Initiative pour des entreprises responsables

 

A l’heure où l’on apprend la fuite, chaque année, depuis le continent africain, de 75 milliards d’euros qui sont en majorité des capitaux illicites (évasion fiscale, contrebande, corruption, sous facturation, etc.) et représentent à peu près la totalité de l’aide au développement générale, on est consterné ! Comment est-ce possible alors que les représentants des 4 principaux partis politiques suisses, soient contre cette initiative pour que des entreprises ayant leur siège en Suisse soient responsables des dégâts qu’elles causent dans les pays émergents ? Tout y est : environnement, pollution, empoisonnements de populations, morts dans les mines artisanales (or surtout), achat d’armes, etc. Bien sûr cela coûterait quelques sous. Evidemment, on ne peut le reprocher au PLR (Petra Gössi) ou à l’UDC (Marco Chiesa, dont c’est la ligne de pensée. Oui, mais à la Verte libérale Isabelle Chevalley et au président du PDC Gerhard Pfister qui utilisent des arguments tordus, on doit le leur reprocher.

Certes il y a des entreprises qui agissent correctement et même noblement et font leur possible pour limiter les dégâts et éduquer la jeunesse de ces pays émergents où rôdent les djihadistes à l’affût. La plupart des entreprises basées en Suisse, assistés par des lobbyistes onéreux, vous racontent la main sur le cœur, tout le bien qu’elles font localement, mais elles ne savent pas vraiment ce qui s’y passe, qui empoche les dividendes et comment ces montants sont rapatriés dans des paradis fiscaux. La plupart utilisent à peu près les mêmes méthodes que les Chinois (prendre la terre en cas de dettes) ou celles d’organisations mafieuses (s’emparer d’uranium). Donc inutile de parler du respect de la souveraineté d’un état comme Gerhard Pfister. Les états, au contraire, se réjouiraient que de telles magouilles soient punies chez eux. Et évoquer le Covid et la pauvreté qui en découle n’est pas acceptable non plus, car il y aurait assez d’argent dans ces pays sans la corruption…

Il vient d’y avoir un appel de plusieurs centaines d’intellectuels africains pour soutenir l’action du prix Nobel de littérature 1986 Wole Soyinka (Nigéria) qui essayent justement de moraliser leurs dirigeants corrompus. Ils se sont bien rendu compte que c’est le seul moyen de responsabiliser les Africains à la place de continuer à en faire des assistés qui sabotent ainsi la démocratie. Même les peuples en ont assez, les jeunes surtout, qui maintenant osent protester ouvertement dans la rue contre leurs dirigeants. Aidons-les.

Pensons au « Great Reset » dont a parlé Klaus Schwab au Forum des 100. A Davos 2021 il demandera aux actionnaires de ces entreprises de diminuer leurs profits (caisses de retraite et AVS notamment) et de prendre plus en compte la dignité des personnes et la solidarité. C’est ce que pensent aussi Christine Lagarde depuis longtemps et le pape François dans sa récente encyclique « Tutti Fratelli ». Selon eux, il n’y a pas d’autres moyens de sauver l’humanité… Bien sûr cela ne convient pas à l’Américain Mike Pompeo, secrétaire d’Etat et au président Trump.

 

 

Christine von Garnier

Christine von Garnier, sociologue et journaliste, a vécu 20 ans en Namibie où elle était correspondante du Journal de Genève et de la NZZ. Elle a aussi travaillé comme sociologue dans le cadre des Eglises. Aujourd’hui, secrétaire exécutive de l’antenne suisse du Réseau Afrique Europe Foi et Justice.

3 réponses à “Initiative pour des entreprises responsables

  1. Pauvres gens, qui n’ont qu’un porte-monnaie à la place du coeur !
    La plus belle période de ma vie de généraliste fut celle au cours de laquelle j’ai passé 4 ans en Afrique où je n’ai rien gagné sinon une ébauche de sérénité et de compassion.

  2. Chère Madame von Garnier,
    Votre papier mélange beaucoup d’éléments qui n’ont pas trait à l’initiative sur laquelle nous sommes appelés à voter le 29 novembre. Pas facile de voir le lien entre évasion fiscale, aspirations démocratiques des jeunesses africaines, Klaus Schwab, le Pape et… Trump. Franchement, pour un article de blog qui a pour titre celui de l’initiative, ça fait un peu beaucoup. Je trouve d’ailleurs que votre démarche n’est pas très honnête, quand on sait que la votation porte sur un texte précis qui établit des mécanismes précis. Pas des principes généraux.

    Depuis 20 ans, je voyage régulièrement en Afrique et contribue à des projets de développement sur place. C’est en connaissance de cause que je m’exprime contre cette initiative dont les conséquences seraient négatives pour ces pays. Alors plutôt que de vous exposer mes arguments, que vous trouvez apparemment « tordus », je répondrai directement à vos remarques.

    « Comment est-ce possible alors que les représentants des 4 principaux partis politiques suisses, soient contre cette initiative pour que des entreprises ayant leur siège en Suisse soient responsables des dégâts qu’elles causent dans les pays émergents ? »
    Personne ne s’oppose à la responsabilité des entreprises. Le titre de l’initiative nous induit en erreur. Nous ne votons pas sur ce principe essentiel. Nous votons sur le moyen de le mettre en œuvre. Or, je pense effectivement que l’initiative se trompe en introduisant de mauvais mécanismes juridiques. Avoir le mérite de mettre en évidence des problèmes réels ne conduit pas à ce que toutes les solutions proposées soient les meilleures.

    « Donc inutile de parler du respect de la souveraineté d’un état comme Gerhard Pfister. »
    Inutile ? Vraiment ? C’est pourtant bien de cela qu’il s’agit. Quand un juge suisse imposera une décision à des acteurs économiques d’autres pays pour des faits qui se seront déroulés en dehors de notre territoire, je crois qu’il deviendra très utile pour les états en question de parler du respect de leur souveraineté.

    « Les états, au contraire, se réjouiraient que de telles magouilles soient punies chez eux. Et évoquer le Covid et la pauvreté qui en découle n’est pas acceptable non plus, car il y aurait assez d’argent dans ces pays sans la corruption… »
    Pensez-vous qu’en votant oui à une initiative en Suisse, nous sommes en mesure de régler l’évasion fiscale et la corruption en Afrique ?

    « Même les peuples en ont assez, les jeunes surtout, qui maintenant osent protester ouvertement dans la rue contre leurs dirigeants. Aidons-les. »
    En votant un texte sur la régulation des entreprises, depuis la Suisse ?

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