une politique alimentaire rendra publiques en février 2023. Le secteur agricole devra lui aussi participer à l’effort collectif et diminuer son empreinte environnementale, la réduction d’au moins 40% des émissions de gaz à effet de serre (GES) issues de l’agriculture à l’horizon 2050 étant un objectif fixé par la Confédération, même si cet objectif est inférieur à celui imposé à d’autres domaines.

Aujourd’hui les fronts sont bloqués entre tenants de l’agriculture conventionnelle et ceux qui souhaitent une agriculture décarbonée et sans pesticides. Espérons que l’Assemblée citoyenne parviendra à réconcilier (un peu) ces deux fronts.

 

Gondosolar: le développement du solaire ne justifie pas tout!

S’il faut accélérer la transition énergétique bas carbone, la pose de milliers de panneaux solaires sur des alpages isolés se justifie-t-elle?  C’est à cette question que je vais tenter de répondre en prenant l’exemple du projet Gondosolar.

Les promoteurs du projet Gondosolar ont présenté début février les grandes lignes de ce qui devrait devenir le plus grand parc solaire de Suisse. Ces promoteurs sont la société Energie Electrique du Simplon SA (détenue à 81,97% par Alpiq), la commune de Gondo-Zwischbergen et l’initiateur et propriétaire de la parcelle concernée Renato Jordan. Situé entre 2’000 et 2’200 mètres d’altitude sur site de l’Alpjerung, pas très loin du Simplon, ce parc devisé à 42 millions de CHF serait composé de 4’500 éléments solaires bifaciaux disposés verticalement à 1,5 mètre du sol sur une surface de 10 hectares (environ 15 terrains de foot). Il pourrait délivrer une puissance de 18 MW (mégawatt) et produire 23,3 GWh (gigawattheure) par an, soit la consommation moyenne d’environ 5200 ménages.

Avantage d’une centrale en altitude par rapport à une centrale installée en plaine ? Non seulement une centrale alpine bénéficie d’un rayonnement plus intense, mais elle est au-dessus du stratus et bénéfice en plus de la réverbération de la neige. Selon les promoteurs, la part produite en hiver serait nettement plus élevée comparativement à une installation située sur le Plateau suisse : 55% de la production aurait ainsi lieu en hiver, une saison où la Suisse doit importer du courant.

 

Description idyllique

Au niveau environnemental, les promoteurs en font une description idyllique. Ce parc solaire ne poserait aucun problème ni sur le plan paysager ni sur la biodiversité. Il ne serait visible que depuis le côté opposé de la vallée depuis le Seehorn, à une distance de 3,7 km et donc hors de portée de vue depuis une zone habitée. De plus, aucune zone protégée n’est concernée. Les plantes et les insectes devraient même profiter de l’installation des panneaux solaires, ainsi que les oiseaux nicheurs et les reptiles grâce à la création de nouveaux habitats.

Vraiment? Peut-on « coloniser » avec ce type d’infrastructures de nouveaux pans de nos montagnes alors que celles-ci ont déjà payé un lourd tribut environnemental et paysager, avec en particulier la construction des nombreux barrages et domaines skiables qui parsèment les vallées alpines?

En Valais, des personnalités politiques haut-valaisannes de tous bords ont rapidement affirmé leur soutien à Gondosolar. Quant au Grand conseil valaisan, il leur a emboîté le pas le 7 mars dernier en décidant de soutenir une motion prenant pour exemple ce projet-ci et demandant que le Conseil d’Etat évalue les emplacements se prêtant à la construction de grandes installations solaires sur des surfaces libres et procède aux éventuelles modifications législatives afin de promouvoir et d’encourager de telles installations. Seuls les Vert.e.s ont refusé la motion, soulignant notamment les enjeux liés à la biodiversité et au paysage et le fait qu’il y ait déjà suffisamment de surfaces bâties qui peuvent être équipées avec des panneaux solaires.

La question est en effet bien là: est-il vraiment nécessaire d’installer des panneaux solaires sur les alpages pour atteindre nos objectifs énergétiques? La réponse est clairement non, comme l’a notamment montré Arnaud Zufferey dans l’article « Gondosolar : miroir aux alouettes » paru sur son blog le 9 mars dernier et dont je vais reprendre ici une partie de l’argumentaire.

 

Gros potentiel sur les bâtiment sans défigurer les alpages

En Valais, le potentiel de production d’électricité photovoltaïque sur les bâtiments est estimé à un maximum de 4’200 GWh, dont 3’100 GWh en toitures et 1’100 GWh en façades, soit 180 fois la production de Gondosolar ! Produire sur son propre toit est aussi avantageux économiquement pour le propriétaire car le courant consommé est bien meilleur marché qu’en passant par un distributeur comme dans le cas de Gondosolar.

 

En plus des bâtiments, de nombreuses infrastructures peuvent accueillir des installations solaires (autoroutes, parkings, parois anti-bruit, murs et lacs de barrages, gares de départ et d’arrivée d’installations de remontées mécaniques, etc.). Par exemple, la société EnergyPier prévoit d’installer une centrale électrique mixte (soleil + vent) sur 1,6 km d’autoroute à Fully. Cette centrale produirait au total 50 GWh : 30 GWh grâce à de petites « éoliennes » installées de part et d’autres des piliers porteurs de la structure métallique servant de support aux panneaux photovoltaïques dont la production serait de 20 GWh.

La faune et la flore seront aussi fortement impactées avec la pose de 4’500 (!) panneaux solaires verticaux, et donc d’autant de pieux forés dans le sol, la construction d’un téléphérique provisoire et l’enfouissement de la ligne électrique sur des centaines de mètres, voire des kilomètres. Car il faudra bien pouvoir transporter jusqu’au consommateur cette électricité produite loin de tout, ce qui signifie aussi une perte de production qui annule en partie l’avantage de pouvoir produire davantage grâce à l’altitude

2 priorités: économiser l’énergie et développer le solaire sur les infrastructures existantes

Avant d’envisager de coloniser les surfaces vierges d’activités humaines, il faut aussi et en urgence plancher sur les mesures d’économies d’énergie. En Valais la consommation d’électricité liée au chauffage électrique est d’environ 360 GWh. Un remplacement de tous ces chauffages par des pompes à chaleur permettrait de réduire la consommation d’électricité en hiver de 240 GWh, soit 10 fois Gondosolar! Et le potentiel de l’efficacité énergétique ne s’arrête pas là: pour éviter l’utilisation d’énergie inutile on pourrait, entre autres, éteindre l’éclairage public entre minuit et 5h du matin, ou interdire l’éclairage nocturne des vitrines et enseignes commerciales. J’ai d’ailleurs déposé une motion sur ce dernier point lors de la session de décembre 2021.

Source: https://olika.ch/index.php?art=gondosolar

Alors oui il faut vraiment accélérer le développement du solaire, en complément de l’efficacité et de la sobriété, afin de mettre en œuvre la transition énergétique. Mais pourquoi donc poser des milliers de panneaux solaires sur des alpages isolés alors qu’il y a largement assez de surfaces bâties et d’infrastructures déjà existantes et proches des consommateurs pour ce faire ?

L’enjeu est de concrétiser ce potentiel : l’adoption par le parlement le 1er octobre 2021 de l’initiative parlementaire de mon collègue Bastien Girod « Promouvoir les énergies renouvelables de manière uniforme. Accorder une rétribution unique également pour le biogaz, la petite hydraulique, l’éolien et la géothermie » permet de booster le solaire (même si le solaire ne figure pas dans le titre de l’initiative !) et les autres énergies renouvelables en prévoyant des rétributions uniques à l’investissement élevées (jusqu’à 60% pour le solaire). Donnant suite à cette décision, le Conseil fédéral vient le 30 mars dernier d’ouvrir la procédure de consultation sur la révision de plusieurs ordonnances dans le domaine de l’énergie. Ces ordonnances devraient entrer en vigueur au début de l’année prochaine, assurant le financement nécessaire à un développement rapide de la capacité photovoltaïque du pays.

Mais par pitié, ne couvrons pas nos alpages encore préservés par des milliers de panneaux solaires!