C’est dans le cadre d’une conférence du programme Habitat des Nations-Unis que trois urbanistes et sociologues ont décidé de faire converger leurs efforts critiques pour parvenir à une définition commune de la ville ouverte.
La position ainsi formulée par Saskia Sassen, Ricky Burdett et Richard Senett resplendit de la pertinence d’un raisonnement collectif. Il ne s’agit plus de tel ou tel autre intellectuel définissant son propre territoire mais du champ commun qui se dessine entre des positions distinctes mais convergentes.
Plutôt que de que dire la ville, cette initiative semble à même de la faire ; car l’exemple des théoriciens qui convergent est tout à fait dans l’esprit de ce qu’ils placent au cœur du phénomène urbain : l’interaction. Les thèses individuelles respectives – comment ouvrir la ville (Senett) ? qui possède la ville (Sassen) ? comment « designer » une forme urbaine équitable (Burdett) ? – se télescopent pour produire un propos d’une rare clarté.
La ville ouverte existe, principalement dans le contexte de villes informelles. Reste à les reconnaître comme telles et leur permettre de servir d’exemple. Cette ville, que certains s’obstinent encore à juger dysfonctionnelle, serait un modèle économique non seulement pour les sociétés en voie de développement mais aussi pour les villes postindustrielles du capitalisme globalisé. Les qualités de l’économie informelle et de la ville qui en découle ne sont pas esthétiques mais bel et bien structurelles.
Le film produit à l’occasion esquisse une idée simple : la complexité fonctionnelle accentue la redistribution des ressources. Cela s’applique aussi bien au commerce de pièces détachées à Lagos, qu’au commerce de proximité des grands centres urbains de l’Occident. Dans les deux cas, c’est la lenteur ou la non-optimisation d’un système qui garantit la plus grande redistribution des ressources, et non l’inverse. L’optimisation va plutôt dans le sens de la capitalisation, c’est à dire de la concentration des ressources. Pour Saskia Sassen, cette concentration fonctionne selon des principes qui sont ceux de l’extraction minière : il s’agit de prendre sans ce soucier de qui va se passer après l’acte d’extraction. C’est précisément ce qui la rend non durable et la voue à l’échec. Dans tous les cas, le propos prend à contrepied la thèse selon laquelle le fonctionnement optimal constitue l’essence même du phénomène urbain.
La thèse esquissée par les Quito Papers consiste à penser qu’un fonctionnement complexe, moins optimal, est plus à même d’engendrer des rapports sociaux et économiques durables. Cette complexité qui dure et fait «tourner la machine» serait un modèle à préserver dans les sociétés en voie de développement et à réintroduire dans les sociétés développées qui l’ont combattue.
A l’heure de la disparition annoncée d’un grand nombre de professions (suppression des caisses dans les supermarchés, des chauffeurs de taxi, des agents de toute sorte) oser penser la complexité comme une solution au chômage structurel est un véritable chantier politique.
Les Quito papers posent les jalons d’un tel raisonnement sans avoir la prétention de fixer ce que serait une véritable stratégie de maintien de la complexité au détriment de l’optimisation économique. Le plus difficile reste donc à faire.
merci . excellent article. contente de lire ces réflexions. lausanne pourrait s’en inspirer. son centre ville, parmi d’autres espaces, en bénéficierait. quelle tristesse , quel ennui : shopping sans fin dans des chaines. restaurants et cafés sans âme, on se croirait dans une base de données. aucune reflexion sur des lieux d’interactions organiques en centre ville, les intitiatives interessantes étant repoussées en périphérie. laideur de l’espace public. oppressant.