Tulsi Gabbard, une dissidence bienvenue

Elle est la seule candidate, parmi ceux qui restent à l’aube du Super Tuesday, à avoir moins de 70 ans. Ce qui n’est pas une qualité en soi, mais une solide distinction, tout de même, au sein du cercle des prétendants qui se restreint afin de barrer la route à Bernie Sanders, le candidat socialiste, « inéligible » selon Mike Bloomberg, son rival et « camarade » de parti. Son jeune âge, 38 ans, n’est pas la seule particularité de cette candidate atypique à la présidentielle américaine qui demeure ainsi parmi les cinq derniers prétendants. Représentante de l’Etat de Hawaii où elle est, déjà à ses débuts, l’une des plus jeunes élues de l’histoire politique des îles, elle est la première personnalité de confession hindoue à siéger au Congrès. Née dans les îles Samoa américaines (seul territoire des Etats-Unis situé dans l’hémisphère sud), elle est la quatrième des cinq enfants de la famille qui émigre à Hawaii lorsqu’elle n’a que deux ans. Elle est du coup aussi la première élue Samoane au Congrès. Education stricte (à la maison par ses parents) et religieuse – elle est une militante anti-mariage pour tous avant de changer d’avis plus tard – elle s’engage dans la vie sociale et politique de Honolulu et avance très vite en politique. Elle, c’est Tulsi Gabbard que Nancy Pelosi voit, en 2012 déjà, comme une star émergente du parti.

Une combattante

Comme pour beaucoup d’Américains, les attentats du 11 septembre 2001 sont un tournant de la carrière de Tulsi Gabbard. Elle choisit alors de s’engager dans la Garde Nationale de l’armée à Hawaii. Elle est envoyée en Iraq d’abord, puis au Koweït où elle sert dans l’infanterie, comme support médical, puis comme officier de la Police militaire. Elle porte actuellement le grade de major. On notera au passage que l’armée américaine réussit parfaitement son examen de « diversité » puisque ses représentants dans la course à la Maison Blanche sont une femme et un gay, le maire de South Bend, Pete Buttigieg  (qui s’est retiré avant le Super Tuesday également).

Un exemple de courage

Lui vient-il de sa carrière sous les drapeaux ? On ne sait pas mais le courage de Tulsi Gabbard est exemplaire. Non seulement pour affronter, très tôt dans sa vie politique, de sérieux challenges mais aussi pour assumer des positions qui ne lui vaudraient que de sérieux débats si l’ambiance dans la politique américaine n’était pas aussi délétère et, à la place, lui valent de solides démonstrations de haine. Principalement chez ses camarades. A commencer par Hillary Clinton qui n’est manifestement toujours pas remise de sa défaite en 2016 et vit dans la menace du complot russe. Tulsi Gabbard est pour elle un agent russe qui vise secrètement à faire réélire le Président Trump en présentant une candidature dite de « third-party » qui diviserait les voix démocrates : un cauchemar absolu pour les anti-Trump. Tulsi Gabbard a saisi la justice plaidant la diffamation.

Un esprit libre

Que lui vaut cette haine ? Sans doute des positions non alignées avec le Parti. Elle est farouchement non-interventionniste et opposée aux « guerres sans fin » que mène son pays pour gendarmer le monde, elle s’oppose au lobby des armes, elle souhaite la légalisation du cannabis,  elle n’est jamais tombée dans le piège de la distinction entre « rebelles » et « Isis » en Syrie, elle dénonce les biais des médias traditionnels, elle n’a pas voté l’impeachement de Donald Trump, car elle pensait que ce dernier lui serait favorable en dernier recours et elle a même, suprême déviance, salué la décision du Président d’interdire les vols de Chine, au début de la crise du coronavirus, lorsque les Démocrates la jugeaient « prématurée » avant de tourner leur veste et se plaindre du retard pris dans les mesures de prévention. Une crise, soit dit en passant qui est une véritable aubaine pour les Démocrates qui se sont empressés de la politiser. Non seulement, ils ont beau jeu de critiquer le « manque d’action » du Président (le New York Times titrait sans rire : « Appelons-le « Trumpvirus » !) mais en plus, la correction des marchés leur a donné un angle d’attaque inespéré sur les résultats économiques du premier mandat Trump, jusque-là indémontables.

Hawaii dans son cœur

A distance – puisqu’elle mène campagne dans les Etats concernés par le Super Tuesday – elle a récemment appelé à l’interdiction des vols du Japon et de Corée à destination de Hawaii. Elle privilégie la santé de ses compatriotes insulaires même s’il faut pour ça faire de gros sacrifices économiques : les Japonais envoient 1,5 million de touristes chaque année dans les îles qui abritent Pearl Harbor (sans rancune…) et les 230’000 Coréens qui font le voyage dépensent chacun quelque … USD 2174,80, par jour ! Dans un Etat où une personne sur quatre vit du tourisme, on comprend toutefois que les Hawaiiens hésitent à suivre les préconisations de leur jeune, belle et brillante candidate à la Présidence qu’ils ont réélue à chacun de ses quatre mandats avec près de 80% des voix. On votera pour la primaire démocrate ici, à Hawaii, le 4 avril. Vingt-deux délégués sont en jeu. Tulsi Gabbard ne sera probablement plus dans la course à ce moment-là. Du moins sous les couleurs de son parti. Il serait toutefois étonnant que sa carrière s’arrête à ce stade. A l’inverse de ce que lui souhaitait un des pathétiques commentateurs de CNN – le réseau des Démocrates – elle aspire probablement à plus qu’à devenir une « contributrice de Fox News », le réseau des Républicains. Tulsi signifie basilique sacré, une plante connue pour ses vertus stimulantes. Les Démocrates en ont un impératif besoin.

Christian Jacot-Descombes

Christian Jacot-Descombes a exercé successivement les métiers de neuropsychologue, animateur et journaliste de radio, journaliste de presse écrite et responsable de la communication d’une grande entreprise. Il voyage beaucoup parce qu’il pense que ça ouvre l’esprit et aussi parce que ses différentes expériences professionnelles lui ont démontré qu’il vaut toujours mieux voir par soi-même.

13 réponses à “Tulsi Gabbard, une dissidence bienvenue

  1. elle est belle comme tout, et en plus c’est le printemps ! hein, Christian, qui a l’oeil si coquin ?
    soyons sérieux, que les démocrates l’emportent et nous débarrasse de l’autre !

  2. C’est vrai qu’elle est plus que lumineuse (pour autant que ce ne soit pas photoshop).
    Jusqu’à son nom est sympa 🙂

    Après, elle n’aura sans doute pas la fortune pour lutter… à armes égales, las 🙂

    1. Elle peut encore contrarier l’establishment démocrate pendant un temps. Elle prend la gauche au dépourvu qui hésite entre le complot (H. Clinton), le mépris (CNN) ou l’ignorance (RTS aujourd’hui: “TULSI GABBARD: L’ANCIENNE MILITAIRE DONT PERSONNE NE PARLE”).

  3. hahah oui, ça me rappelle un blogueur, sur ces mêmes blogs, rêvant que Sanders allait gagner…
    … un socialiste, c’est un peu Tintin en Amérique (nous avions une édition originale NB, mais apparemment mon pseudo frère se l’est accaparé, comme quoi la famille…)

    A mon avis, si Michelle Obama se ravise (les femmes raffolent du pouvoir), elle gagnera dans quatre ans, mais apparemment, la reine se fît attendre ou amasse le pèse.
    🙂

    1. P.S. Donald Trump n’est qu’un mauvais boomer, qui n’aide pas son pays, mais sa conne de fille.
      Comme notre chère Calmy-Rey (dont la fille vaut un multiple d’elle) ou Pascal Couchepin (le gourou d’un génie Nantermod, vieux avant ses cellules), que les jeunes des médias croient innover en les invitant, avec leur logiciel du passé.

      Basta el circo mediatico suizo!!!!

      1. Hula ! (comme on dit ici à Hawaii) On est remonté, aujourd’hui ?

  4. pas mal “hula* hahaha,

    Non, ce doit être sans doute de rêver des îles Hawaiennes, comme de la Polynésie, où il me semble la femme quintescensse (pas pour leurs palmiers, leurs sables ou leurs résidus atomiques).

    Bon, entre nous, je rêve aussi de Somalie, ces ponts de culture des siècles 🙂

    1. 🙂
      Je vous recommanderais bien de jeter un oeil sur les oeuvres de Gauguin, mais ce ne serait pas politiquement correct…

    1. En effet. C’était pendant les primaires démocrates. Lors d’un des premiers débats, elle avait d’ailleurs (déjà) dit ses quatre vérités à Kamala Harris qui en est restée coite. Quand on se met à dos, à la fois Hillary Clinton et Kamala Harris, on ne peut pas être fondamentalement mauvais. Et on mérite des encouragements. Même des antipodes.

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