Les réfugiés yéménites d’Obock(Djibouti) croisent les migrants éthiopiens et érythréens à Aden

Depuis 2015, les bombardements au Yémen ont fait plus de 7000 victimes et causé de nombreuses destructions d’infrastructures, écrit un envoyé spécial de l’AFP. Cette guerre oubliée oppose les partisans sunnites du gouvernement du président Hadi soutenus par l’Arabie saoudite et les Etats-Unis, contre les rebelles houthistes chiites, armés par l’Iran, ce que Téhéran dément.  2000 réfugiés yéménites vivent dans le camp poussiéreux d’Obock (Djibouti) amarré sur la côte africaine du golfe d’Aden. Entre les deux rives, le détroit de Bab-El-Mandeb (« la porte des larmes »), a vu défiler le trafic des esclaves, la piraterie et la violence des clans.  Maintenant ce sont d’un côté les réfugiés yéménites qui fuient la guerre et les bombardements qui croisent les migrants éthiopiens et les érythréens fuyant eux aussi la violence dans leurs pays pour atteindre l’Arabie saoudite et de là l’Europe … Ce camp est géré par le Haut-Commissariat aux Réfugiés de l’ONU et par l’Office national djiboutien d’assistance aux réfugiés et sinistrés. Mais c’est difficile d’y entrer. Il est géré par un préfet qui n’est pas au-dessus de tout soupçon. Un habitant d’Obock pense qu’il prélève une partie de l’aide humanitaire, un autre affirme qu’il détourne le travail proposé aux réfugiés au profit des Afars, l’ethnie de la région.

Mais la gendarmerie est plus serviable paraît-il, elle laisse visiter ce camp comme on en voit partout. Fathia, une infirmière réfugiée du Yémen où elle risquait sa vie pour soigner les blessés, affirme que les Houthistes ont bombardé son pays sans interruption, mais aussi les Saoudiens avec des avions de la coalition, dont les Américains… Elle a perdu 22 membres de sa famille. « Ces gens, les Saoudiens, viennent à notre secours, mais ils nous bombardent ! Je les hais aussi ». Mais le vieux Ahmed, salafiste, défend les Saoudiens « qui nous aident au Yémen ». Ce que conteste aussi Anissa qui étudiait l’anglais à l’université d’Aden et en veut spécialement aux Saoudiens accusés de détruire le pays.

Au Yémen, la guerre place de nombreux parents devant un dilemme douloureux : ou bien envoyer les enfants à l’école, ou bien les nourrir convenablement et les faire travailler. Selon un chercheur du Conseil européen sur les relations étrangères (ECFR) : « Les bombardements parfois quotidiens de la coalition dirigée par l’Arabie saoudite et soutenue par les Etats-Unis ont accru la pauvreté du pays le plus pauvre du Moyen-Orient et de ses 26 millions d’habitants… » De telles destructions d’infrastructures civiles ont conduit des experts de l’ONU à estimer dans un rapport au Conseil de sécurité que certaines attaques pourraient constituer des crimes de guerre.

Tout cela favorise un autre belligérant : Al Quaida. Et c’est pourtant à cause d’Al Quaida que l’armée américaine mène des raids au Yémen! Un résultat contraire qui ne plaira pas au président Trump, car il augmentera le nombre de réfugiés yéménites voulant venir aux Etats-Unis. L’ONU, le CICR et le Haut-Commissariat aux Réfugiés viennent de lancer un appel urgent à cause de la pauvreté grandissante et du manque de nourriture au Yémen.

 

 

Christine von Garnier

Christine von Garnier, sociologue et journaliste, a vécu 20 ans en Namibie où elle était correspondante du Journal de Genève et de la NZZ. Elle a aussi travaillé comme sociologue dans le cadre des Eglises. Aujourd’hui, secrétaire exécutive de l’antenne suisse du Réseau Afrique Europe Foi et Justice.