Début mai, le Conseil national s’est prononcé en faveur de l’économie circulaire en adoptant la Loi sur la protection de l’environnement (LPE) révisée. Cette révision contient plusieurs dispositions visant à encourager le développement de l’économie circulaire en Suisse et fait suite à des revendications des Vert·e·s depuis de nombreuses années.
La révision répond à des préoccupations essentielles, telles que la lutte contre les déchets sauvages ou plastiques et le droit à la réparation.
Mais au fait c’est quoi exactement l’économie circulaire ?
Dans notre modèle économique actuel, dit linéaire, nous puisons des matières premières pour les convertir en produits. Une fois vendus et consommés, ces produits finissent à la poubelle. Cette approche entraîne une diminution des ressources, un accroissement de la pollution et des déchets, sans oublier l’impact environnemental qu’elle engendre. L’économie circulaire se présente comme une alternative à ce modèle. Elle vise à réintroduire les matériaux et produits dans la chaîne de production, minimisant ainsi la nécessité de nouvelles matières premières. Les produits maintiennent leur valeur plus longtemps et produisent moins de déchets.
Nouvelles opportunités pour les entreprises
Le concept de l’économie circulaire englobe le cycle de vie complet des matières et des produits : extraction, conception, production, distribution, utilisation prolongée et, enfin, recyclage. Grâce à des stratégies comme le partage, la réutilisation, la réparation et le reconditionnement des produits, leur durée de vie et d’utilisation est prolongée. Pour les secteurs de l’économie suisse centrés sur l’innovation et la qualité, ce modèle offre de nouvelles opportunités comme des services de réparation ou de location, substituant la vente traditionnelle. Dans la plupart des cas, cette approche sert non seulement l’environnement, mais également le budget des consommateurs et la création d’emplois locaux.
Bien sûr ce sont les entreprises en premier lieu qui sont amenées à s’adapter et mettre en place des processus de production circulaires. Mais le cadre réglementaire peut donner les bonnes impulsions et encourager les entreprises les plus innovantes et pionnières. A ce titre, le projet adopté par le Conseil national donne au Conseil fédéral différentes possibilités de promouvoir l’économie circulaire. Parmi celles-ci on peut notamment mentionner :
L’interdiction de la mise dans le commerce de produits destinés à un usage unique et de courte durée
La fixation d’exigences concernant la durée de vie, la disponibilité des pièces détachées et la réparabilité des produits
L’introduction d’un indice de réparabilité
La fixation d’exigences concernant l’utilisation de matériaux de construction préservant l’environnement ou la réutilisation d’éléments de construction dans les ouvrages
Lutte contre le littering
De plus le Conseil national a décidé que la taxe d’élimination anticipée s’appliquerait désormais aussi aux entreprises étrangères de vente par correspondance (vente en ligne). Il a également introduit une amende max. de 300 CHF pour les personnes qui abandonnent des déchets dans la rue ou dans la nature (lutte contre le littering).
Cette révision constitue un premier pas important pour passer d’une économie linéaire à une économie circulaire. Espérons que le Conseil d’Etat, qui se penchera prochainement sur le projet adopté, suivra la ligne tracée par le Conseil national.
Avec l’évolution du climat, l’avenir des stations de montagne est mise au défi, et dépend de leur capacité à imaginer dès aujourd’hui une offre où le ski occupera une place moins importante.
La question de l’avenir du ski se posera progressivement partout. Comment pouvons-nous envisager un avenir où il perd l’importance cardinale qu’il a connue au cours des dernières décennies? Bien sûr la situation varie d’une station à l’autre et il est difficile de généraliser. Le Valais est également concerné, bien que certains estiment encore que le canton ne sera pas confronté à cette question avant plusieurs décennies en raison de ses domaines skiables les plus élevés des Alpes.
L’annulation des coupes du monde de ski à Zermatt en octobre dernier ainsi que celle de samedi dernier à Crans-Montana, pour cause de manque de neige et de températures trop élevées ne sont que la pointe de l’iceberg: le climat se réchauffe, la neige naturelle se raréfie et rend plus difficile la poursuite d’une économie basée sur l’or blanc. Alors que faire?
L’enneigement artificiel comme principale mesure d’adaptation au réchauffement climatique
Jusqu’à présent, la principale réponse au changement climatique a été l’utilisation de l’enneigement artificiel. 53% des pistes en Suisse en sont aujourd’hui équipées (chiffres des Remontées mécaniques suisses) mais un peu moins en Valais (40% selon une enquête du Walliser Bote parue le 6 février dernier). La proportion d’équipement varie considérablement d’un domaine skiable à l’autre, certains en ayant peu ou pas du tout, tandis que d’autres ont une couverture supérieure à 80% (comme les 4 Vallées et Zermatt). Et c’est toujours la réponse qui continue à être privilégiée: toujours selon le même article, les entreprises valaisannes entendent investir plus de 50 millions dans les canons à neige ces cinq prochaines années. L’objectif est de pouvoir assurer au moins 100 jours d’exploitation du domaine skiable, seuil considéré comme nécessaire pour pouvoir faire tourner économiquement un domaine skiable.
Cette stratégie commence cependant à montrer ses limites. Températures trop élevées pour produire de la neige artificielle, concurrence avec d’autres usages pour l’accès à la ressource en eau (eau potable, agriculture, hydro-électricité, biodiversité), consommation électrique problématique dans le contexte énergétique actuel. Sans parler des coûts de la neige artificielle qui renchérissent fortement le prix du forfait journalier: l’installation de canons à neige pour un kilomètre de piste coûte environ un million de francs. Ni de l’impact sur le paysage et la nature. Ne serait-il pas temps de penser autrement l’avenir du ski et de nos stations?
Les skieurs professionnels se mobilisent face à la raréfaction de la neige
L’association Protect Our Winters (POW) a récemment publié une lettre, signée par 142 skieurs de différentes disciplines (ski alpin, freestyle, freeride), dont les stars Mikaela Shiffrin et Aleksander Aamodt Kilde. Le document a été remis de façon symbolique à la Fédération internationale de ski (FIS) à Courchevel, quelques heures après la descente hommes des Championnats du monde de ski alpin. Elle alerte sur la raréfaction de la neige et l’impossibilité de produire de la neige artificielle sur certains sites de compétitions habituels. L’association et les athlètes demandent à la FIS d’aménager son calendrier, afin de diminuer l’empreinte carbone en limitant les déplacements intercontinentaux, et de retarder le début des compétitions afin d’éviter les annulations d’épreuves pour cause de manque de neige.
Ce « malaise » grandissant exprimé par de plus en plus d’athlètes se comprend aisément: après tout, si la FIS et plus largement toute l’économie du ski ne parviennent pas à diminuer drastiquement leur empreinte carbone, c’est la possibilité même de pouvoir encore pratiquer cette activité dans quelques années et décennies qui s’éloigne.
Franck Piccard, un médaillé olympique qui invite à inventer une nouvelle image de la montagne
Chez nos voisins français, de nombreuses voix commencent à se faire entendre pour remettre en cause la dominance du ski. Dans un article publié récemment par Reporterre, Franck Piccard, champion olympique de ski en 1988, pourtant propriétaire de 6 magasins de sport en Savoie, plaide pour un ralentissement des activités en montagne et une remise en question du “tout-ski”. Il estime que l’existant est déjà suffisant. Sans pour autant remettre en question la pratique du ski actuelle lorsque les conditions sont bonnes, grignoter de l’espace pour construire de nouvelles remontées mécaniques ou des nouveaux logements, creuser de nouvelles retenues collinaires pour alimenter en eau les canons à neige sont des exemples de « maladaptation » en regard du dérèglement climatique qui affecte déjà de manière très concrète les stations.
“Le modèle de stations qui ne cessent de s’agrandir, dans l’espoir d’attirer davantage de gens, est à bout de souffle.”
Franck Piccard, champion olympique de ski en 1988
Dans ce contexte un des plus gros défis est de changer l’image de la montagne, souvent associée exclusivement à la pratique du ski alpin.
Ce défi, la station de Métabief dans le Jura français a décidé de le relever. Face à l’évolution attendue des températures, vu la faible altitude de son domaine skiable et le fait qu’il faille une trentaine d’années pour amortir les investissements dans les installations, les autorités ont pris la décision d’engager la transition de son modèle de « station de ski » vers une « station de montagne »: sortie progressive du ski alpin, envisagée à l’horizon 2035-2040, et mise en place d’autres activités sur toutes les saisons.
Montée du “ski-bashing”
La question de l’impact du ski commence à faire monter un phénomène appelé “ski-bashing“. Ce terme est utilisé pour décrire la critique de l’industrie du ski, notamment en ce qui concerne son impact environnemental et social. Les critiques peuvent porter sur l’empreinte carbone des stations de ski, les déchets laissés par les skieurs et les remontées mécaniques, la pollution sonore et lumineuse, la perte de terres agricoles et la dégradation de l’environnement naturel, ainsi que les problèmes liés à la surconsommation, le tourisme de masse et l’injustice sociale.
Cette tendance, même marginale, risque de porter préjudice à l’image du ski. Car c’est moins le ski alpin en soi qui est remis en cause que la poursuite des moyens engagés pour en permettre la pratique, quelles que soient les conditions météorologiques, plutôt que d’investir ces moyens dans d’autres activités. Dans un contexte de crises énergétique, climatique et de la biodiversité, ces images de bandes blanches de neige artificielle au milieu des pâturages ne peuvent qu’alimenter un sentiment de jusqu’auboutisme et d’incapacité à imaginer pour la montagne un autre avenir que le ski.
Revoir la place du ski dans l’économie touristique : une lente prise de conscience
Depuis longtemps, j’alerte sur les conséquences du changement climatique pour la pratique du ski et le tourisme en général. Avec un succès assez mitigé jusqu’ici il faut bien l’avouer. En décembre 2017, j’étais invité au Journal de Canal 9, la TV locale valaisanne, pour parler tourisme et climat. J’ai à cette occasion reçu un « cadeau » de la part de Christophe Darbellay, Conseiller d’Etat en charge du tourisme: une pelle à neige! Il est vrai qu’il venait de neiger abondamment mais le message implicite était clair: il n’y a pas de problème en Valais, nos domaines skiables sont à haute altitude et on pourra continuer de faire du ski chez nous.
Quelques années plus tard, les fronts commencent à bouger. Dans un article paru le 27 décembre 2022, le directeur du Groupement suisse pour les régions de montagne (SAB), Thomas Egger, affirme que les stations de sports d’hiver situées à moins de 1600 mètres d’altitude devraient dire adieu au ski alpin pour se tourner vers d’autres activités touristiques. Il mentionne le lancement du projet Interreg « Beyond Snow », auquel le SAB participe (tout comme Métabief), avec pour objectif de trouver de nouvelles possibilités de développement pour les régions où la neige se fait rare.
Tout récemment, dans un entretien accordé au Nouvelliste publié le 23 février, le président de Lens David Bagnoud soulignait:
“Cet hiver et les précédents nous montrent que chaque franc investi dans les remontées mécaniques doit être analysé. Le modèle du ski cinq mois par année n’est plus correct. On le voit avec les courses annulées en octobre ou en novembre. La saison d’hiver se resserre et seuls les dirigeants aveugles disent que le monde ne change pas.”
David Bagnoud, président de Lens
La nécessité de diversifier l’offre touristique et le rôle des pouvoirs publics
Diminuer la dépendance au ski alpin signifie diversifier l’offre, en hiver comme lors des autres saisons. Pour y parvenir, les pouvoirs publics ont un rôle important à jouer en donnant les bonnes impulsions. En Suisse, de nombreuses sociétés de remontées mécaniques ne pourraient pas survivre sans le soutien des communes, du canton ou de la Confédération, comme l’a montré un récent reportage de la RTS en prenant l’exemple du Valais. On considère ce secteur économique comme indispensable et on continue d’y investir des millions chaque année, y compris parfois dans les stations de moyenne altitude, ou celles exposées plein-sud. Il s’agit donc dans un premier temps de réorienter ces flux d’argent public et d’engager davantage de moyens financiers pour soutenir la diversification des activités et moins dans la poursuite de la pratique du ski.
De l’innovation sociale plutôt que des infrastructures
Pour accompagner cette transition vers la diversification, il faudrait que l’Etat développe aussi de nouveaux soutiens qui ne soient plus seulement axés sur le financement des infrastructures ou sur la mise en réseau des prestataires touristiques. Je pense en particulier que les pouvoirs publics devraient davantage investir dans le savoir-faire nécessaire à la mise en place d’une nouvelle gouvernance qu’impliquent une vision et des projets touristiques « 4 saisons ». Dans ce sens, l’Etat devrait financer des postes de responsables de projet, sur une période relativement longue (3 ans au moins), qui seraient chargés d’organiser, dans les destinations, des processus participatifs avec les habitants, les prestataires touristiques et les résidents secondaires. Le développement touristique s’est beaucoup basé jusqu’ici sur la construction d’infrastructures: la transition touristique demande aujourd’hui que davantage de moyens soient consacrés à l’innovation sociale et aux compétences humaines, au « software » plutôt qu’au « hardware ».
Le nouveau patron du Département de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC) a passé mercredi son grand oral devant les principaux acteurs de la branche électrique lors du 14e Congrès suisse de l’électricité à Berne. Lors de son allocution, il a dévoilé les grandes orientations qu’il entend donner dans son département. Et confirmé certaines craintes que sa nomination a amenées auprès des milieux défenseurs de l’environnement. Tour d’horizon en trois points.
La protection du paysage et la biodiversité sacrifiées sur l’autel de la production énergétique
Message principal martelé par l’élu UDC : il faut rapidement produire plus d’énergie indigène, en particulier rehausser les barrages existants ou en construire de nouveaux ainsi que réaliser de grandes centrales solaires dans les Alpes. Si accélérer la production d’énergie renouvelable dans le pays est un objectif que tout le monde partage, ce sont les pistes privilégiées qui posent problème. La priorité devrait aller à l’installation de panneaux solaires sur les infrastructures et toits existants ainsi qu’à la sobriété énergétique. Ce dernier point est malheureusement totalement absent dans le radar du nouveau ministre de l’environnement.
Quant à l’affirmation que les intérêts de la production énergétique doivent passer clairement avant ceux du paysage et de la biodiversité, elle montre bien qu’Albert Rösti ne considère pas que la biodiversité en Suisse est en danger. Selon son propre office de l’environnement, la moitié des milieux naturels et un tiers des espèces y sont pourtant menacés. Et qu’il ne comprend pas les interactions entre biodiversité et climat et notamment le rôle important que la biodiversité peut jouer en matière climatique, comme par exemple le captage du CO2 dans les zones humides.
De plus le nouvel élu au Conseil fédéral entend accélérer les procédures concernant les centrales photovoltaïques alpines en évitant que des recours soient déposés par de petites organisations régionales. Autrement dit un nouveau coup de canif dans le droit de recours qui ne respecte pas l’état de droit en voulant abolir la pesée des intérêts entre production d’énergie et protection de la biodiversité.
Un message ambigu sur la protection du climat
Le Parlement a adopté en septembre dernier le contre-projet indirect à l’Initiative pour les glaciers. Cette “Loi fédérale sur les objectifs en matière de protection du climat, sur l’innovation et sur le renforcement de la sécurité énergétique” ancre l’objectif de la neutralité carbone pour 2050 et met 2 milliards à disposition pour le remplacement des chauffages fossiles et l’assainissement des bâtiments ainsi que 1,2 milliards pour soutenir les innovations dans la décarbonation de l’économie.
Albert Rösti est membre du comité d’initiative qui a lancé le référendum contre cette loi et nous voterons en juin prochain sur ce sujet. Il se veut maintenant rassurant dans son nouvel habit de Conseiller fédéral et reprend à son compte l’objectif du gouvernement d’atteindre la neutralité climatique. Il affirme même que la lutte contre le changement climatique doit être placée tout en haut de l’agenda politique. Très bien. Mais dans quelle mesure Albert Rösti s’engagera-t-il avec conviction contre un référendum qu’il a lui-même lancé ? Dans la même veine, l’ancien président d’auto suisse, l’association des importateurs suisses d’automobiles, va-t-il poursuivre une politique, favorable au climat, de transfert modal des transports individuels motorisés vers les transports publics alors qu’il l’a toujours combattue jusqu’ici ?
Le retour du nucléaire
Avec l’acceptation de la Stratégie énergétique 2050, le peuple suisse a clairement approuvé la sortie du nucléaire. Or pour le nouveau conseiller fédéral, ancien lobbyiste du nucléaire, la durée de vie des centrales existantes doit être prolongée au maximum. Dans son discours, il a même évoqué la possibilité d’aider les exploitants des centrales nucléaires afin qu’ils puissent financer les investissements nécessaires à la prolongation de vie de leurs centrales. Cette promesse d’aide au secteur nucléaire marque un clair changement de cap par rapport à Simonetta Sommaruga.
Idem sur la question des nouvelles centrales nucléaires. Là aussi Albert Rösti prend le contrepied du Conseil fédéral en se montrant ouvert à la construction de nouvelles centrales nucléaires. Aucun argument ne plaide pourtant pour la filière nucléaire, à la fois très coûteuse et dangereuse.
Les premières prises de parole officielles d’Albert Rösti comme chef du DETEC ne sont guère rassurantes. Pour les Vert.e.s et toutes les personnes préoccupées par les défis environnementaux, il s’agira de se montrer particulièrement vigilants ces prochains mois pour scruter les positions d’Albert Rösti et voir sa capacité à véritablement respecter la collégialité plutôt que défendre les points de vue de l’UDC.
Dans un contexte multi-crises, l’année 2023 s’annonce difficile. Et si c’était l’occasion de changer de cap et de passer à une économie post-croissance?
Changer les indicateurs pour mesurer la réussite économique
Réchauffement climatique, effondrement de la biodiversité, contexte géopolitique incertain, problème d’approvisionnement énergétique, hausse des prix de l’énergie, retour de l’inflation, manque de main-d’œuvre dans certains secteurs, à première vue, l’année 2023 ne s’annonce pas sous les meilleurs auspices.
Face à ces crises qui s’accumulent, le moment est venu de s’interroger sur les limites de la croissance économique et sur le « sens de la vie ». Le succès d’un pays et le bonheur d’une société peuvent-ils être mesurés uniquement à l’aune de la croissance continue du produit intérieur brut (PIB) ou devrions-nous fixer d’autres critères pour mesurer la réussite? La croissance nous est présentée comme un indicateur de progrès et de bien-être, et donc de bonheur, et constitue depuis des décennies l’objectif affirmé et indépassable des politiques de développement économique des sociétés modernes. Et aussi comme LA solution à toutes les difficultés sociales et environnementales: il faudrait plus de croissance afin d’amener la richesse qui permettra de résoudre les problèmes de pauvreté, de climat ou de biodiversité.
Le PIB s’est ancré comme mesure universelle du bonheur malgré ses limites aujourd’hui reconnues.
Depuis le milieu du 20ème siècle, l’indicateur utilisé pour évaluer le succès d’un pays est le Produit Intérieur Brut (PIB). Cet indicateur économique mesure la valeur totale de la « production de richesse » effectuée par les agents économiques (ménages, entreprises, administrations publiques) résidant à l’intérieur d’un pays ou d’une région. Le PIB s’est ancré comme mesure universelle du bonheur malgré ses limites aujourd’hui reconnues.
Le PIB ne tient en particulier pas compte des effets néfastes comme la pollution de l’air, la destruction de la biodiversité ou le bruit. Ni des prestations non marchandes comme le travail domestique et le travail bénévole. Nous sommes toutes et tous influencés par ce type d’indicateurs qui nous sont servis chaque jour comme étalon du bien-être. Ainsi, lorsque nous apprenons que le PIB stagne ou diminue, nous pensons automatiquement que nous allons vers des temps difficiles. Le PIB est donc plus qu’un indicateur “technique”, c’est aussi un puissant colonisateur de nos imaginaires.
D’autres indicateurs ont vu le jour pour mettre le doigt sur des dimensions non prises en compte par le PIB. Par exemple l’empreinte écologique: elle montre qu’en 2022 l’humanité a vécu à crédit depuis le 28 juillet, jour du dépassement, soit le jour où elle a dépensé son quota annuel de ressources naturelles disponibles. En 1970 c’était le 23 décembre et année après année, la date est de plus en plus précoce.
Façonner un avenir avec moins de biens et plus de liens
En Suisse, l’année dernière, ce jour du dépassement a eu lieu le 13 mai. En 2016, c’était déjà le 18 avril. Autrement dit, la Suisse s’améliore et c’est réjouissant. Mais malgré ce progrès, si tous les habitants du monde consommaient comme nous, il nous faudrait près de 3 planètes pour fournir les ressources dont nous avons besoin pour assurer notre train de vie. Nous vivons donc à crédit au détriment des générations futures et des autres régions du monde, comme le reconnaît clairement la Confédération sur la page du site de l’Office fédéral de la statistique consacrée à l’empreinte écologique.
L’avenir n’est-il pas de favoriser une sobriété heureuse avec moins de biens et plus de liens?
Que faire ? Le progrès technologique et l’action politique peuvent apporter certaines solutions, j’en suis convaincu. Mais ce ne sera pas suffisant. N’est-il pas temps, individuellement et collectivement, de changer nos modes de vie en privilégiant davantage les relations solidaires avec nos proches ainsi que le respect de la nature et des écosystèmes? Et accorder moins d’importance à l’accumulation sans fin de biens matériels comme “l’exige” notre société de consommation basée sur la croissance? L’avenir n’est-il pas de favoriser une sobriété heureuse avec moins de biens et plus de liens en entamant, dans nos pays riches, un processus de décroissance économique ?
Chacun trouvera ses propres réponses à ces questions. Mais une chose est sûre, l’amour et l’amitié sont des sentiments qui eux, doivent incontestablement croître! Je vous souhaite une très belle année 2023.
P.S.: si ce sujet croissance/décroissance économique vous intéresse, je vous recommande vivement la lecture du livre de l’économiste Timothée Parrique, Ralentir ou périr. L’économie de la décroissance, Seuil, 2022.
Sujet hautement émotionnel, remettre en cause la politique agricole et en particulier notre attachement à la viande suscite des réactions parfois violentes. Pourtant, selon un récent rapport, réduire le nombre d’animaux de rente et la consommation de viande sont les plus sûrs moyens pour que l’agriculture suisse atteigne ses objectifs de diminution de ses émissions polluantes.
Création d’une assemblée citoyenne
Afin d’impliquer la population dans les réflexions sur ces défis, différentes organisations dont la Fondation Biovision, le Sustainable Development Solution Network (SDSN) et Agriculture du Futur ont décidé de créer une assemblée citoyenne, avec le soutien de trois offices fédéraux.
L’objectif de cet assemblée officiellement lancée en juin dernier est clair. Il s’agit de répondre à la question suivante : « À quoi doit ressembler une politique alimentaire pour la Suisse qui, d’ici 2030, mette à la disposition de tous des aliments sains, durables, respectueux des animaux et produits de manière équitable ? ».
Quels pourraient être les avantages potentiels de ce type de démarche de démocratie participative?
La situation semble aujourd’hui bloquée au niveau parlementaire pour faire évoluer de manière plus durable la politique agricole et plus généralement la politique alimentaire de la Suisse. Pourtant les défis sont nombreux, entre production de denrées alimentaires, préservation de la biodiversité et du climat et juste rémunération des agriculteurs.trices.
La composition de l’assemblée citoyenne se distingue de celles de nos parlements. En effet, 85 participant·e·s ont été tiré·e·s au sort en fonction de critères garantissant une représentativité des sexes, des âges, des niveaux d’éducation, des opinions politiques ou encore des lieux de vie. Ce type de sélection permet de garantir une diversité au sein de l’assemblée qui se rapproche de celle présente dans la population. Contrairement au Parlement fédéral qui demeure un organe socialement très sélectif se composant essentiellement d’universitaires, d’entrepreneurs·euses, de professions libérales ou de politicien·ne·s professionnel·le·s.
Lobbyisme citoyen et participatif
De cette manière, des groupes de population ne faisant d’ordinaire pas partie des décideurs politiques sont amenés à réfléchir sur des thématiques précises et à formuler des recommandations à l’intention des élu·e·s. Pour les accompagner, des professionnels chargés de modérer les débats et un panel d’expert·e·s.
Si le processus est nouveau à l’échelle suisse, de telles assemblées citoyennes ont déjà vu le jour dans d’autres pays. En France voisine par exemple, une Convention Citoyenne pour le climat – rassemblant 150 personnes tirées au sort et représentant la diversité de la société françaises – avait été créée par Emmanuel Macron à l’automne 2019, avec pour objectif de proposer des mesures pour réduire d’au moins 40 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 dans une logique de justice sociale. En juin 2020, 149 propositions avaient été formulées par la Convention Citoyenne. Cela ne suffit toutefois pas à en faire un exercice réussi, la dernière étape étant la reprise de ses mesures par les milieux politiques.
Il est à cet effet frappant de constater que seules 10 % des mesures proposées par la Convention Citoyennes ont été reprises sans modification par le gouvernement français!
Le système politique suisse étant assez différent du système français, on peut espérer que le Conseil fédéral et le Parlement seront prêts à étudier plus en profondeur les recommandations que l’assemblée citoyenne pour une politique alimentaire rendra publiques en février 2023. Le secteur agricole devra lui aussi participer à l’effort collectif et diminuer son empreinte environnementale, la réduction d’au moins 40% des émissions de gaz à effet de serre (GES) issues de l’agriculture à l’horizon 2050 étant un objectif fixé par la Confédération, même si cet objectif est inférieur à celui imposé à d’autres domaines.
Aujourd’hui les fronts sont bloqués entre tenants de l’agriculture conventionnelle et ceux qui souhaitent une agriculture décarbonée et sans pesticides. Espérons que l’Assemblée citoyenne parviendra à réconcilier (un peu) ces deux fronts.
Durant cette première moitié de législature, la pandémie a marqué le travail parlementaire, en s’installant durablement au sommet de l’agenda politique.
Fin prématurée de la session de mars 2020, déplacement à Berne Expo pour pouvoir garder les distances pendant les délibérations, puis installation de plexiglas partout au parlement et obligation du port du masque. Pas de quoi se plaindre, toute la société a été soumise au même régime des restrictions sanitaires. Mais un peu perturbant, au moment de faire ses marques, pour les nouveaux.
Ce qui a le plus impacté le travail des parlementaires? Sans aucun doute l’annulation de toutes les séances d’information organisées par les différents lobbies en marge de sessions parlementaires. L’accès à l’information (orientée certes, mais information quand même) est devenu plus compliqué. Tout comme les relations avec les collègues. Sans liens humains, il n’est pas toujours aisé de demander du soutien pour créer des accords au-delà des frontières partisanes. Lors de cet automne, les séances d’information en présentiel étaient de retour mais elles sont de nouveau annulées pour la plupart lors de cette session de décembre suite à l’évolution préoccupante de la situation sanitaire.
Apprivoiser le fonctionnement de la machine législative
L’apprentissage du “métier” de conseiller national est long, même sans pandémie. Car il faut apprivoiser le fonctionnement de la machine législative fédérale, comprendre des procédures complexes et le jeu politique entre les deux chambres du parlement. Et c’est un aspect peu connu des citoyen·ne·s: un·e conseiller·ère national·e croule sous des quantités impressionnantes de documents, de courriels et de courriers. Il·elle a intérêt à développer un sens aigu des priorités! Car il faut bien avouer qu’une grande partie des courriers et documents ne seront jamais lus.
Bâtir des ponts
Sans beaucoup de surprise, en tant que Vert, mon activité à Berne s’est concentrée sur les enjeux environnementaux. En siégeant à la Commission de l’environnement, de l’aménagement du territoire et de l’énergie (CEATE), j’ai pu m’engager véritablement sur les questions écologiques. Dans un esprit constructif et en m’appuyant souvent sur des études scientifiques, je cherche à questionner certaines pratiques, à proposer des modifications et à apporter des solutions. Il est à mes yeux nécessaire de trouver du soutien auprès de représentant·e·s d’autres partis afin qu’elles et ils co-signent mes interventions parlementaires. Je suis convaincu que le dialogue et la collaboration permettent d’aboutir à des résultats plus acceptables collectivement. Cette façon de travailler m’a valu d’être classé dans le top 10 (de justesse 😉) des « constructeurs de ponts » au parlement.
Objectif: un environnement plus sain pour nos enfants, ici et ailleurs
Dans ce bilan, je peux inscrire 64 interventions portant sur la protection du climat, la préservation de la biodiversité, la pollution de l’air, la santé et la gestion de la crise COVID, mais aussi sur l’économie circulaire, le tourisme ou la migration (1 initiative parlementaire, 7 motions, 12 postulats, 29 interpellations, 4 questions, 11 questions à l’heure des questions). Une hyperactivité sans préméditation qui m’a valu d’être nommé récemment nouvel élu le plus actif sous la coupole par le Blick. Malgré leur diversité, ces interventions ont toutes le même but: assurer un environnement plus sain pour nous et nos enfants, ici et ailleurs, tout en tenant compte de la nécessaire prise en compte des besoins des plus démunis, justice écologique et sociale allant de pair.
Ceci ne constitue cependant qu’une part de l’activité parlementaire. Un travail important se fait aussi en amont des décisions du conseil national dans le cadre des séances des commissions. Dans le cadre de la CEATE, il a fallu défendre les positions vertes dans différents dossiers comme la révision de la loi CO2, l’économie circulaire ou la protection de la biodiversité. Je me suis aussi battu pour le maintien des acquis dans des domaines comme la protection du patrimoine ou l’aménagement du territoire. Enfin, j’ai demandé des informations sur la mise en œuvre de la loi sur les résidences secondaires ou sur les impacts du changement climatique sur les ressources en eau en Suisse.
Le mythe du parlement de milice est toujours très vivace mais dans la réalité, il est très difficile à appliquer.
En marge du travail directement lié aux activités parlementaires, les interventions dans les médias, la présence sur les réseaux sociaux ou les tâches de représentation font aussi partie des activités habituelles d’un·e conseiller·ère national·e et elles peuvent être particulièrement chronophages.
Celles et ceux qui exercent encore une activité professionnelle à temps partiel, comme moi (je suis professeur à mi-temps) à l’Université de Lausanne, savent que le temps que l’on peut consacrer à la politique, et par conséquent certainement leur influence, est réduit. Le mythe du parlement de milice est toujours très vivace mais il ne correspond pas vraiment à la réalité, nombre de parlementaires étant quasiment des professionnels de la politique.
La vague verte toujours minoritaire
Est-ce que la « vague verte » des dernières élections se matérialise dans les décisions prises? Oui et non. Oui parce que les avancées obtenues sont concrètes. Non, parce que sur les votes environnementaux, il faut reconnaître qu’avec nos alliés socialistes et vert·e·s libéraux·ales, nous restons souvent minoritaires. Tant que les forces favorables à l’écologie et au changement n’auront pas la majorité, il sera toujours difficile d’obtenir des avancées significatives en matière de climat et de biodiversité.