Un destin commun des peuples de la Méditerranée

 

Le vaste espace méditerranéen charrie une grande diversité de contextes politiques, sociaux, culturels et religieux. L’infatigable pape François a poussé les responsables de l’Eglise catholique à assumer leurs responsabilités politiques et sociales tout autour de la Mare Nostrum où il y a des conflits, même des guerres, des inégalités et des migrants qui y perdent souvent leur vie. C’est ainsi que 58 évêques de 19 pays du bassin méditerranéen se sont réunis pour un échange historique à Bari (Italie) du 19 au 23 février. Le président de la Commission des Episcopats de l’Union Européenne, le cardinal Jean-Claude Hollerich, a bien résumé l’impression générale : « Finalement, François nous montre que Dieu n’est que dans le réel et qu’il faut se salir les mains ». Sartre aurait approuvé…

Les participants ont eu à cœur de partager leurs préoccupations avec leurs confrères, souvent à mille lieues de leurs réalités, des échanges qui comblent une lacune fondamentale, s’ils veulent promouvoir que « les peuples de la Méditerranée partagent un destin commun ». Témoignage de l’archevêque de Tunis : « La première chose qui m’a surpris, c’est de voir combien nous étions des étrangers les uns pour les autres. Nos missions sont parfois opposées : l’Europe doit accueillir les migrants qui débarquent sur ses rives, alors que moi, mon travail c’est de retenir les migrants d’Afrique subsaharienne qui veulent traverser la Méditerranée et de leur expliquer que tout n’est pas facile en Europe et qu’ils ne trouveront pas forcément du travail ».

Les évêques européens ont écouté attentivement aussi les représentants du Proche-Orient qui ont expliqué leurs expériences de coexistence avec les fidèles musulmans. Ces échanges leur ont montré une réalité méditerranéenne souvent bien sombre : la guerre en Syrie, une immense tragédie, le chaos en Irak et en Libye, l’exode des minorités chrétiennes face aux persécutions des fondamentalistes musulmans. Les évêques en sont convaincus : leurs responsabilités sont aussi de créer des espaces de dialogues plus nombreux, de créer des comités interreligieux en particulier avec les croyants musulmans, de faciliter des échanges de prêtres, de favoriser le volontariat des jeunes qui veulent en connaître d’autres de l’autre côté de la mer. L’archevêque d’Alger a précisé : « Dans nos discussions, nous ne pensons pas aux seuls chrétiens, certes nous sommes les pasteurs de nos Eglises, mais aussi de nos peuples dans toute leur diversité ».

Une réunion inédite qui nous interpelle, convoquée par les responsables italiens qui espèrent ainsi bâtir une « frontière de paix ». C’est vrai qu’avec le pape François, on peut s’attendre à tout : en septembre 2018, il avait lancé un dialogue de paix entre les deux ennemis rivaux au Soudan du Sud, le président Salva Kiir et l’ancien vice-président Riek Machar. Un conflit d’une décennie qui a fait au moins 400 000 morts selon l’ONU et 4 millions de déplacés. Désespéré, François s’était jeté à leurs pieds en les suppliant de penser à leurs peuples et en leur promettant, avec l’archevêque de Cantorbéry, Justin Welby, de venir au Soudan du Sud quand ils auront fait la paix. Ce qui est arrivé début 2020. Ils se sont demandé pardon mutuellement…La DDC y soutient l’agriculture et la sécurité alimentaire depuis plusieurs années.

Utopie ? Grâce à cet exemple, les évêques du pourtour méditerranéen peuvent aussi espérer atteindre leur but d’une paix méditerranéenne…

 

 

 

Christine von Garnier

Christine von Garnier, sociologue et journaliste, a vécu 20 ans en Namibie où elle était correspondante du Journal de Genève et de la NZZ. Elle a aussi travaillé comme sociologue dans le cadre des Eglises. Aujourd’hui, secrétaire exécutive de l’antenne suisse du Réseau Afrique Europe Foi et Justice.