Circulez : la COP 21 interdite aux cyclistes et peu favorable aux piétons

Peut-on arriver à la COP 21 en vélo et surtout peut-on en repartir à pied ? La question pourrait paraître anecdotique face à l’importance des enjeux de la conférence sur le climat si elle ne révélait pas une incohérence profonde entre les objectifs affichés et les moyens mis en œuvre pour y parvenir.

J’ai tenté de quitter l’enceinte du Bourget pour rejoindre à pied la ville homonyme. Cela n’a pas été facile ; parcourir les 300 mètres qui séparent les espaces de la conférence des premières habitations ne va pas de soi. Il convient d’abord de traverser le parking pour se diriger vers la sortie de l’enceinte du site. A plusieurs reprises, il faut expliquer à des hommes lourdement armés ce que l’on souhaite faire : quitter la COP 21 à pied.

Les moins informés vérifient que c’est bien prévu par le règlement. La confirmation arrive ; oui, c’est possible, vous pouvez y aller. Arrivé au portique, le piéton doit emprunter la voie des bus qui font la navette avec la station de RER qui se trouve à moins d’un kilomètre. Autant dire que venir à pied au Bourget ne relève pas de l’exploit. Tout au plus, cela représente dix minutes de marche.

– Attention, ne vous faites pas écraser.
– Merci, au revoir.

De Suède en vélo

L’exploit, c’est un Suédois rencontré au portique qui venait de l’accomplir. Avec le vélo couché de sa conception, il avait pédalé depuis son pays pour arriver à la COP 21 sans compter sur rien d’autre que la force de ses pieds. J’ai assisté à l’étrange négociation entre un gendarme posté à l’entrée et le frêle suédois dans son engin futuriste. L’entrée sur le site lui était bel et bien refusée. Rien dans le règlement n’était prévu pour les engins de ce type.

– Mais c’est un vélo monsieur, vous pouvez l’inspecter.
– L’accès aux vélos a été supprimé pour des raisons de sécurité. Vos pouvez laisser votre engin sur le trottoir et entrer à pied.
– Mais j’ai pédalé de Suède pour échanger sur mon expérience cycliste avec les gens à la COP 21.
– Impossible d’entrer, libérez le passage Monsieur.

Urpo Taskinen et son engin interdit d'accès à la COP 21
Urpo Taskinen et son engin interdit d’accès à la COP 21

Urpo Taskinen restera interdit devant le portique. On peut se demander si cette goujaterie organisationnelle dit quelque chose de l’événement dans son ensemble. Le rejet des piétons et des cyclistes seraient-il le symptôme d’un égarement fondamental ?

La COP21 ne propose pas de travailler sur les changements radicaux qu’il faudrait entamer dans la production et la vie de tous les jours pour inverser la dégradation climatique planétaire. Tout au plus, elle cherche les remèdes afin de prolonger la longévité des dispositifs et des habitudes qui sont à l’origine du problème. Polluer un peu moins pour continuer à polluer ; consommer moins d’énergie fossile pour continuer à rouler en 4X4. Renoncer purement et simplement au pétrole n’est pas une option.

Les radicaux, ceux qui prônent une révolution sociétale pour remédier au désastre annoncé, ne sont pas au Bourget. Quand ils ne sont pas assignés à résidence, ils tournent le dos à cette gigantesque foire médiatique, à ses compromis inatteignables et à ses milliers de conférenciers venus du monde entier. La COP 21 est un royaume éphémère de bonnes intentions non contraignantes, de revêtements en bois « façon écologique » et de stands de fondations qui affichent des desseins louables mais ne sont sans doute parfois que la caution verte de multinationales aux objectifs bien moins estimables.

Certes l’écologie est en train de devenir un secteur important de l’industrie. En tant que tel, il est en concurrence avec d’autres branches industrielles. Les constructeurs de panneaux solaires et autres producteurs d’éoliennes seront peut-être un jour en position de faire face aux pétroliers. Est-ce vraiment le point de basculement auquel nous devons aspirer ? L’enjeu de la sauvegarde du climat se résume t-il à une révolution techno-scientifique qui pointe mais peine à s’imposer ?

Dans le train du retour deux jeunes employés de l’entreprise qui vient de conclure le marché du siècle en louant l’équipement de la COP 21 comparaient, en toute innocence, la conférence sur le climat et le dernier salon sur lequel ils étaient intervenus:

– Tu ne comprends pas; pour Milipol nous n’étions que quelques dizaines. A la COP 21, on est des centaines. Ce n’est pas du tout la même chose. Le chiffre d’affaires pour le salon de Milipol se comptait en centaines de milliers d’euros. Pour la COP 21, ce sont des dizaines de millions.

– C’est dingue.
– Oui, c’est fou.

 


Photo: AFP

Christophe Catsaros

Christophe Catsaros est un critique d'art et d'architecture indépendant. Il a notamment été rédacteur en chef de la revue Tracés de 2011 à 2018. Il est actuellement responsable des éditions du centre d'architecture arc en rêve, à Bordeaux.

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