Les curieux métiers de Down Under

Muffin et Rasy font des services de quatre heures. Un job d’extrême attention qui n’autorise aucun relâchement. L’oreille et la queue dressées, ils arpentent le quai et bondissent lorsque l’ennemi approche, le repoussant temporairement jusqu’à la prochaine attaque, quand il reviendra, Muffin et Rasy le savent bien, en plus grand nombre…

La patrouilleuse de mouettes de l’Opéra de Sydney veille au destin des frites des visiteurs

Muffin et Rasy sont des Border Collies, une race de chiens de troupeau, aimables, joueurs et very british qui forment le bras armé de Juliana, la patrouilleuse de mouettes.

Ensemble, ils défendent un magot précieux : l’assiette de frites des dîneurs du quai de l’Opéra de Sydney, cible des insatiables mouettes de la rade. Ces oiseaux – plus précisément les mouettes argentées – sont des animaux natifs d’Australie. A ce titre, comme beaucoup d’autres, ils sont protégés. Le problème est que de nombreux volatiles se sont bien vite aperçus qu’il est nettement plus facile de piquer en toute impunité dans l’assiette des clients de restaurants que de pêcher dans les eaux du large. Et, par la même occasion, ils se sont enhardis au point qu’ils attaquent les assiettes alors même que leur propriétaire mange… Emoi des restaurateurs qui se doivent de remplacer, bon gré mal gré, le met attaqué.

Tout avait été essayé avant cela : faucon robotique, leurre sonique, sprays divers, etc. Rien ne marchait jusqu’au moment où le responsable de la sécurité du Musée maritime de Sydney eut l’excellente idée de recourir aux services des Border Collies qui effraient les mouettes avec une réelle efficacité. Juliana et ses collègues poilus – il y a actuellement cinq patrouilles de mouettes en service sur le port – ont fait diminuer de 78% le nombre de plats que les restaurateurs devaient remplacer. La popularité des Border Collies est à son comble mais, si la mouette est réputée rieuse, elle n’en est pas moins revancharde et se transforme volontiers en bombardier de fiente. Scène vécue : la vilaine bête rase la terrasse, amorce un léger piqué et lâche la marchandise avant de reprendre de l’altitude. Le tir est précis et efficace. L’immonde projectile s’écrase près du centre du considérable décolleté d’une touriste allemande qui a dû regretter de l’avoir aussi… pigeonnant.

 

L’attachement à la nature

Un sérieux appétit

Le métier de patrouilleur de mouettes n’est que l’un des nouveaux métiers inventés par les Australiens. Ils sont souvent liés à la nature et au grand soin qu’ils éprouvent à protéger leurs espèces endémiques.

A Port Macquarie, l’hôpital des koalas emploie un personnel médical entièrement dévolu aux soins de ces petites bêtes attendrissantes et instagrammables (les Asiatiques en sont fous) mais pourvues d’un redoutable appétit.

Un koala adulte dévore chaque jour environ 500 grammes de feuilles d’eucalyptus ainsi qu’un peu d’écorce et des bourgeons. Le koala est un gourmet : il ne prend ses feuilles que fraîches du jour. D’où la nécessité pour l’hôpital de créer un poste à temps plein de Leaf Collector chargé d’organiser le recueil des feuilles d’eucalyptus permettant de nourrir les koalas traités à l’hôpital. Une tâche qui s’avère doublement plus difficile en cette période d’incendies de forêt en Australie. D’une part, les koalas sont directement menacés par les feux et, d’autre part, l’eucalyptus est connu pour sa très haute combustibilité…

 

Surfeurs australiens cernés par les gardiens -performers de la Art Gallery de Sydney

Dans un tout autre registre, les Australiens ont également une sorte tout à fait particulière de gardiens de musée. Ceux de la Art Gallery of New South Wales à Sydney sont à fois les fonctionnaires habituels, en costumes, qui veillent à ce que vous ne touchiez pas les œuvres et des performers qui prennent le visiteur par surprise et se mettent à danser et chanter en sarabande sous son nez. « This is so contemporary ! » répété en boucle pendant une minute frénétique puis les gardiens reprennent place dans l’ombre et le silence. Jusqu’à leur prochaine victime.

 

Fameuse au Japon

Last but not least, la voix la plus connue des Japonais est une voix australienne. Celle de Donna Burke, une chanteuse et comédienne, qui, à son grand dam sans doute, n’est pas vraiment connue pour ses talents artistiques mais plutôt pour son omniprésence. Donna Burke est LA voix des Shinkansen, les trains ultra-rapides nippons.

C’est elle qui, en anglais, énumère et annonce l’arrivée à destination des fameux trains. Elle explique, amusée, que lorsqu’elle a commencé, les Japonais lui ont demandé d’imiter l’accent de sa prédécesseure, une Canadienne à qui l’on avait demandé d’imiter l’accent… britannique. Ajoutée à sa parfaite maîtrise du japonais, la « voix » du train lui vaut une grande popularité au Japon et aussi quelques débouchés : elle est la voix féminine de l’héroïne de Metal Gear Solid, un jeu vidéo, aux côtés de Kiefer Sutherland.

Marginaux mais témoins d’une certaine créativité, ces métiers atypiques contribuent à un marché de l’emploi assez solide avec un taux de chômage de 5,2% (40’000 nouveaux emplois créés récemment) pour une population de 25 millions d’habitants et une économie sans récession depuis… 28 ans.

Christian Jacot-Descombes

Christian Jacot-Descombes a exercé successivement les métiers de neuropsychologue, animateur et journaliste de radio, journaliste de presse écrite et responsable de la communication d’une grande entreprise. Il voyage beaucoup parce qu’il pense que ça ouvre l’esprit et aussi parce que ses différentes expériences professionnelles lui ont démontré qu’il vaut toujours mieux voir par soi-même.