L’athlète en temps de crise ; les réalités du terrain

Nous vivons à l’heure de notre deuxième déconfinement. Le monde du sport est lourdement impacté, après avoir pu vivre à nouveau et dans une certaine mesure l’été dernier. Pourtant, le sport d’élite constitue l’une des exceptions – de ce qui doit continuer. Nous, athlètes, bénéficions de l’accès aux installations sportives communales, après avoir satisfait à de lourdes procédures administratives, souvent entreprises par les entraîneurs.

Les compétitions ? Dans certaines disciplines – la mienne par exemple, l’athlétisme, le foot, le hockey ou encore le basket – des manifestations sont organisées dès que possible (voir mon article Compétition et covid possible?). Avec le risque permanent d’une mauvaise nouvelle, la quarantaine. Si le résultat du test est positif, c’est l’isolement strict : afin de ne courir aucun risque, l’immobilisation de dix jours est obligatoire. Aucun entraînement. Pas un déplacement. Comment rester en forme, tant physiquement que mentalement ?

Autre enjeux majeur : l’impact de la crise sur les entreprises. Ce n’est pas le moment d’investir ! Soutenir un sportif peut, pour certaines personnes, être synonyme de jeter de l’argent par la fenêtre, tandis qu’on n’arrive presque plus à rémunérer les employés. Voyez-vous les enjeux ?

En tant qu’athlète professionnelle

Une carrière sportive comprend les mêmes éléments qu’une entreprise. Elle doit être gérée de la même manière – au niveau du management, des finances, des relations publiques, communication, etcetera. En plus d’avoir un corps à superviser et à entraîner ! Les conséquences sont doubles.

Pourtant, nous avons pour mission d’être des modèles, d’autant plus en temps de crise ! Nous transmettons de la motivation et servons d’icônes pour les jeunes ou pour certains groupes de la population. Personnellement, j’aimerais transmettre une motivation, celle consistant à persévérer.

L’apport des sponsors ? Couvrir les frais (matériel, déplacements, entraînements, compétitions). Pour le reste, il est nécessaire d’avoir un autre travail. Vous l’aurez compris, la covid n’arrange rien, loin de là !

Ma façon d’aborder la chose

Par chance, quelques compétitions auxquelles je peux participer ont lieu. Mais c’est loin d’être le cas dans toutes les disciplines. De quel droit puis-je prendre le départ à des courses et pas d’autres personnes ?  Je fais partie de l’équipe de Suisse, donc prioritisée par rapport aux sportifs amateurs. Je saisis les opportunités qui se présentent à moi.

Mais pour être clair, à côté de la performance, je dois trouver de l’argent pour financier mon activité. Pas de solution miracle ! On ne sait pas si les Jeux Olympiques et Paralympiques auront lieu. L’incertitude règne sur tous les plans.  Si mon objectif majeur tombe à l’eau, « tout » serait-il annulé ? Les investissements faits pour rien ? La communication inutile ? Ces risques valent-ils alors la peine d’être pris ?

J’ai la chance d’être très bien entourée. Mon équipe et moi avons réfléchi à ce qui pourrait le plus m’aider – signer des nouveaux sponsors étant encore plus compliqué – et nous nous sommes dirigés vers les personnes qui me soutenaient déjà et qui étaient enthousiastes à mon égard. Quelques conditions : les remercier, établir une relation de confiance et prouver constamment mon engagement. C’était ce que je pouvais faire de mieux. La forme de satisfaction était aussi émotionnelle du côté de mes partenaires, sensibles à la dimension humaine de mon projet. Avec un peu de chance, ils ont décidé de poursuivre leur soutien en 2021. Mais c’est loin d’être le cas pour tout le monde.

Plus de plaisir pour Augustin Maillefer (aviron)

Forme de frustration pour cet athlète talentueux : s’entraîner dur alors que l’envie n’est plus là. Pas de chance, les pépins se sont accumulés lors de sa saison 2019. Impacts de la Fédération ? Comment continuer alors que la quantité d’entraînement demandée nuisait à la qualité (Augustin considérait son importance et y consacrait de l’attention) ?

Résultat : pas de sélection parmi le 4- suisse. Aucun test effectué en 4-. Sentiment d’injustice. Explications incohérentes des entraîneurs. Des résultats qui ne seront jamais révélés. Une qualification subjective. C’est ça le sport ? Sa motivation ? Elle chute ! Au final ? La place de remplaçant. Pourquoi ? Aucune raison. Certes, le voyage à Tokyo était quasiment garanti pour lui.

Message démotivant pour toute l’équipe : il peu y avoir du changement. Perte de confiance supplémentaire. L’effet des JO reportés ? Tout le processus doit recommencer. Non merci ! Mauvaise collaboration. Plus de perspectives. Triste fin de carrière. C’est une réalité. Mais ramer pour le plaisir, entraîner les jeunes et reprendre ses études surtout sont désormais ses priorités, après une carrière sportive qu’il décrit, certes, comme fantastique.

Un avenir incertain

De nombreux athlètes tentent de se qualifier aux Jeux ces prochains temps. Auront-ils lieu ? Ou pas ? Quelles conséquences ? Comment continuer ? Les sportifs d’élites, seront-ils encore soutenus ces prochaines années ? Autres priorités pour les entreprises ? Comment avancer ? Qu’est-ce qui va changer ?

Celine van Till

Celine van Till défie l’impossible. Du dressage équestre au cyclisme sur route, en passant par le 100 mètres sprint, valide et handisport, elle court d’un extrême à l’autre. L’ennui n’existe pas. Les surprises attendent. Les limites sont remises en question. Elle gagne la Coupe du Monde 2022 et est aussi auteure et conférencière.