Le nouveau Tribunal de Grande Instance réalisé par Renzo Piano fait preuve de certaines contradictions symboliques : un forme massive, redoutable, menaçante et simultanément lumineuse, apaisée, humaniste car fondamentalement moderne.
La nouvelle tour projette son image imposante et sévère sur une ville qui croyait ne plus jamais avoir à accueillir des géants de cette espèce. Elle est la première d’une série de constructions élevées qui vont venir complexifier l’horizon parisien. Au-delà de ce changement de paradigme, l’intérêt tout particulier du TGI réside dans le croisement entre sa fonction et son image.
Voici un bâtiment dont la finesse cristalline joue dans le sens d’une métonymie de la justice, mais dont le volume est aussi assez imposant pour projeter l’ombre de la loi sur les quartiers pauvres et indisciplinés du nord de la métropole. Comment ne pas repenser à la définition bataillienne de l’architecture, celle qui dans son dictionnaire critique fait état de grands monuments (qui) s’élèvent comme des digues, opposant la logique de la majesté et de l’autorité à tous les éléments troubles. Comment ne pas voir dans la transparence et la lisibilité de cette tour un phare censé rappeler à l’ordre par sa simple présence?
Si les tribunaux ont longtemps été des objets architecturaux censés inspirer le respect aux citoyens, la version de Piano peut légitimement prétendre en être une variante du troisième millénaire. Celle d’une époque qui menace, non plus par l’opacité, mais par la transparence de ces dispositifs de contrôle.
La tour de Piano, comme le château vers lequel on chemine sans jamais y parvenir dans le récit homonyme de Kafka, serait une métonymie inscrite dans la forme de la ville du caractère inatteignable de la loi. Il suffit pour l’éprouver de saisir la tour dans l’axe visuel de n’importe quelle rue orientée vers l’édifice. Paradoxalement, plus on avance vers la tour, plus elle semble s’éloigner. Cette variante de l’illusion optique de grandeur de Tichener repose sur le contraste entre la taille du bâtiment et le cadre de la rue, si l’expérience est menée près d’un carrefour ou d’un dégagement. Le champ visuel cadré par les deux fronts de rue s’agrandit plus rapidement que le bâtiment visé. l’édifice donne ainsi l’impression de s’éloigner plus on s’en rapproche.
Piano n’est probablement pour rien dans les contradictions intrinsèques du grand tribunal qui rassure et menace. Tout au plus a-t-il construit de façon monumentale, avec le pressentiment que la monumentalité fait le lit du négatif et rend possible des situations dans lesquelles un concept et son contraire peuvent coexister dans la forme d’un édifice.
il serait tellement plus agréable pour le lecteur moyen que je suis que Christophe Catsaros utilise des termes moins “choisis” pour s’exprimer. Certes, il me dira que ses termes son bien français, que je les trouve dans le dictionnaire (encore que…?) mais son style ne m’impose d’autant moins que je ne les comprends pas ou mal !
Renzo nous avait habitué à mieux, mais un architecte n’est que dépendant de son mandant et les m3 doivent être bien “juteux”.
Hormis vos considérations à juger sur place et sur pièce on peut faire deux constats:
– La justice prévoit de la croissance (c’est donc bien un marché lucratif);
– La France n’est pas encore sortie de son système monarchique.
Il serait intéressant de savoir qui a mandaté cet ouvrage, au vu des délais de réalisation?
Ce que je peux vous dire c’est le surcoût dans la construction du TGI fut de nature à remettre en question la pratique des PPP pour l’immobilier de la justice (tribunaux, prisons).
https://www.lemonde.fr/societe/article/2018/03/12/trop-couteux-les-partenariats-public-prive-n-ont-plus-la-cote_5269553_3224.html
Merci de votre réponse.
On pourrait aller jusqu’à une analogie de la transparence des blogs du Temps.
Tout le monde veut s’y promotionner et s’y exprimer, pour autant que l’image renvoyée soit celle désirée ou voulue? Vous avez dit “transparence”?
Sinon, no publishing:))))!