Cette année, il n’y avait donc pas vraiment de “stars” à Cassel. Pas d’artistes entrepreneurs en attente des effets bénéfiques de leur participation sur leur cote. Ruangrupa, le collectif indonésien qui en assurait le commissariat a sciemment boycotté le système de cooptation en vase clos qui fait qu’on se rend à la Documenta pour mieux se vendre à la foire de Bâle ou de Miami. Dans le plus pur esprit situationniste, l’art est redevenu, le temps d’une Documenta, une activité collective, parfois alimentaire et lucrative, mais jamais spéculative. La manifestation est aussi très politique, ouvertement engagée dans certains des grands chantiers de notre époque, l’égalité des genres, l’éveil anticolonial, l’écologie politique ; une constellation de tout ce que notre monde, déchiré entre pandémie et guerre, peut encore produire d’intelligent et de critique sur le front de l’art. Si la Documenta 15 s’inscrit parfaitement dans la démarche politique et documentaire initiée par Catherine David en 1997, elle en constitue ainsi une forme d’intensification. Plus radicale, moins consensuelle, elle apporte une véritable réponse à ce qui apparaît de plus en plus comme la principale menace pour le monde de l’art contemporain : sa dévitalisation. La Documenta 15 replace l’art là où la modernité l’avait imaginé : au cœur des processus d’émancipation sociale. Un tel projet, qui témoigne d’une indifférence assumée à l’art institutionnel et commercial, pouvait difficilement ne pas faire l’objet d’amertume de la part de ceux qui s’en sentent exclus.
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Si on ne lit pas votre article dans sa version intégrale sur le site d’Artpress, lecture à laquelle vous nous invitez toutefois, et si l’on s’en tient au présent extrait, il semblerait que vous vouliez éviter au journal Le Temps et à ses lecteurs de prendre connaissance de l’étendue des dégats. La cause aurait été entendue, les affaires classées, passons à Documenta N° 16! Peut-être les dernières lignes de votre longue page dans Artpress correspondent-elles à une “réalité de l’art” que je n’ai pas été voir sur place mais dont une contribution de Thomas Ribi dans la NZZ du 26 juillet dernier souligne l’émergence: “Ein Land sucht seinen Reizpunkt – Deutschlands Erinnerungskultur steckt in einer Krise.” Ce point d’irritation”, ce besoin de provoquer une crise permanente de la mémoire tout en s’assurant que les milieux politiques les plus effervescents l’accompagnent, est-ce vraiment l’art qui nous fait vibrer, pauvres ignorants que nous sommes? En somme, vous donneriez raison aux “professionnels de la profession” plus enclins à la messe de l’entre-soi caractériel qu’au désir de donner à voir, prêts à toutes les impostures pour faire scandale. Ce qui est certain, c’est que je m’intéresse d’abord à la peinture, et que je ne prendrai jamais le train pour me regarder dans un miroir aussi brouillé.