Toujours un peu plus, un peu plus loin, toujours avec l’espoir d’y arriver… Le Mont Salève en tricycle !

Nous sommes le dimanche 9 octobre 2022, il  a une semaine. C’est le grand jour : la Croisette! Je doute. Des idées contradictoires traversent mon esprit. Vais-je y arriver ? J’y pense depuis plusieurs jours. Même depuis plusieurs semaines. Cela me démange depuis une semaine ; l’excitation d’y arriver m’envahi après avoir réussi les autres montées. J’y suis surtout bien préparée et accompagnée ; cela me rassure.

Au-delà de la compétition

Au début de la saison, symboliquement, je voulais monter au Salève par n’importe quelle voie. Ceux qui me connaissent un peu savent que j’aime les défis. Ils font tout simplement partie de ma vie. Peut-on dire qu’ils me permettent même de rester en vie ? D’une certaine manière, oui. Mon handicap évolue dans le bon sens plutôt que l’inverse. Un bienfait à tout point de vue. Jusqu’où aller ? Toujours un peu plus, un peu plus loin, toujours avec l’espoir de le relever et en s’étant bien préparé. Je sais, expérience faite, qu’il est parfois nécessaire de faire demi-tour. J’appréhendais le mur devant lequel j’allais me trouver de cette manière. Mais je venais de loin. Il y a encore six mois, je considérais une sortie de 50km difficile. Sur un terrain plat. Depuis, j’ai progressé. Je m’en suis donné les moyens surtout. Les expériences en athlétisme plus mes succès aux compétitions cyclistes, cumulées aux conditions d’extrême chaleur m’ont permis d’être prête à affronter ce défi : la montagne ne me semblait plus insurmontable. En plus, la période de l’année est idéale pour gagner de la force, de la puissance… Cela m’encourageait davantage.

Un entraînement différent

Ayant fini ma saison en beauté, le jeu a commencé ! La couronner par la Croisette ? Hors de question de passer de côté ! On m’en parlait beaucoup depuis plusieurs jours. J’ai commencé par le tour du Salève en juillet, puis à la rentrée, histoire de me remettre d’aplomb suite à mon coup de chaleur sur une course au mois d’août au Québec. Puis, choisissant de grimper par les autres côtés, la difficulté a augmenté progressivement. Mon compagnon, rencontré sur une course cycliste, savait comment s’y prendre. Il a su me mettre en confiance, certain des bienfaits sportifs que cela allait m’apporter, le but étant « d’écraser » mes adversaires la saison prochaine. 

Par pallier

Premier Salève. Ne sachant pas combien de temps je mettrai pour récupérer, il fallait m’assurer d’en avoir assez pour augmenter la difficulté , avant qu’il fasse trop froid. On oublie la montée par Cruseilles. En plus, on m’a dit qu’il doit faire beau, la montée étant plus longue, pour profiter des paysages. Autant commencer par la Muraz : on empreinte le même chemin que pour faire le tour de cette montagne. On bifurque à droite, à mi-chemin.  La montée (l’inclinaison) est semblable aux courses de montagne que j’avais déjà fait. Pas de problème. Mais l’ascension est plus longue. Je suis contente d’arriver en haut pour la première fois. Par quel chemin redescendre ? La Croisette ? Trop raide ! Monnetier ? Je suis d’accord d’essayer. Je suis contente de l’avoir fait. Mais j’ai envie d’aller plus loin.

Autres séances d’entraînement. Deux semaines plus tard, il est temps d’affronter une différente montée : nous passons par Monnetier et redescendons par la Croisette. Juste pour voir de quoi ça à l’air. Pour tester. Pour progressivement augmenter la résistance à l’allée et la vitesse plus la technique des virages en descente. Ça, c’est fait. Je maîtrise de mieux en mieux mon trois-roues.

C’est sérieux !

Troisième fois. Il me fallait tenter le plus dur. Histoire de faire le point de mes capacités physiques. Mentales aussi. Dès la première fois, on m’en a largement félicité. Bien que d’autres cyclistes m’aient souvent parlé de ce « mur » depuis. Possible pour moi, avec mon handicap et mon poids lourd à la fois ? Ayant des difficultés de coordination, je ne devais surtout pas caler. Je devais garder le rythme dans les jambes autant que possible pour qu’elles continuent à fonctionner. Mon tricycle me permet de me rééquilibrer mais, paradoxalement, il ne penche pas. Compliqué sur des routes en devers ! Sans oublier le poids de 15 kilogrammes dans les jambes… Le double d’un vélo de course… C’est donc une double inégalité par rapport aux autres non ? Raison de plus de le faire, pour moi. Je me lance…

Le jour « J » ; l’instant « T »

Mon ami est venu me chercher. Pour m’assurer d’être suffisamment échauffée, j’ai déjà fait vingt minutes de « hometrainer ». Je prends une grande respiration. Le regarde. L’espoir me gagne. Départ de chez moi en direction de la douane de la Croix-de-Rozon où nous arrivons 15 minutes plus tard. Nous croisons la route principale française. L’ascension commence. Entre 5 et 6 pour cent. Les premiers kilomètres se passent bien. Arrivés au Coin, le défi commence vraiment. Devant plusieurs kilomètres à 12,5% de pente, je ne me demande plus si j’allais arriver ou non. J’y étais. Dans ma tête, c’était clair que j’allais le faire. Ne sachant pas à quoi m’attendre vraiment, je gère mon effort en me basant sur la puissance que j’étais capable de maintenir pendant une heure (200 watts). Régulière, ça grimpe. Les jambes sont là. Le dos, par contre, commence à tirer. Les tensions étant supportables, je me dis que je n’ai plus aucune échéance importante qui approche et que j’aurai ainsi le temps pour récupérer. Une bonne excuse pour tromper mon esprit et passer par-dessus cette gêne. Je savais identifier jusqu’à quel stade je pourrai la tolérer. Un peu plus tard, mon ami me lance : « tu arrives même à me parler, on dirait que tu l’as déjà fait » ! Non, je n’allais pas l’essayer en secret, sans lui.  Mon but n’était pas d’arriver « cramée ». Mais simplement d’arriver en haut. Chose faite ! Une explosion de joie en pensant déjà à la suite… Mais il était important de savourer l’instant. Grâce à beaucoup d’abnégation et un accompagnement hors pair, j’y suis arrivée ! Grimper ce mur me semblait impossible il y a peu. Et pourtant… Ne jamais dire jamais… #ToutEstPossible ! Une photo sur les réseaux sociaux. Nombreuses sont les félicitations. Cela m’encourage, me stimule, me donne envie de continuer l’aventure du cyclisme #Paris2024.

Celine van Till

Celine van Till défie l’impossible. Du dressage équestre au cyclisme sur route, en passant par le 100 mètres sprint, valide et handisport, elle court d’un extrême à l’autre. L’ennui n’existe pas. Les surprises attendent. Les limites sont remises en question. Elle gagne la Coupe du Monde 2022 et est aussi auteure et conférencière.

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