Réponse à Cher journal, de Sylvia Ricci Lempen

Défendre les femmes, les soutenir, leur donner leur juste place égale dans la société, qui aujourd’hui pourrait refuser cela ? Mais ce qui se passe avec Le Temps, c’est que ce combat me paraît être devenu contre-productif.  Il a ses limites et ses auteures ne semblent pas s’en rendre compte ou plutôt elles ne veulent pas se l’avouer et absolutisent leur combat à tout prix.   A force de le forcer, cela devient banal et même ridicule.

>> A lire: Cher journal (Le Temps)

J’ai quitté la Suisse définitivement (ce que je croyais) en 1967, entre autre, parce que je n’avais pas le droit de vote même après une licence universitaire !  J’ai participé à la lutte de libération de la Namibie comme journaliste et sociologue, et ce sont les femmes africaines qui m’ont le plus impressionnée par leurs moyens mis en oeuvre, leur résilience, et leur courage. Dénoncer oui comme le fait Le Temps, cela ne suffit pas , il faut améliorer la situation.

Une piste aujourd’hui : s’engager pour le climat de loin la priorité la plus importante. Le secrétaire général de l’ONU Antonio Gutierres l’a bien expliqué dimanche 12 janvier à la TV (Géopolitis). Il faut aussi des femmes, témoins de leurs résiliences, comme celles d’Australie qui perdent leur maison ou Myriam Roth (les glaciers pour combat, LT 13.01).

Surtout, les femmes, épouses, mères, grands-mères, doivent inspirer le respect par leurs attitudes dénuées de toute compétition malsaine, de toute victimisation, mais animées par le désir de construire un dialogue apaisant. Pas facile en effet, parfois impossible. Ringard diront certaines.

 

Elections en Namibie

Elections en Namibie : le parti au pouvoir, la SWAPO, perd des voix…

C’est en 1990 que la Namibie a accédé à l’indépendance sous supervision de troupes de l’ONU auxquelles un contingent militaire médical suisse avait participé. Ainsi libérée de la puissance mandataire l’Afrique du Sud, elle pouvait enfin tracer sa propre voie avec la SWAPO (South West Africain People’s Organisation). Les Namibiens ayant combattu l’apartheid pendant des années, étaient très au courant des Droits de l’homme, ce qui a eu pour conséquences que ce pays a passé les 20 premières années de son indépendance dans le respect de leur Constitution modèle et des minorités, malgré une majorité écrasante des Ovambo au Nord du pays.

Mais les vautours planaient dans le ciel namibien, très friands de ses richesses : l’uranium et le lithium pour les Chinois, la Corée du Nord et l’Iran entre autres, vestiges des amitiés passées du mouvement de libération ;  les diamants (De Beers et Cie, Afrique du Sud) ; les ressources pélagiques où Russes et Espagnols notamment se servaient en toute impunité. Sans oublier la richesse que représentent les fonds phosphatés dans l’Océan atlantique, convoités par des multinationales de l’agro-alimentaire, mais que les Namibiens ont pu défendre jusqu’à présent. La splendeur du pays attire aussi des touristes du monde entier, surtout parce qu’il n’y a pas de djihadistes. Comme l’Afrique du Sud, la Namibie est un pays encore très chrétien et l’Islam y est peu présent.

Les résultats des élections qui ont eu lieu le 27 novembre par vote électronique, se sont fait attendre pour différentes raisons. Tout d’abord l’ambiance morose du pays frappé par une récession économique grave comme bien d’autres pays en Afrique, mais surtout par la sécheresse. Des observateurs connaissant ce pays à la beauté saisissante,  n’ont jamais vu du bétail si maigre qui, à l’est, meure à cause du peu de fourrage. Ensuite, des voitures étatiques ont manqué pour aller chercher les urnes dans certaines régions lointaines. En effet, la Namibie est un immense pays,  une fois et demie la France, pour 824 269 km2 et 2,5 millions d’habitants, principalement concentrés au nord près de l’Angola.

L’ancien président Hage Geingob, 78 ans, un Damara, a été réélu, mais il a perdu 31 % des voix qu’il avait récoltées 5 ans auparavant, et l’Assemblée nationale a elle aussi perdu 21 %,  n’ayant plus les 2/3 nécessaires pour diriger seuls le pays. Comme presque partout en Afrique, le gouvernement a succombé aux sirènes de la corruption introduite surtout par des Chinois, mais Areva (uranium France) n’était pas en reste), sans parler d’autres multinationales. Deux ministres, dont celui de la pêche, Bernhard Esau,  ont été contraints démissionner pour avoir touché 10 millions de dollars de la part d’une entreprise islandaise, rapporte Wikileaks. Mais que cela cache-t-il ? Deux opposants ont divisé la SWAPO : M. Venaani, 42 ans, déjà candidat aux élections passées (Mouvement démocratique populaire) et un ancien membre de la SWAPO, Pantuleni Itula 62 ans, accusé d’avoir bradé les richesses du pays, soutenu par les jeunes surtout intéressés par l’argent et qui n’ont pas connu la lutte pour l’indépendance.

Que va devenir la Namibie avec cette perte d’influence de l’ancien mouvement de libération la SWAPO ?  Le changement climatique, les prédateurs des richesses, la perte de la conscience des Droits de l’homme par les jeunes surtout,  le peu de respect du droit international par les grandes puissances, Trump et Chinois en tête, ne sont pas des bonnes fées pour son avenir qui risque de prendre un chemin chaotique. La même évolution se fait jour en Afrique du Sud. L’ANC est divisée, minée par le clan  mis en place par l’ancien président Zuma, l’Ubuntu de Mandela (prendre soin de tous) s’efface devant l’égoïsme individuel. Le président Cyril Ramaphosa a fort à faire pour se maintenir en place.

La région sud du Sahel s’enflamme…

La région sud  du Sahel s’enflamme

Pendant que la droite et certains verts romands se chamaillent à propos du mouvement Extinction-Rébellion et de son icône Jacques Dubochet, plusieurs pays en Afrique sont de plus en plus atteints par une sécheresse impitoyable qui fait mourir hommes et bêtes. En plus, comme le décrit la NZZ du 29 octobre, la région sud du Sahel est en train de s’enflammer. Entendre par là, depuis la chute du pouvoir Kadhafi, le nombre de conflits, de destructions, de morts, ne cessent de s’aggraver. En cause, l’avancée des islamistes et les changements climatiques qui favorisent la peur, la pauvreté, la corruption, les conflits interethniques, les migrations. Mali, Burkina Faso, Tchad, Niger, totalisent à eux seuls 75 millions d’habitants, auxquels  pourraient s’ajouter bientôt le Ghana et la Côte d’Ivoire. Une immense région, aussi grande que l’Europe (le Nigéria mis à part). Les efforts de l’armée française Barkhane, à laquelle se joignent les armées locales aidées par quelques militaires allemands, ne viennent pas à bout de ces explosions de violences (voir blog Burkina Faso du 28 oct.). 80 % des personnes vivent dans une extrême pauvreté, 40 % des enfants de moins de 5 ans sont sous alimentés. Beaucoup de jeunes sont sans travail et sans perspectives d’avenir. Les migrations sont leur seule possibilité.  Le climat se réchauffe une fois et demie plus vite qu’ailleurs. Les femmes ont en moyenne 4-5 enfants, ce qui annule le progrès de la croissance. Les gouvernements semblent paralysés, souvent noyautés par la corruption ; les fonctionnaires veulent rester au pouvoir si bien que certains gouvernements sont devenus menaçants envers leur peuple.

Berlin et Paris sont conscients des dangers qui couvent depuis longtemps. L’UE a investi 12 milliards d’Euros depuis 2010 pour la sécurité et le développement de cette région. Mais c’est au cours de la réunion du G7 qu’Emmanuel Macron et Angela Merkel ont enfin décidé de lutter plus efficacement contre le danger terroriste. Même la Suisse y a investi 100 millions de francs chaque année comme aide au développement. Et pourtant, le ministre de la Défense du Burkina Faso Moumina Cheriff Sy n’a pas hésité à dire que les engagements des Européens n’ont eu aucun effet… La ministre de la Défense française Florence Parly vient d’effectuer la tournée de plusieurs de ces états pour se rendre compte sur place de cette situation explosive et a assuré une aide militaire supplémentaire avec des militaires européens dès 2020. Elle ne veut pas laisser le champ libre aux djihadistes, a-t-elle affirmé.

Alors ? Il est temps de comprendre qu’il faut aussi aider cette grande région à créer des perspectives d’avenir par la formation et des places de travail. Rouvrir les centaines d’écoles qui ont été fermées et  établir des hôpitaux qui fonctionnent. Mais il faut beaucoup de courage et la bonne volonté des gouvernements, ce qui n’est pas toujours acquis. Les djihadistes savent très bien comment déstabiliser un pays. Ils s’y prennent actuellement de la même manière en Erythrée et au nord du Mozambique. Ils avancent partout comme des fourmis-soldats et, avec les changements climatiques, cela ne fait qu’empirer. Jacques Dubochet a raison de nous secouer, car il y a des dangers qui s’accumulent partout.

 

Le Burkina Faso s’enfonce dans la terreur

 

Depuis plus de quatre années, le Burkina Faso ne cesse d’être le théâtre de tueries commises par des groupes armés djihadistes, certains affiliés à Al-Qaïda au Maghreb, d’autres à l’Etat islamique du Sahel, d’autres enfin à des groupes de brigands et des coupeurs de route.  Le vendredi 11 octobre, la Grande Mosquée de Salmossi au Nord Est du pays, près de Gorom Gorom,  a été attaquée par des djihadistes qui ont tué 16 personnes. Ainsi, ce ne sont pas seulement des chrétiens et leurs églises qui ont visées – 27 chrétiens assassinés depuis le début de 2019 dont des prêtres et des pasteurs -,  mais aussi des mosquées et des Imams. Jusqu’à présent le gouvernement avait minimisé ces attaques, il doit bien se rendre à l’évidence. Selon l’AFP,  600 personnes ont été tuées dans cette grande région et 500 000 ont fui les localités voisines de la Mosquée, terrifiées par ces attaques meurtrières. Le Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR) fait maintenant état d’une crise humanitaire touchant 1,5 million de personnes dans cette région.

Le Burkina Faso, littéralement « le pays des hommes intègres », appelé la Haute Volta sous la colonisation française, est devenu indépendant en 1960. Durant les années 1980, c’est surtout le révolutionnaire Thomas Sankara qui a pris fermement en main ce pays. Il retira les pouvoirs féodaux aux chefs traditionnels et dénonça, déjà, la responsabilité humaine dans l’avance du désert… Mais il fut assassiné par Blaise Compaoré en 1987, son compagnon d’armes, « pour rectifier la gouvernance ». Lui-même fut chassé en 2014 par un soulèvement populaire au sein duquel se trouvaient aussi des djihadistes, et s’enfuit du pays. En cause, une mauvaise gouvernance de nouveau, et la corruption.  Son successeur, le président Kaboré, est lui accusé de passivité comme le président du pays voisin le Mali qui subit aussi de nombreuses attaques djihadistes. « Notre administration ne fonctionne pas comme un état en guerre. Il y a une perte totale du sens de l’Etat au profit de la prédation »,  explique un Burkinabè. Un rapport alarmant de la CEDEAO (Communauté des Etats de l’Afrique du l’Ouest) sur le Burkina Faso du 12 septembre, constate « une faible implication des leaders communautaires, de religieux, des femmes et des jeunes ; un sous-équipement des forces de défense et de sécurité ; un impact des changements climatiques et la prolifération des armes légères ; une faible coordination pour lutter contre l’insécurité ; la faiblesse des moyens de financement disponibles… » Pas étonnant, la haine et la peur se sont infiltrées partout comme au Mali où l’opération militaire française Barkhane n’est pas encore venu à bout de ces tentatives de déstabilisation. Elle opère pourtant dans toute le bande sahélo-saharienne conjointement avec les armées locales. A l’échelle du Burkina Faso, 15 millions d’habitants,  on compte 289 000 personnes déplacées. Environ 2000 écoles ont été fermées On ne compte plus les assassinats de représentants de l’Etat, de chefs traditionnels ou de certains marabouts considérés comme « déviants » par les djihadistes. Il y a environ 60 % de musulmans, 19 % de catholiques et 15 % d’animistes. « Tout le monde tire sur tout le monde, et tout le monde est responsable : groupes armés, djihadistes, communautés. Une chose est sûre : la réponse militaire n’est pas la solution », avoue un haut fonctionnaire en poste dans le nord.

Cette déstabilisation générale dans tout l’Ouest africain, par des djihadistes en majorité, est très préoccupante. Elle ne pourrait être contrée que par un plan Marshall colossal dont avait parlé Angela Merkel, et une éducation massive. Ainsi serait peut-être stoppée cette déliquescence indigne de plusieurs Etats africains jadis stables, sous la pression agressive d’un Islam dévoyé où la pauvreté est un des facteurs déstabilisant de même que le changement climatique.

 

 

La vérité sur les violences xénophobes en Afrique du Sud

 

Début septembre, des violences xénophobes ont éclaté en Afrique du Sud à Johannesburg puis à Pretoria.  Des dizaines de commerces et des camions appartenant à des étrangers ont été pillés et brûlés,  et au moins dix personnes ont été tuées. Officiellement, on a parlé de xénophobie, condamnée partout sur le continent africain, surtout au Nigéria et en RDC (République Démocratique du Congo) par une organisation laïque, dont des ressortissants ont été particulièrement touchés. Le Président Cyril Ramaphosa a fermement dénoncé ces attaques « totalement inacceptables en Afrique du Sud. Il ne peut y avoir d’excuses pour la xénophobie ». Mais ces déclarations n’ont pas suffi. Malgré des excuses officielles, il s’est fait huer aux funérailles de Robert Mugabe à Harare. Parmi les étrangers malmenés ou tués, il y a non seulement des Nigérians et des Congolais, mais aussi des Zimbabwéens, des Pakistanais, des Ethiopiens, des Somaliens, des Mozambicains, entre autres. Mais les plus fermes condamnations sont venues de la part de l’Episcopat de toute l’Afrique australe (Imbisa) le 11 septembre. Il comprend les évêques d’Angola, du Mozambique, du Zimbabwe, de Namibie, de Zambie, du Botswana, d’Afrique du Sud, du Lesotho, d’Eswatini (ex.Malawi) : « Ces actions déplorables ne peuvent être excusées, mais nous croyons que la majorité des Sud-Africains de toutes les couches sociales sont épouvantés par ces violences. Nous vous exhortons à éviter la vengeance… » Ils sont soutenus par le Cardinal ghanéen Peter Turkson, responsable du Conseil pontifical Justice et Paix et qui participait au Cap au Forum sur la paix et la sécurité dédié à Kofi Annan, ancien secrétaire général des Nations Unies, lui aussi Ghanéen. Il faut souligner que 83 % de la population en Afrique du Sud (53 millions) est encore très chrétienne, comme d’ailleurs les pays voisins. Elle ne compte que 1 % de Musulmans. Et même s’il y a eu un attentat djihadiste contre une mosquée chiite le 11 mai 2018 dans les environs de Durban, l’Afrique du Sud reste un pays tolérant en matière religieuse. Pour le moment !

Mais le mot de xénophobie cache une réalité bien plus grave que le Président Ramaphosa et les Eglises hésitent à reconnaître : le chômage chez les jeunes (50 %), le changement climatique, surtout la sécheresse, – la Ville du Cap avec ses restrictions d’eau en sait quelque chose -,  et la récession économique qui touchent de nombreux pays africains. Tous ces facteurs sont suffisants pour ceux qui ont peur de l’avenir et même faim, pour les faire réagir de manière agressive. Des rivalités ethniques vont sans doute réapparaître. Dans ce contexte, les « frères » africains  d’autres pays sont aussi marqués par ces problèmes car pour eux, l’Afrique du Sud représentait leur « paradis » où ils pouvaient toujours aller… Ils comprennent soudain que cela pourrait ne plus être le cas. Dans ces condamnations il y a donc une frustration sous-jacente, alors que le Nigéria, la RDC ou le Zimbabwe ne sont pas non plus exempts de violences.

Comme l’Europe, le continent africain est bouleversé par les changements climatiques, un début de récession économique pour plusieurs et les migrations, et cela ira en empirant. Des milliers d’Africains ont aussi émigré au Mexique, mais ils sont bloqués dans leur espoir d’arriver aux Etats-Unis… Partout, les rêves s’évanouissent comme des mirages.

Mugabe et le Réarmement moral de Caux

Une petite histoire dans la grande histoire de la décolonisation de l’Afrique australe :

Le Réarmement moral, aujourd’hui « Initiatives et Changements », était très actif dans les années 70-80 en Afrique australe au moment des décolonisations et contre l’apartheid. En Angola, au Mozambique, en Rhodésie en Namibie, et en Afrique du Sud, il y avait des mouvements de libération soutenus essentiellement par les Russes et les Chinois dans un contexte de guerre froide.  Mais à l’intérieur de ces pays, il y avait aussi des Blancs qui luttaient pour la justice et l’indépendance.

L’apartheid était particulièrement inacceptable pour les Calvinistes suisses romands car c’était la toute puissante Eglise calviniste hollandaise sud-africaine qui, en se basant sur l’Ancien Testament, avait enraciné sa politique raciste. Le Réarmement moral de Caux (fondé à la suite de la 2e guerre mondiale) se sentait ainsi particulièrement concerné. Certains de ses membres étaient actifs à faire changer ces mentalités en Afrique du Sud, mais aussi à préparer les futurs responsables de ces pays. C’est ainsi qu’ils « coachaient » le fils de Jan Smith, Premier Ministre de la Rhodésie  (Zimbabwe ) qui avait refusé les Accords de Lancaster de Londres voulant donner l’indépendance à leur ancienne colonie. Mais Jan Smith refusa et déclara une indépendance unilatérale. Son fils Alec, qui étudiait en Afrique du sud, n’était pas du tout d’accord avec son père et menait une vie d’étudiant un peu désordonnée. C’est à lui que deux membres du Réarmement moral s’adressèrent, d’abord pour l’aider et ensuite pour lui proposer de rentrer en Rhodésie pour convaincre son père de rencontrer le « terroriste » Mugabe, qui luttait par les armes. Et il réussit. Jan Smith finit par accepter de rencontrer secrètement chez lui le «terroriste» Mugabe et ensemble ils préparèrent l’indépendance du pays.  Un des sujets délicats était de réunir les deux armées : celle de libération et celle de Rhodésie. C’est Alec Smith devenu entre temps aumônier, qui réussit cette tâche difficile.

L’auteur de ces lignes l’a rencontré quelques années plus tard à Harare alors qu’il venait d’écrire un livre « Tu seras mon frère ». Il avait beaucoup d’humour et pas trop d’illusions. Pendant quelques années, Mugabe dirigea le pays  avec compétence, mais comme presque partout dans les pays nouvellement indépendants, les groupes ethniques se firent la guerre. Mugabe fut implacable envers Nkomo et les Ndebele qui s’étaient aussi battus pour l’indépendance du pays. Il devint un dictateur qui emprisonnait ses adversaires politiques et les torturait. Le Réarmement moral n’avait pas prévu cela….    

Erythrée, le gouvernement confisque les hôpitaux catholiques

 

En juin, les 29 hôpitaux de la petite Eglise catholique ont été confisqués par le régime totalitaire du président Issayas Afeworki . « Il ne supporte pas son indépendance qui a toujours dérangé le régime », selon le père Mussie Zerai, président de l’agence Habeshia pour l’aide au développement des migrants et des réfugiés érythréens et éthiopiens (voir La Croix 1.08.19) Le régime communiste totalitaire ne tolère pas le secteur privé et encore moins le rôle des religions dans la société. Il est arrivé la même chose à l’Eglise orthodoxe qui est plus coopératrice.  Ce régime veut limiter le champ d’action de l’Eglise catholique dans la vie publique et lui faire perdre toute pertinence morale, sociale et politique dans le pays (loi No 73/1995).

Son indépendance et son autonomie ont toujours dérangé le régime, car elle est la seule institution courageuse depuis 1991 (date de l’indépendance de l’Erythrée conquise de haute lutte contre l’Ethiopie et de l’arrivée au pouvoir du dictateur Afeworki),  qui ose parler à voix haute avec ses lettres pastorales. Ainsi le régime n’a toujours pas digéré la lettre pastorale de 2014 intitulée « Qu’as-tu fait de ton frère ? », qui dénonce les innombrables crimes commis par le régime érythréen et le silence de la communauté internationale. Le gouvernement aimerait pouvoir manipuler l’Eglise catholique comme il le fait avec l’Eglise orthodoxe tewahedo d’Erythrée. La confiscation des 29 hôpitaux catholiques,  en excellent état, est donc une mesure de représailles et vient soutenir les hôpitaux d’état qui fonctionnent mal, faute de médicaments, de médecins, d’équipes médicales…

Mais le régime totalitaire ne va pas en rester là. Il a aussi  l’intention de nationaliser les 50 écoles et les 100 jardins d’enfants catholiques. Dans certaines régions le régime a déjà demandé d’empêcher l’inscription des élèves dans les écoles catholiques pour la nouvelle année scolaire. Le pays perdra ainsi la qualité de son enseignement. En effet, les écoles publiques sont très pauvres, les enseignants manquent parce que beaucoup se sont enfuis, les plus jeunes à cause d’un service militaire très long et pénible. Le régime est obligé des faire venir des enseignants d’Inde et du Kenya. En fait, le gouvernement érythréen est en faillite. Il est incapable de garantir le bien-être, les droits fondamentaux, la justice, ce qui est aussi la cause de l’exode de centaines de milliers de jeunes.

Depuis 2001, le gouvernement a fermé tous les journaux indépendants et réduit les journalistes au silence par la détention et la torture. Les tribunaux ne sont pas indépendants, influencés par les membres du parti et l’armée. Il n’y a plus d’assemblée parlementaire.

Au vu de ces faits et surtout de la lettre pastorale des évêques de 2014, on peut se demander comment des parlementaires suisses dont Claude Béglé faisait partie, ont pu revenir d’Erythrée faisant remarquer que “le pays est en train de s’ouvrir.” C’est le même optimisme en Corée du Nord… Un peu plus d’humilité et une connaissance approfondie des pays visités sont indispensables. 

 

Les grandes entreprises mondiales du pétrole au Vatican…

 

Avec les attaques contre les pétroliers au large du détroit d’Ormuz, nous devenons de plus en plus conscients de la fragilité de notre économie reposant sur le pétrole. Et voilà que le gentil Nounours Pompeo veut nous faire avaler un serpent dangereux : c’est l’Iran qui en est responsable ! C’est justement le moment choisi par le pape François pour s’adresser aux géants mondiaux du pétrole pour les exhorter à agir d’urgence sur le réchauffement climatique. Il utilise le même vocabulaire que le scientifique allemand Carl Friedrich von Weizsäcker il y a plus de 30 ans pour conjurer le danger de l’escalade nucléaire : le temps presse, et qui nous avait été bénéfique au delà de tout espoir.

Oui, le temps presse, a insisté le pape François, en conclusion d’une session de dialogue à l’Université pontificale devant les entreprises mondiales de l’énergie. « Pendant trop longtemps nous avons collectivement ignoré les fruits des analystes scientifiques, mais désormais les prévisions catastrophiques ne peuvent plus être regardées avec ironie et mépris. Ne rien faire serait une grave injustice vis-à-vis des pauvres et des générations futures… Il y a de l’espérance et  il reste du temps pour éviter les pires impacts du changement climatique, à condition qu’il y ait une action prompte et résolue. »

Les responsables des géants du pétrole se sont ainsi retrouvés au Vatican ces derniers jours et se sont prononcés sur la nécessité de fixer un prix du carbone pour permettre de réduire les émissions et sur une plus grande transparence concernant leur action et ses conséquences sur le climat. « Les entreprises devraient clairement indiquer aux investisseurs comment ils envisagent et investissent dans la transition énergétique. Cela inclut la publication d’éléments fournissant des informations matérielles et significatives conformes à leurs obligations de déclaration dans leurs juridictions respectives, reconnaissent ces entreprises. »

Parmi les signataires de cette déclaration inédite et qui participaient à cette rencontre au Vatican, figurent, entre autres, les PDGs de Shell, BP, Chevron, ExxonMobil, Eni, et Total.  C’est vrai qu’on peut se réjouir prudemment de cette avancée, mais il y aura toujours ceux qui pensent comme l’UDC dans son tout ménage du 14 juin, que le changement climatique est une idéologie. Un langage méprisant qui rappelle une dictature.

 

 

Le nord du Mozambique mis à feu et à sang par des djihadistes

 

A peine remis du passage dévastateur de l’ouragan Kenneth en avril dernier, le nord du Mozambique, constitué essentiellement de Musulmans, et riche en gaz,  doit faire face à des djihadistes radicaux qui veulent instaurer la loi islamique. Depuis plus d’un an et demi, plus de 200 personnes ont été tuées, surtout à la machette, ou brûlées vives dans leurs cases incendiées dans des villages ou des embuscades. Jusqu’à présent, l’identité de ce groupe est restée mystérieuse.

Mais pour la première fois, à fin mai, le groupe EI (Etat Islamique) explique opérer au Mozambique : « Les soldats du califat ont pu repousser une attaque de l’armée mozambicaine des croisés dans le village de Metudi (nord). Ils les ont affrontés avec une variété d’armes tuant et blessant un certain nombre d’entre eux… Les moujahidines ont saisi des armes, des munitions, des roquettes comme butin. » La police mozambicaine a démenti ces affirmations : « Les forces de sécurité sont présentes sur tout le territoire. L’armée et la police ont nettement renforcé leur présence dans la province de Cabo Delgado (nord), région où opèrent les islamistes, pour les mettre hors d’état de nuire. Sans succès. Pour le seul mois de mai ce mystérieux groupe que la population locale appelle  « Al Shabab (les jeunes) a tué au moins 40 personnes, blessés des dizaines d’autres, et incendiés des centaines de maisons (AFP).

Les informations dans le nord du Mozambique sont très difficiles à obtenir à cause de la répression contre les journalistes par les autorités mozambicaines. Mais des experts ont dénoncé une propagande : « Il est normal d’entendre de telles revendications, a estimé Fernando Jorge Cardoso (Institut universitaire de Lisbonne), c’est bon pour l’EI de dire qu’ils s’étendent, et c’est bon pour le groupe au nord du Mozambique qui se sent faire partie d’un groupe plus important. C’est de la propagande. » Un autre expert qui ne souhaite pas dire son nom, explique : «  L’EI n’est pas au Mozambique mais il a peut-être des liens au Mozambique. Dans son communiqué, il fait une grave erreur géographique. Le village de Matudi où auraient eu lieu les affrontements se situe dans la région de Mocimboa. Or Matudi est dans le district de Quissanga à une centaine de kilomètre de Mocimboa.  En plus la date du communiqué n’est pas anodine, elle coïncide avec l’Aïd qui marque la fin du ramadan. »

« C’est vrai que depuis la disparition de son califat autoproclamé en Syrie et en Irak, l’EI essaye de montrer qu’il a des liens ailleurs et tente de compenser son absence sur internet. Ils ont toujours un site internet  et veulent montrer qu’ils sont toujours là. »,  expliquent encore les deux experts.

Il est aussi préoccupant de constater que les djihadistes essayent de s’infiltrer au Burkina Faso, et dans d’autres pays de l’ouest africain où ils sont combattus au Mali par l’armée française aidée par des coups de mains américains.  Au Mozambique ils ont l’appui des shababs de Somalie. Inquiétantes déstabilisations…

 

En Ouganda, les évêques interdisent le plastique !

 

Le 3 juin, les sacs en plastique seront interdits au sanctuaire de Namugongo, une décision qui sera aussi étendue aux autres institutions et sanctuaires catholiques du pays ! Le président de la Conférence catholique épiscopale d’Ouganda, Mgr Anthony Zziwa l’a annoncé le 10 mai dernier à Kampala. Le gouvernement, qui avait déjà essayé plusieurs fois sans succès d’interdire le plastique, en fera de même. En fait, ils suivent l’exemple de la Tanzanie voisine qui a publié un communiqué à l’intention des voyageurs stipulant une interdiction totale de sacs plastique à partir du 1er juin.

Mgr Zziwa s’est inspiré de l’encyclique Laudato Si du pape François qui insiste sur les devoirs de l’humanité envers l’environnement. En outre il est au courant des recherches de l’Organisation mondiale de la santé (OMS)  ayant démontré le lien entre la pollution, surtout liée au plastique, et les maladies telles que le diabète, l’asthme et certains cancers. « En tant que membres de l’Eglise catholique, nous reconnaissons l’obligation de prendre soin de l’ensemble de la Création et nous admettons l’existence d’un lien entre la promotion de la dignité humaine et le droit à un environnement propre, un air propre et une eau propre, non contaminée par la pollution ». En outre, il a expliqué que les sacs en plastique mettent 400 ans à se décomposer…  Ils risquent de détruire les cultures et de porter atteinte à l’agriculture, colonne vertébrale de l’économie de l’Ouganda. Il y aurait 5000 milliards de sacs par an utilisés dans un monde qui est malade de sa consommation de plastique.

Le sanctuaire de Namugongo, à 15 km de Kampala, est un lieu saint où affluent des milliers de pèlerins chaque année, là où le roi Mwanga avait fait exécuter 22 catholiques en 1886. Que deux pays africains donnent ainsi l’exemple concernant le plastique, est réjouissant.