Tumeur ! si tu ne vas pas au labo, le labo ira à toi !

Avec Bob Langer, le cancer a affaire à l’un de ses pires ennemis. Surnommé le Thomas Edison de la médecine, il a consacré sa vie d’ingénieur, de chercheur et d’entrepreneur à développer le meilleur de l’ingénierie chimique pour lutter contre le cancer. Il présentait la semaine dernière au MIT un résumé de sa carrière et ses dernières trouvailles devant un auditoire plein à craquer de professeurs illustres et d’étudiants très attentifs.

 

L’une des dernières inventions de Robert S. Langer est un très petit appareil – vraiment très petit : moins d’un millimètre de longueur – que l’on introduit dans la tumeur. L’appareil est chargé d’un certain nombre de molécules/médicaments qui vont se mettre à agir contre la tumeur. Cette méthode permet de tester l’efficacité des traitements de manière plus fiable que si l’on prélève une partie de la tumeur et qu’on la teste en laboratoire. Il est également l’inventeur de cet autre appareil équipé de processeurs et contrôlable à distance qui, introduit dans le corps du patient, délivre des doses adéquates de médicaments dans les zones à traiter. 

 

La nanotechnologie au centre de la recherche

C’est le développement de la nanotechnologie qui rend ce genre d’exploit possible. C’est d’ailleurs dans le cadre du programme From Microtechnology to Nanotechnology: New Ways to Discover and Deliver Medicine to Treat Disease (De la microtechnique à la nanotechnologie : nouvelles façons de découvrir et d’administrer des médicaments pour traiter les maladies) que le Pr. Langer présentait ses travaux. Le MIT consacre une part très importante de ses recherches à ce domaine. Ses laboratoires et ses salles blanches sont impressionnantes, tout comme le nombre de patentes que l’institut de Boston possède dans ce domaine qui, avec l’intelligence artificielle, représente une part importante de ses travaux actuels.

Parlant de patentes, Bob Langer est le détenteur de plus de 1’300 brevets délivrés et en instance dans le monde entier. Ses brevets ont fait l’objet de licences ou de sous-licences à plus de 350 sociétés pharmaceutiques, chimiques, biotechnologiques et de dispositifs médicaux.

Bob Langer est professeur à l’Institut David H. Koch. Il n’y a que dix professeurs d’institut au MIT et être professeur d’institut est la plus haute distinction qui puisse être décernée à un membre du corps enseignant.

 

L’ingénieur le plus cité dans l’histoire

Côté publications, Le Pr Langer a écrit plus de 1’400 articles. Il est l’ingénieur le plus cité dans l’histoire. Son h-index est à 250 (source Google Scholar) au 5e rang de ce prestigieux classement créé par le physicien Jorge Hirsch en 2005. C’est un indicateur d’impact des publications d’un chercheur. Il prend en compte le nombre de publications d’un chercheur et le nombre de leurs citations. Le h-index d’un auteur est donc égal au nombre h le plus élevé de ses publications qui ont reçu au moins h citations chacune. Ce qui signifie qu’il ne suffit pas de publier beaucoup mais qu’il faut être cité par ses pairs dans leurs travaux. La créativité X la reconnaissance en quelque sorte, si on devait en faire une équation. Pour ce qui concerne les Prix, il en collectionne une série évidemment impressionnante parmi lesquels le Charles Stark Draper Prize, considéré comme le Nobel des ingénieurs et il recevra en septembre le Prix de la fondation Dreyfuss. 

 

Humour et génie

Ponctuant son récit de clins d’œil à sa camarade Suzan Hockfield, très attentive au premier rang de l’auditoire (elle est l’ancienne patronne du MIT, la Patrick Aebischer locale), il a raconté avec humour et malice ses débuts parfois un peu difficiles. En évoquant notamment ses professeurs de l’époque qui n’appréciaient guère sa manière de penser out of the box et l’ont à plusieurs reprises encouragé à… changer de métier ! Des souvenirs qui semblent constituer chez lui une source intarissable de joie, comme lorsque des fonctionnaires de la redoutée FDA (agence qui autorise les médicaments aux Etats-Unis) lui ont demandé de leur fournir la confirmation signée des cinq auteurs qui avaient cité l’une de ses découvertes dans un de leurs articles. « Par chance, ils ont répondu et j’ai eu mon premier accès au marché… » se marre-t-il avant d’emporter définitivement l’auditoire en sortant de sa poche un minuscule objet que personne n’a vraiment vu, bien sûr. Il s’agissait de se dernière invention, une sorte de minuscule appareil de la taille d’un tout petit bouton que le patient avale et qui déploie, une fois dans l’estomac, une minuscule aiguille capable d’aller injecter des médicaments spécifiques dans des parties très précises de la cible. 

Les étudiants (asiatiques en quasi majorité) et les autres lui ont réservé un triomphe. 

Christian Jacot-Descombes

Christian Jacot-Descombes a exercé successivement les métiers de neuropsychologue, animateur et journaliste de radio, journaliste de presse écrite et responsable de la communication d’une grande entreprise. Il voyage beaucoup parce qu’il pense que ça ouvre l’esprit et aussi parce que ses différentes expériences professionnelles lui ont démontré qu’il vaut toujours mieux voir par soi-même.

9 réponses à “Tumeur ! si tu ne vas pas au labo, le labo ira à toi !

  1. Bon, le mieux serait quand même que, ni la tumeur, ni le labo ne viennent à moi!
    C’est le principe de la médecine asiatique 🙂

    Même un sage (européen) a dit “prévenir vaut mieux que guérir”, mais comme on n’écoute jamais les sages…

    1. “Même un sage (européen) a dit “prévenir vaut mieux que guérir”, mais comme on n’écoute jamais les sages…”

      C’est comme ça qu’on justifie le dépistage par mammographies.

      J’dis ça, j’dis rien.

        1. “Je pensais surtout à une nourriture ++ saine!”

          Certes. Mais vous voyez bien que la prévention n’est pas la solution à tout, et que la prévention peut en soi aussi contenir un certain nombre de risques. C’est ce que je voulais illustrer avec mon exemple sur le dépistage du cancer du sein par mammographies.

          Quand à la question de nourriture plus saine, j’ai un peu du mal à voir quels changements vous préconisez. Les gens continueront individuellement à manger ce qui leur passe par la tête. Je n’arrive donc à imaginer qu’une seule chose: que vous souhaitez une réglementation visant à exclure certain types de produits des circuits de distribution.

          Ce qui pose deux questions:

          1. Quels effets réels cela aurait sur la santé des consommateurs et sur l’écosystème de production de l’agroalimentaire.

          2. Une interdiction totale des OGMs (par exemple) me semble être un choix démocratique (ce que je reconnais parfaitement) mais comporte aussi un certain nombre d’écueils éthiques. Une domination des OGMs parmi les produits à la vente me poserait encore davantage de problèmes éthiques, cependant.

          Mais au-delà des OGMs, la même question se poserait pour des cultures non-OGMs qui ferait l’objet du “vertical farming” industriel.

          J’ai du mal à voir où vous traceriez la ligne démarquant les réglementations acceptables des réglementations inacceptables.

          Et je pense, après vous avoir lu sur d’autres billets, que vos oppositions à certaines pratiques médicales sont un peu de même de même nature que vos conceptualisations de la nourriture saine. Alors, pour revenir à la thématique du billet et de votre commentaire: pensez-vous qu’une nourriture plus saine permettrait de prévenir le cancer, au sens large du terme?

          1. @Olivier Whilem: J’avoue que j’aurais bien aimé prendre connaissance de votre réponse. Peut être aurons nous l’occasion d’en discuter sur d’autres commentaires.

          2. oui, ces blogs souffrent de bugs et comme on ne reçoit pas quittance, plus de trace de notre envoi, mais de mémoire et en gros…:

            Toute mesure de prévention ne rendra jamais l’homme immortel. Donc tout progrès médical est bon à prendre.
            A peine aurait-t-on interdit les OGM qu’ils referont surface sous un autre nom, la science allant plus vite que la loi.
            Il est inutile de légiférer, sauf peut-être dans un étiquettage indiquant au consommateur ce que contient réellement son produit.

            Donc, une règle basique est de manger une nourriture composée de tout, de proximité et de saison.

            Avec le coût versé à l’agriculture suisse, on pourrait sans doute aider les vrais paysans à procurer à la majorité de la population une nourriture ++ saine (au lieu de financer nos coopératives et l’agrobusiness)!

          3. “Toute mesure de prévention ne rendra jamais l’homme immortel. Donc tout progrès médical est bon à prendre.”

            OK. Je me sens bien plus anti-médecine que vous quand je lis cela.

            “A peine aurait-t-on interdit les OGM qu’ils referont surface sous un autre nom, la science allant plus vite que la loi.”

            Bien que je cautionne dans une certaine mesure les OGMs, je trouve cette attitude défaitiste. Après tout, c’est quand même à nous de faire la loi. Si on veut les bannir, il ne faut pas tolérer les entourloupes en terme de nomenclature.

            “Il est inutile de légiférer, sauf peut-être dans un étiquettage indiquant au consommateur ce que contient réellement son produit.”

            Cela me paraît effectivement la moindre des choses.

            “Donc, une règle basique est de manger une nourriture composée de tout, de proximité et de saison.”

            Cela me gêne d’imposer au particulier qui souhaite éviter les OGMs (ou autre) le devoir moral de régler ce type de problème seul dans son coin. Et de toute manière, il continuera à aller au MacDo…

            “Avec le coût versé à l’agriculture suisse, on pourrait sans doute aider les vrais paysans à procurer à la majorité de la population une nourriture ++ saine (au lieu de financer nos coopératives et l’agrobusiness)!”

            Donc voilà votre projet politique au sens strict du terme. Quelque part, vous souhaitez une possibilité de retour à la terre, et une part moins importante de l’industrialisation de l’agriculture. Je peux vous suivre sur cette idée, mais je pense qu’elle impliquerait une taxation différenciée (par la TVA par exemple) des produits alimentaires vendus selon le mode d’agriculture qui serait suivi. Je pense que vous devriez poursuivre votre logique jusqu’au bout et vous intéresser aux obstacles politiques à une telle politique fiscale. Parce que ça va être très compliqué à implémenter.

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