Interceptor : même les navets n’échappent pas au progressisme cornichon

Le film Interceptor est un gros navet qui ne mériterait pas qu’on s’y intéresse s’il n’était pas révélateur d’un phénomène plus insidieux. En effet, la bien-pensance, dont on pensait que les élites hollywoodiennes se régalaient de manière exclusive comme dans le très drôle Don’t Look Up, s’est désormais transmise aux souches plus basses de l’industrie du divertissement.

Fortement promu par Netflix (excellent dans les séries mais plus à la peine dans le domaine des films) Interceptor est un thriller de série B signé Matthew Reilly, un Australien spécialiste du genre ou, peut-être, devrait-on dire des genres : thriller et navet, tant son palmarès est pauvre. L’intrigue est assez simple. L’armée US dispose de deux bases équipées pour intercepter une attaque de missiles nucléaires russes. Ces bases sont neutralisées par des méchants qui, en même temps, prennent le contrôle des missiles russes. But de l’opération : détruire l’Amérique avec les missiles en désactivant les intercepteurs. Mais, sans rien divulgâcher (comme disent les Québécois), c’est sans compter la vigilance du Capitaine JJ.

Sous les traits d’Elsa Pataky, actrice et mannequin d’origine espagnole, le Capitaine JJ est une sorte de Bruce Willis au féminin. Biscottos potelés et sourcils épilés mais vindicatifs, elle défouraille sans compter afin de sauver le monde d’un complot des méchants (très à droite) contre les gentils (très à gauche). Le film et son message tiennent dans la composition des deux camps.

Du côté des méchants : un garçon, joli mais blanc, intelligent mais sournois. Sa motivation est l’argent. On le devine parce qu’il lâche maladroitement le nom de sa banque… Zurich Schweiz Bank (sans rire). A ses côtés, son idiot utile : un Red neck (beauf) à l’accent texan, blanc (presque rose), presque vieux et, bien sûr, mucho macho. Lui, c’est plutôt l’idéologie : « je ne suis pas un meurtrier, mais un patriote » lance-t-il avant d’exécuter à froid un brave Indo-américain qu’il avait pourtant prévenu : « je veux détruire cette Amérique qui compte trop de gens comme vous » (il s’adressait également au Capitaine JJ dont le côté latino ne lui avait pas échappé). On nous fait bien comprendre que ce méchant-là est du calibre qui envahit le Capitole de temps à autre et vote Trump à tous les coups.

Du côté des gentils, l’héroïne bien sûr. Une Latino, donc, qui a eu du mal à grader dans l’armée car elle a dénoncé, façon #MeToo, un général (vieux, blanc, gros et moche), plus intéressé par son arrière-train que son avancement dans la hiérarchie. Le Président des Etats-Unis qui, évidemment, est une Présidente (interprétée par une actrice australienne d’origine grecque) accompagnée de son secrétaire à la défense, un autre général, mais noir et pugnace. Ensemble, ils prennent les bonnes décisions malgré les mauvais conseils d’un consultant mâle et blanc avec même un petit air sémite façon Gainsbourg.

Manuel illustré de wokisme pour les nuls, Interceptor distille son « progressisme cornichon » (selon la jolie expression de Mathieu Bock-Côté, sociologue mais penseur éclairé), en nous montrant, au cas où ça nous aurait échappé, comment il faut impérativement reconnaitre les siens en termes de genre, de race, de couleur, de sentiments (et de goût pour la délation… Heu! Pardon, pour lancer des alertes). C’est si simple qu’on se demande bien pourquoi on n’a pas encore éliminé tous les fauteurs de troubles, si faciles à repérer : les blancs, les mâles, les vieux, les banques, les patriotes (catégories non-exclusives) et, bien sûr par-dessus tout, les capitalistes. Un film qui donne envie de s’acheter un ours en peluche et de lui faire des bisous. Il ne manque à cette fresque de la pensée gnangnan qu’une couleur pour atteindre le climax de l’intersectionnalité, celle de l’écologie. L’entier du film se passe sur une plateforme plantée au milieu du Pacifique qu’on ne peut atteindre– ô horreur – que par hélicoptère ou – encore pire – par sous-marin nucléaire. Pas l’ombre d’un transport public. Encore un peu de boulot avant d’atteindre le politiquement correct parfait.

Christian Jacot-Descombes

Christian Jacot-Descombes a exercé successivement les métiers de neuropsychologue, animateur et journaliste de radio, journaliste de presse écrite et responsable de la communication d’une grande entreprise. Il voyage beaucoup parce qu’il pense que ça ouvre l’esprit et aussi parce que ses différentes expériences professionnelles lui ont démontré qu’il vaut toujours mieux voir par soi-même.

12 réponses à “Interceptor : même les navets n’échappent pas au progressisme cornichon

  1. Excellente description par mon voisin de blog de cette société caricaturale dans laquelle nombre de politiciens, d’artistes, de media et malheureusement d’universitaires veulent à tout prix nous forcer aujourd’hui à entrer. Une vision de l’enfer en quelque sorte. Espérons que le balancier revienne bien vite vers une position d’équilibre plus raisonnable.

    1. Merci cher voisin! Oui, espérons que la raison retrouve sa voix au chapître, spécialement dans les catégories que vous mentionnez, gravement touchées, hélas.

    1. Vous m’avez donné l’envie de voir un vieux film.

      Mon père m’a conseillé The Rock, avec Sean Connery 😍😍😍😍. Pas encore fini, mais wouah !

  2. Malheureusement cette version niaiseuse du wokisme féministe, intersectionnel, LGBT, écolo, provax, inclusif, antiraciste mais racialisé, non genré, antirusse pro Zelensky, est celle qui finira par l’emporter. Elle est en train de devenir la doxa pour les nuls, enseignants, journaleux, parasites des grandes multinationales dans lesquelles on applique les principes de l’agenda 2030, petits bureaucrates, élus parlementaires, bien pensants de tout poil. Ce sont les nouveaux tartuffes. Leur niaiserie est en train de devenir l’idologie dominante.

    Vous allez voir que ce navet va même avoir du succès….

  3. Pour reprendre des références cinématographiques, en 1982 un navet français était sorti sous le titre d'”elle voit des nains partout” (ce qui laissait augurer de la qualité du film…). A la lecture de ce blog et de certains commentaires, on pourrait le titrer “Ils voient de wokistes partout”. Ce réflexe qui consiste “a analyser, absolument tout sous le prisme du wokisme est d’une étroitesse d’esprit qui laisse songeur.
    “Une presidente des Etats Unis, mais quelle horreur… ” Les deux mandats Obhama ont du vous donner de l’urticaire. S’offusquer qu’on puisse imaginer un role de chef de guerre puisse être donné a un noir ou a une femme, relève de la névrose.
    Les réacs parlent souvent des “bien pensant” en n’ayant pas de mots assez forts pour les dénigrer. C’est quoi le deal en fait. La guerre de tous contre tous ? Rendre invisible et muet, les 3/4 de l’humanité ?
    Les élections législatives françaises, nous donnent un enseignement intéressant. Un Blanquer, qui avait tente de monter en épingle, “une gangrène de la société” par “l’islamo-gauchisme”, s’est lamentablement écrasé, au premier tour. Un Zemmour qui a été porte a la présidentielle par des medias (TV, Radios, journaux) tous rallies a sa cause, n’a fait que 7% (ce qui est deja beaucoup me direz vous), s’est volatilisé au premier tour.
    Penser que le bourkini, les rayons allal dans les magasins et la cause de tous nos malheurs, réussi, mais pas toujours a faire diversion. Mais globalement les gens ne sont pas dupes, en tous les cas pas longtemps.

    1. “Elle voit des nains partout” était une réécriture du conte de Blanche-Neige. Ça aurait dû vous parler à vous et vos amis qui vous plaisez à réécrire l’histoire, non ? Cela dit, juste une question: “Obhama”, c’est l’orthographe islamo-gauchiste ?

      1. C’est dingue comme Google rend tous le monde omniscient.
        Mes amis, je ne vois pas de qui vous voulez parler, mais les votres, les Zemmour, Bock-Cote, toute la clique des pseudos spécialistes en tout, mais surtout en religion, culture, histoire, féminisme et j’en passe… eux sont les vrais révisionnistes.
        Ca doit être pénible et épuisant d’avoir peur des 3/4 de l’humanité.
        Les voyages ouvrent l’esprit… Mon oeil.

        1. Les spécialistes de droite ne sont pas, par principe, inférieurs aux spécialistes de gauche, surtout en matière de sciences humaines. Dans ce domaine ce qui compte ce sont les valeurs qu’on choisit et de ce point de vue les valeurs de droite ne peuvent pas être décrétées inférieures aux valeurs de gauche puisqu’on est dans la subjectivité.
          En démocratie ce sont les citoyens qui choisissent, qu’ils soient “spécialistes” ou non. Donc vos valeurs de gauche, gardez-les pour vous (avec la réserve que vous pouvez toujours essayer de démontrer que nous devrions y adhérer).

          1. Comme le dit joliment, l’excellente Laetitia Strauch-Bonart, dans son remarquable “De la France” : “les gens de gauche trouvent très difficile de s’entendre avec les gens de droite parce qu’ils pensent qu’ils sont maléfiques. Alors que je n’ai aucune difficulté à m’entendre avec les gens de gauche parce que je pense tout simplement qu’ils se trompent.”

        2. Ce dont il convient d’avoir peur dans les proportions que vous mentionnez, c’est la bêtise. Mais pouvez-vous saisir cela ? c’est toute la question 😉

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