Le premier ministre du Qatar, invité gênant de l’Elysée

Pendant que la France peine à définir un plan d’action contre l’Etat Islamique, qui soit autre chose que de la gesticulation médiatique, les affaires continuent. Trois jours seulement après les attentats de Paris, le premier ministre du Qatar était accueilli par le président François Hollande. La visite était initialement prévue dans le cadre du 19e salon Milipol, le grand rendez-vous commercial de la sécurité intérieur des Etats qui se tenait à Paris la semaine dernière.

Dans ce salon ouvert au public, on pouvait suivre une table ronde sur l’investissement dans les pays instables, s’informer sur les dernières applications de surveillance par drone, ou tester de nouvelles armes non létales sur des volontaires. Les organisateurs du salon ne pouvaient mieux espérer pour la 19ème édition de leur évènement: la sécurité n’est plus l’affaire d’une frange conservatrice de la société mais serait devenue un objectif national, tous bords confondus. Des mesures jusqu’ici combattues par tous, sauf par l’extrême droite, ont été adoptées du jour au lendemain sous la pression électoraliste d’un scrutin prévu en France dans deux semaines.

A la guerre comme à la foire

Il y a de l’argent à se faire dans ce domaine et les principaux acteurs du secteur n’ont pas attendu les attentats pour se positionner sur les marchés des pays du Golfe. Indice de la confiance qui règne entre la France et ses partenaires que sont le Qatar et l’Arabie saoudite, le 19e salon Milipol se tenait simultanément sur deux sites. Sur le modèle de la foire d’art de Bâle qui s’exporte à Miami, le salon de la sécurité se tenait aussi à Doha.

Il est légitime de se demander si les récents évènements ne sont pas de nature à compromettre quelque peu les partenariats avec les monarchies du Golfe.

Si le goût des affaires ne semble pas pâtir de la proximité spirituelle entre certains milieux saoudiens, qataris et Daech (Doha vient d’acheter en mai dernier 24 avions de combat français Rafale pour 6,3 milliards d’euros), il est aussi vrai qu’aucun dignitaire français ne s’est empressé à s’afficher aux côtés des dignitaires qataris.

Pour le premier ministre du Qatar, la visite fut courte, l’étiquette tant bien que mal respectée, la tenue vestimentaire occidentale et la poignée de main d’une froideur inégalée !

A terme, il va peut être falloir aller au-delà de la vision court termiste qui s’accommode d’investissements venants de pays qui cautionnent le projet sociétal de Daech.

L’Arabie saoudite, était jusqu’à présent le principal obstacle à la constitution d’une coalition internationale contre l’Etat Islamique. Le royaume s’accommodait parfaitement de l’acharnement du groupe contre l’axe chiite Iran-Syrie.

Reste que la France ne peut pas se permettre le double discours que pratiquent les monarchies du Golfe. Les voix réclamant un abandon de l’alliance stratégique avec le Qatar sont de plus en plus nombreuses, et l’actualité ne laisse pas beaucoup de marge à l’exécutif.


Photo: Le premier ministre du Qatar reçu par François Hollande sur le parvis de l’Elysée – Reuters

 

 

Christophe Catsaros

Christophe Catsaros est un critique d'art et d'architecture indépendant. Il a notamment été rédacteur en chef de la revue Tracés de 2011 à 2018. Il est actuellement responsable des éditions du centre d'architecture arc en rêve, à Bordeaux.

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