Symbole contre symbole

Les images de la façade du Grand Théâtre badigeonné auront marqué les esprits. Ils l’auront fait d’autant plus que la cité de Calvin n’est pas habituée à ce genre de débordements. Déjà des voix s’élèvent pour demander des changements dans le mode opératoire de la police, l’usage de moyens plus puissants, la mise en place de forces d’intervention rapide, l’usage de gaz lacrymogène, de balles en caoutchouc, etc. Et pourquoi pas le déploiement de casques bleus !?

Donner dans ce type de surenchère, c’est omettre que les incidents très symboliques du week-end n’étaient pas gratuits mais constituaient une réponse, dont la manière est certes regrettable, à une proposition tout aussi symbolique de la majorité du Conseil municipal : celle d’une coupe linéaire de 2% à toutes les structures subventionnées.

Car comment comprendre une baisse de cet ordre sinon sur le plan symbolique ? Ou faudrait-il vraiment se dire que cette réduction dérisoire est réellement essentielle pour l’équilibre des finances d’une des cités les plus prospères au monde ? Genève croule-t-elle sous les déficits ? Sommes nous à deux doigts de l’insolvabilité ? Certainement pas. L’attaque lancée contre les acteurs de la culture est purement idéologique, et en tant que telle, a fait l’objet d’une réaction tout aussi idéologique.

Reste qu’aujourd’hui, ceux qui voulaient en découdre avec la culture alternative ont d’autant plus d’arguments. Ils seraient même disposés à casser leur tirelire, c’est-à-dire à investir davantage dans la dissuasion et la répression que ce qu’ils cherchent à économiser en coupant les vivres aux milieux culturels alternatifs. Situation paradoxale diront certains que de devoir dépenser plus pour économiser moins. Risque de surenchère diront d’autres, qui risque de coûter cher. Qui a dit que les conflits symboliques étaient sans coût ?
Entre temps, l’Atelier, la revue étudiante de la section d’architecture de l’EPFL a envoyé ses vœux. La carte électronique composée à cet effet n’est autre qu’une version pixélisée du barbouillage symbolique de la façade du Grand Théâtre.

La culture aura-t-elle le dernier mot ? On l’espère.

Bonne année 2016!

 

carte de voeux

Christophe Catsaros

Christophe Catsaros est un critique d'art et d'architecture indépendant. Il a notamment été rédacteur en chef de la revue Tracés de 2011 à 2018. Il est actuellement responsable des éditions du centre d'architecture arc en rêve, à Bordeaux.

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