Le Pacifique Sud, des raisons d’espérer

Outre ses beautés naturelles, le Pacifique Sud offre de solides raisons de se réjouir de notre condition humaine comme de notre futur. En voici quelques-unes :

 

Une nombreuse jeunesse le sillonne jusque dans les moindres recoins de son immensité. Ces garçons et (beaucoup de) filles ont entre 20 et 30 ans, voyagent souvent seuls et passent ici entre trois et six mois pour la plupart. Australiens et Néo-zélandais bien sûr, mais aussi souvent Européens et Asiatiques, ils ont manifestement trouvé les moyens, financiers notamment, de rejoindre cette région si éloignée de la maison.

 

Découvrir de nouvelles perspectives en élargissant son horizon

Cette jeunesse éclairée ignore les consignes anti-avion de quelques Scandinaves misanthropes et ne rechignent pas devant une trentaine d’heures de vol pour atteindre le paradis. Arrivés là, ils découvrent, ils sont curieux, ils se mélangent, ils échangent, ils apprennent et, à la fin, acquièrent – ce que seul le voyage peut offrir réellement – de nouvelles perspectives, du recul. Celui-là même qui est si nécessaire en ces temps de polarisation idéologique. En 1991, lorsque la Confédération cherchait comment célébrer son 700e anniversaire, la proposition avait été faite d’offrir à chaque citoyen fêtant ses 20 ans en 1991, un billet d’avion pour la destination de son choix. Un billet aller-simple. L’idée étant d’engager la jeunesse du pays à aller voir ailleurs, hors du microcosme, comment le monde évolue, prendre du recul puis à faire du retour au pays un acte volontaire et engagé. La proposition n’a évidemment pas été retenue. Mais l’idée semble être devenue celle de ces jeunes adultes que l’on voit ici et qui ne voyagent qu’avec des billets aller-simple. A tel point que les services d’immigration, autrefois enclins à vous renvoyer si vous n’avez pas de billet retour, se contentent du prochain… aller-simple.

 

Ces jeunes voyageurs ont d’excellentes lectures. Notamment, « 12 Rules For Life » de Jordan Peterson, le psychologue canadien, pourfendeur du politiquement correct, anti-marxiste et redoutable débataire que les ennemis de la liberté d’expression essaient de faire interdire à chacune de ses conférences dans les grandes universités. Son ouvrage connaît un succès immense auprès des jeunes lecteurs. Vendu à plusieurs millions d’exemplaires, il encourage la responsabilité individuelle et invite à la rupture avec la culture de la « victimisation » florissante sous l’ère Obama. Entre un verre de Kava à Fidji ou un Otai à Tonga, l’ouvrage du Canadien a succédé à Harry Potter dans les lectures de plage.

 

On fait de formidables rencontres. Celle de Danny Kleinsasser en est une. Un Canadien de 29 ans qui visite un de ses proches amis à Fidji. Beau comme un Trudeau. Les yeux bleus avec une carrure d’athlète. Tout chez lui évoque le bonheur comme les grands éclats de rire dont il épice sa discussion. Le genre à qui tout réussit et rien ne résiste. Sa famille d’origine autrichienne et huttérite a fui les persécutions de l’église catholique en passant par la Russie, les Etats-Unis pour s’établir finalement à Calgary. C’est là qu’il a appris son métier d’agent immobilier et, par la même occasion, a renoué avec la foi de ses ancêtres grâce à… son collègue fidjien. Lui aussi lit « 12 Rules For Life » sur le pont supérieur du bateau qui l’emmène autour des Yasawas Islands. Ce joli playboy d’apparence prédatrice est en fait un doux agneau du Seigneur. On discute. Il avoue, entre deux rires, que même si, comme j’essaie de l’en convaincre, il fait partie de la génération qui vit la plus fantastique période de l’humanité, il conçoit quelques soucis pour l’avenir (le climat, la surpopulation, etc). On évoque Hans Rosling, Steven Pinker et quelques autres. Danny note les références et poursuit son chemin avec, sourit-il, « a new perspective ».

Dans le village d’Atava (Tonga), l’aide humanitaire a équipé les 200 habitants avec des panneaux solaires qui ne suffisent qu’à fournir de la lumière. Pour le reste, ils utilisent des générateurs d’électricité au diesel. Ils en ont profité pour éclairer le sentier qui traverse le village. Durable mais… utile ?

Le réchauffement climatique ne donne lieu à aucune forme d’hystérie dans la région Asie-Pacifique comme c’est le cas en Europe. De là à penser qu’on dénie sous les cocotiers, il n’en est rien. Le climat est pris au sérieux mais comme un problème, pas comme l’apocalypse. Et qui dit problème, dit solution, pas convocation de la fin du monde. L’Université du Pacifique Sud (répartie entre Fidji, Tonga et Samoa) propose aux cerveaux des îles un Master en « Sustainabilty & STEM (Science, Technology, Engineering & Mathematics) » gageant qu’on ne fera pas mieux que de s’équiper en compétences et en connaissances face aux problèmes qui surgissent. Les probables futures centrales nucléaires flottantes du Pacifique seront construites par des ingénieurs locaux (plutôt que chinois). Tout comme les nouvelles technologies nécessaires à assurer la santé de l’océan y seront découvertes et développées (on y travaille beaucoup, notamment en Tasmanie).

 

Dans les îles, la pollution est inégalement présente. Alors que Tonga est relativement épargnée (à l’exception notable des générateurs diesel), certaines plages de Fidji sont encombrées de déchets plastiques. Ce ne sont pas que les pailles dont l’interdiction donne bonne conscience aux Bobos californiens, mais plutôt des emballages de produits essentiels bon marché que les îiens balancent à la mer comme les Européens des années 1960 trouvaient normal d’oublier les restes de leur pique-nique dans l’alpage. « Poverty is the greatest polluter » disait Indira Ghandi. C’est vrai ici, mais de moins en moins puisque l’économie de ces pays se développent au rythme d’un tourisme géré avec mesure et intelligence. De nombreux resorts invitent leurs clients à consacrer un peu de leur temps à nettoyer les plages emplastiquées.

 

On fait des rencontres improbables aussi. Celle d’Antonella Fellini. Son grand-père était l’oncle de Federico. Elle a émigré en Australie à l’âge de 10 ans, a hésité entre les USA et la Grande-Bretagne pendant un temps avant de s’établir sur Waya, une île minuscule de Fidji. Elle enlumine un petit resort de sa pétulence transalpine. On parle de son cousin. Forcément. On s’émerveille du souvenir d’Amarcord et de 8 ½. Ça lui fait plaisir car elle n’est pas sûre que le souvenir du grand cinéma italien soit encore très vivace. Elle raconte son dialogue avec des jeunes clients :

    • Vous avez vu la Dolce Vita avec Sophia Loren ?
    • Sophia qui ?
    • Forrrget it ! lance-t-elle avec l’accent de Carmela Soprano (de la série éponyme) s’en allant faire des cannoli plutôt que d’en savoir plus des méfaits de Tony, son mafieux de mari.

 

Tous des demis de mêlée.

C’est à ce moment que l’on vous touche l’épaule droite. Vous tournez la tête, juste avant d’entendre sur votre gauche « Gotcha !». L’auteur de cette blague enfantine est un géant noir : plus de deux mètres, 150 kilos de muscles du métal dont on fait les demis de mêlée. On ne se connaît pas mais c’est si bon de se faire de petites blagues. C’est aussi ça, le Pacifique Sud. Comme une ballade en compagnie de Tom Hanks : entre Seul au monde tourné à Monuriki, Fidji et la Ligne verte et son attendrissant prisonnier géant. Or, qu’y a-t-il de plus réjouissant au monde que le talent de Tom Hanks ?

Christian Jacot-Descombes

Christian Jacot-Descombes a exercé successivement les métiers de neuropsychologue, animateur et journaliste de radio, journaliste de presse écrite et responsable de la communication d’une grande entreprise. Il voyage beaucoup parce qu’il pense que ça ouvre l’esprit et aussi parce que ses différentes expériences professionnelles lui ont démontré qu’il vaut toujours mieux voir par soi-même.

2 réponses à “Le Pacifique Sud, des raisons d’espérer

  1. Quelle chance de pouvoir rouler les vagues des mers, ami Christian.

    J’aime votre optimiste, mais sincèrement, j’aime moins votre déni de la réalité durable.
    Enfin, on ne peut pas toujours être d’accord, c’est la vie et bon trip 🙂

    1. Pas de déni, cher Olivier, mais pas de romantisme misanthropique non plus, j’avoue. On aura l’occasion d’en parler autour d’un verre de medio y medio, un jour, peut-être… J’espère !

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