Nigéria: la colère des jeunes nigérians nous interpelle aussi

 

Le président nigérian septuagénaire Muhammadu Buhari, ancien général, n’arrive pas à venir à bout de la jeunesse révoltée par les violences de la Brigade spéciale de répression des vols (Sars). Il était pourtant venu presque à bout, ces cinq dernières années de pouvoir, de l’insurrection djihadiste de Boko Haram (nord-est) et d’une terrible récession économique. Mais la jeunesse appauvrie et avide de changement, lui pose un défi sans précédent.

Le 20 octobre, son armée et la police sont accusées d’avoir tiré à balles réelles sur des milliers de manifestants faisant au moins 12 morts à Lagos, provoquant une indignation générale, même à l’étranger, ce qui ne l’a pas affecté. Il s’est montré au contraire intransigeant et sourd à la douleur des jeunes. Il a même cru calmer les esprits en annonçant la dissolution de l’unité de police pourtant au cœur des revendications et en promettant de réformer la police. Mais ces annonces n’ont pas suffi à calmer la jeunesse et les protestations sont devenues peu à peu un mouvement contre le pouvoir central. Dans ces villes surpeuplées où vit une population jeune et pauvre, les violences ont rapidement éclaté et les répressions ont été trop sévères.

Tout cela a mis à jour le fossé énorme qui sépare une élite nigériane âgée comme leur président, et la jeune génération qui veut se faire entendre. Un modèle que l’on retrouve hélas dans presque tous les pays du continent africain où la force armée ne peut venir à bout des révoltes populaires quand ce n’est pas les djihadistes. En plus, les flux d’argent sud-nord (75 milliards d’euros), en majorité des capitaux illicites, sont plus importants que ceux nord-sud. Le Nigéria est un colosse de 214 millions d’habitants. Sa population atteindra les 410 millions en 2050, c’est en effet, le pays le plus peuplé d’Afrique. Il est aussi le premier producteur et exportateur de pétrole et le 3e producteur de gaz derrière l’Algérie et l’Egypte. Depuis 2014, le Nigéria est passé devant l’Afrique du Sud (57 millions habitants) pour sa puissance économique, grâce aussi à son industrie cinématographique.

Le continent africain abrite aujourd’hui 1,3 milliard d’habitants. Mais la pandémie du Covid vient jeter son ombre diabolique sur tout le continent, augmentant partout la pauvreté, ce qui révolte les jeunes qui se sentent privés d’avenir et qui voudront émigrer. On se demande alors comment certains grands patrons d’entreprises sur ce continent peuvent encore refuser de payer pour les dégâts qu’ils causent sur des populations et leurs environnements… Le Forum de Davos 2021 a pris les devants. Il va demander de réduire leurs dividendes, comme Christine Lagarde d’ailleurs, l’ONU et le pape François dans son encyclique Fratelli Tutti. C’est une question de survie de l’humanité… De grands mots ? Non, la réalité à moyen terme. A méditer pour un oui aux votations du 29 novembre.

 

 

Christine von Garnier

Christine von Garnier, sociologue et journaliste, a vécu 20 ans en Namibie où elle était correspondante du Journal de Genève et de la NZZ. Elle a aussi travaillé comme sociologue dans le cadre des Eglises. Aujourd’hui, secrétaire exécutive de l’antenne suisse du Réseau Afrique Europe Foi et Justice.

3 réponses à “Nigéria: la colère des jeunes nigérians nous interpelle aussi

  1. Si l’on voit la prise de position du CEO de Nestlé contre, qui n’est pas la dernière à, au moins, tenter des mesures, on voit bien où la chatte a mal aux pieds.

    D’un pays si riche, il est de notre devoir de ne pas piller le reste du monde (80% des traders de Commodities sont établis en Suisse).

    Si je reçois l’enveloppe à temps (ça parait déjà bien tard) je vote sans hésiter un double OUI!
    Contrairement aux dires de madame Chevalley, c’est un tremplin pour lutter contre la corruption dans tous ces pays, car là est le facteur vicieux.

    P.S. le contre-projet n’est que du cleanwashing

    1. P.S. Une manière aussi de montrer que la Suisse “reste” une boussole démocratique, dans ce monde de plus en plus obscur.

      Je suis sûr que c’est l’égal de sa précision dans les montres et autres services et bénéficierait, même à ses traders et à ses banquiers, par ajout qualitatif d’un fair-swiss-trade

  2. chere Madame,

    Comme vous le mentionnez dans votre billet sur le Mozambique, les multinationales chinoises ou bresiliennes s’empressent de prendre les pkaces laissees par les occidentaux….

    Pensez vous reellement que l’initiative sur les multinationales ameliorerait la situation ? cela aurait ete le cas voici 50 ans mais desormais il y a plethore d’entreprises de pays emergents, qui n’ont ni les scrupules ni l’opinion publique suisses….

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