Conduire au Japon : casse-tête chinois.

Outre l’insularité et l’amour du propre, il est un autre point commun qui unit les Japonais et les Suisses, c’est le respect des règles, voire des règlements. L’aventure de la conduite au Japon commence par ça : des complications administratives. Pour être admis, notre permis de conduire doit être traduit. Cela vous amène dans une sorte de Service des automobiles local qui nous éclaire très vite sur l’universalité de la fonction publique à travers la planète. On a droit à toute la palette : l’injonction : « Revenez dans 2 heures » (6 lignes à traduire !), la cérémonie de la photocopieuse en panne avec le chef et sa secrétaire énervés de concert et, bien sûr, les émoluments, preuve tangible de la valeur ajoutée des trois heures perdues dans la démarche.

Chère voiture

L’obstacle administratif surmonté, reste à dominer le véhicule et la circulation. Conduite à gauche, volant à droite, commandes inversées. On croit actionner le clignotant, ce sont les essuie-glaces qui démarrent. Et vice-versa. Au départ, le loueur vous met en garde : pas de parking hors des cases ! L’amende est plutôt salée : CHF 250. Ce n’est que le début des surprises financières désagréables. Au Japon, on a le choix entre deux types de routes : des minuscules où l’on roule avec les rétroviseurs rentrés dans un espace qui rend le croisement samouraï. L’autre type, ce sont les autoroutes… Il faut le dire vite. A côté de nombreuses autoroutes japonaises, Lausanne-Genève ressemble à un échangeur de Los Angeles. Souvent à une seule voie, elles sont toutes à péages. Il faut compter un franc tous les 2 kilomètres. Soit l’équivalent de CHF 30 pour Lausanne-Genève… sur une voie. Ce qui revient à peu près au même coût que les Shinkansen (les TGV japonais) à la différence près que le temps de voyage n’est pas le même : le Nozomi, le plus rapide des Shinkansen se déplace de bout en bout à plus de 300 km/h. Sur les routes, la vitesse est limitée à 80 partout. Ce qui crée des scènes croquignolettes : profitant d’une courte zone à deux voies, une Lamborghini nous dépasse en frôlant le … 85 vrombissant de tous ses cylindres. Le pauvre bougre ne doit jamais pouvoir passer la deuxième… Le dépassement est donc quasi impossible sur la plupart des routes, raison pour laquelle les Japonais ne dépassent jamais, ils se font céder la place, nuance ! Il suffit en effet de s’approcher de la voiture qui précède pour que celle-ci se mette à l’écart et vous cède le passage. Le tout s’accompagnant des courbettes habituelles dans le rituel de politesse japonais.

Cher parking

Une fois arrivé, s’ajoute le coût du parking, en moyenne CHF 10 l’heure dans les villes, un peu moins ailleurs. Et on ne rigole pas avec le parking : une sorte de herse se dresse sous le milieu de la voiture et ne s’abaisse que lorsque la note est réglée. Seule bonne surprise : l’essence. Moins d’un franc le litre malgré le statut de 3ème importateur mondial de pétrole du Japon.  Au final, le budget voiture du Japonais est considérable. Ce qui est plutôt étonnant dans le pays par excellence des constructeurs de voitures. Les Japonais produisent des millions de véhicules chaque année dans le monde (9 millions rien que pour Toyota) et découragent au maximum leur usage chez eux.

Le résultat de cette politique de mobilité dissuasive est tangible dans les villes. Associée à une infrastructure de transports publics extrêmement développée, elle débouche sur des villes très peu encombrées, relativement silencieuses et très agréables pour le piéton dont le nouveau pire ennemi devient, ici comme ailleurs, l’incivil cycliste qui lui dispute les trottoirs.

Chère liberté

Le revers de la médaille est l’encombrement des … trottoirs justement et des transports publics. Aux heures de pointe, la marée humaine réduit l’individu au rang de l’asperge, droite dans sa botte. Serrés, debout, fatigués, cernés et étouffés, les voyageurs n’ont pas la place de lever le bras pour consulter leur smartphone : Ô désespoir contemporain !  Ils s’enferment donc dans une bulle mystérieuse. Sans doute rêvent-ils à … une balade en voiture, inavouable fantasme d’une liberté devenue très chère ?

Christian Jacot-Descombes

Christian Jacot-Descombes a exercé successivement les métiers de neuropsychologue, animateur et journaliste de radio, journaliste de presse écrite et responsable de la communication d’une grande entreprise. Il voyage beaucoup parce qu’il pense que ça ouvre l’esprit et aussi parce que ses différentes expériences professionnelles lui ont démontré qu’il vaut toujours mieux voir par soi-même.

9 réponses à “Conduire au Japon : casse-tête chinois.

      1. Conduire au Japon est un plaisir pour avoir conduit pendant 2 semaines j’ai adoré. Le procédures pour le permis peuvent être faite online avec un agence française. Et le Japon à des limitations de vitesse basses certes, mais un autoroute est une autoroute. DE plus les services de transport public sont tellement bons, que les japonais ne veulent pas conduire.

        1. Oui, c’est vrai. Conduire est un véritable plaisir. Au Japon comme ailleurs, c’est un sentiment de liberté d’autant plus fort quand les transports publics sont saturés.

  1. Saturé ?? Même en heure de pointe sur la gare de Tokyo, on attends moins de 5 min pour prendre un metro/train. Alors oui faut pas espérer s’asseoir, mais on est loin d’une saturation.

  2. J’ai vu le même modèle pick up que votre photo, ici en Uruguay.
    Mais on ne vend pas ce qui est indestructible.

    En tout cas, il est amusant de voir qu’aujourd’hui, dans le Mercosur, les pick-up (qui sont utilisés pour travailler, peu pour le surf ou la frime) sont majoritairement japonais.
    (on ne parle pas de tous les reflets de guerre où Toyota doit avoir… un monopole avec sa HJ?)

    Alors, il y a bien d’autres manières de conduire japonais, out of Japan.
    Trop fort, ces japonais… 🙂

    1. Oui, ils sont extraordinaires. En avance un peu partout. Sauf pour les fonctionnaires… Ils ont à peu près les mêmes que nous. En plus polis évidemment.

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