L’après 18 mai : défendre le revenu disponible

«Changer son fusil d’épaule», c’est ainsi que l’on peut qualifier l’impératif de la lutte contre la pauvreté après le résultat cinglant de la votation fédérale du 18 mai sur l’initiative syndicale pour un salaire minimum en Suisse. En effet, malgré ce refus d’avancer dans la bonne direction, les centaines de milliers de salariés qui doivent vivre chaque mois avec un salaire insuffisant continueront à se lever tôt pour exercer une activité lucrative qui ne leur permet pas de nouer les deux bouts à la fin du mois.

Face à cette réalité, il y a deux attitudes possibles. La première est celle de la droite économique qui considère que la victoire du 18 mai grave dans le marbre le refus de la population suisse de voir l’Etat jouer un rôle de régulateur dans le domaine salarial. La seconde attitude est celle prônée par les socialistes, les syndicalistes et un éventail somme tout assez large de milieux politiques divers qui revendiquent un renforcement du revenu disponible des ménages suisses moins bien lottis sur le plan financier.

Trois mesures concrètes pourraient et devraient être rapidement mises en place.

D'abord, la hausse des allocations familiales. Aujourd’hui, un enfant engendre des coûts de l’ordre de 1'000.- francs par mois. Or, l’allocation familiale mensuelle minimale est de 200.- francs. Par une hausse de ce plancher légal à 250.- francs d’ici trois ans et à 300.- francs d’ici 2020, la Confédération donnerait un puissant signal en faveur de la politique familiale.

Ensuite, la gratuité des primes d’assurance-maladie pour les enfants et la montée en puissance des subsides à l’assurance-maladie pour les familles de la classe moyenne inférieure. Aujourd’hui, nombreux sont les ménages qui doivent consacrer en Suisse bien plus que 10% de leur revenu disponible aux primes d’assurance-maladie. Or, il y a quelques années de cela, le Conseil fédéral lui-même a failli faire de ce taux de 10% un objectif concret. Aujourd’hui, sa réalisation passe par la gratuité des primes pour les enfants de moins de 16 ans et le renforcement des subsides pour le reste des personnes afin de toucher au moins un tiers de la population active.

Enfin, l’introduction de prestations complémentaires pour les familles (PC Familles) de travailleurs pauvres (« working poor »). Alors que les deux premières mesures touchent respectivement l’intégralité des familles (allocations) voire la classe moyenne inférieure (primes), les PC Familles sont un puissant instrument permettant aux ménages pauvres proches de l’aide sociale de s’en affranchir ou de ne pas devoir envisager d’y recourir. Complémentaire au revenu salarial d’un ménage, cette aide permet également de mieux faire face aux frais liés à l’accueil de jour ou aux dépenses imprévues (facture dentaire par exemple) qui poussent encore trop de familles vers l’aide sociale aujourd’hui. Les cantons qui ont introduit les PC Familles (Tessin et Vaud) ont pu constater un tassement du taux d’aide sociale quelques années après le versement de la première prestation.

 

Celsa Amarelle

Professeure de droit à l'Université de Neuchâtel, Cesla Amarelle enseigne actuellement le droit constitutionnel, les droits humains et le droit de la libre circulation des personnes. Elle est également conseillère nationale (PS/VD), membre de la Commission des institutions politiques et de la Commission des finances (présidente de la sous-commission en charge de la santé), et vice-présidente des Femmes socialistes suisses.