L’exception dans ce monde qui ne tourne pas rond

« Œuvrer pour l’humanité n’a pas de prix » : c’est l’histoire du Professeur Didier Pittet. Son âme digne d’une humanité sortant de l’ordinaire m’a marqué lors notre rencontre. Nous recevions tous les deux le Mérite de la Ville de Lancy (Genève) en septembre dernier. On va dire que nos combats respectifs pour la société nous ont rassemblés.

Tout au long de sa vie, la pensée de cet épidémiologiste profondément éthique est stratégique. Il réfléchit toujours à la prochaine étape. Il a affronté le parcours du combattant pour rendre le « désinfectant » accessible dans le monde entier. Depuis toujours, sauver des vies est sa mission. Cet engagement a toujours été sa priorité, passant avant sa propre maladie articulaire et même sa famille (cela lui a coûté son premier mariage).

Ce brave homme nous veut du bien. Il est tout sauf superficiel. Altruiste. Bienveillant. Qui aime les gens. Il propose un geste simple – se frictionner les mains avec de la solution hydroalcoolique qu’il invente en 1995 et offre cette formule à l’OMS avec le mode d’emploi. Tout le monde peut l’appliquer. Cerise sur le gâteau, elle sauve plus que n’importe quelle autre méthode !

A travers ses deux livres (« Le geste qui sauve » et « Vaincre les épidémies »), Didier Pittet semble ne jamais rien avoir ignoré ou minimisé. À la fois observateur et marqué par ses expériences en parcourant le monde, il a établi un protocole sur la transmission des maladies au sein des hôpitaux et a déterminé combien de patients qui y contractent une maladie, dont certains décédaient. L’introduction de l’hygiène des mains, dont il est le principal promoteur, s’avère être un allié précieux. Seulement trois ans plus tard, les maladies transmises à l’hôpital sont divisées par deux. Ne suffisait-il pas ça pour en être convaincu ?

En tant qu’enfant, on nous répète tout le temps « Lave-toi les mains ! » Mais on ne sait pas tous pourquoi. On le fait par obligation, mais souvent en rechignant. Pas tous les parents expliquent son but, tant que la santé familiale est bonne… Pourtant, il s’agit de la méthode contre la transmission de bactéries la plus sûre ! Prenons l’exemple des cacahuètes : les bactéries urinaires peuvent se retrouver dessus ou tout autre bestiole traînant sur les des bars, touchés par tant de monde.

Dès le début de la pandémie du COVID-19 « chez nous », la tendance du moment se nomme la solution hydroalcoolique. Enfin qu’on communique franchement son efficacité à tout le monde, prouvée depuis plus de vingt ans ! En dehors du monde médical, elle n’a jamais autant été prise au sérieux que maintenant. Pourquoi avoir tant attendu d’autant le promouvoir qu’aujourd’hui ? Nos parents et grands-parents survivaient aussi sans ça. À cause de la globalisation et plein d’autres raisons, il serait une erreur de croire qu’elle ne nous épargne pas de nombreuses maladies aujourd’hui.

Je me demande si la société doit trébucher une, deux ou trois fois avant d’en tirer une leçon ? Ce produit et le geste qui l’accompagne sont simples. Peut-être trop pour croire à son efficacité ? Si tout le monde respecterait de simples gestes (ne pas s’approcher d’autres en étant malade et se laver les mains, notamment), les maladies se transmettront moins. Facile ? Alors faisons-le. Mais le cerveau humain préfère oublier les négativités, les maladies, donc la prévention aussi. La deuxième vague nous rappelle qu’il n’est pas possible de balayer aussi vite un passage tragique de l’humanité sans en ressortir plus grand, collectivement. Faudra-t-il une troisième vague pour ça ? Est-ce que la société, de plus en plus globalisée, évoluera ?

La campagne : https://www.stop-covid.org/

Interview avec le Professeur Didier Pittet dans un prochain article.

Photo: Ville deLancy

Celine van Till

Celine van Till défie l’impossible. Du dressage équestre au cyclisme sur route, en passant par le 100 mètres sprint, valide et handisport, elle court d’un extrême à l’autre. L’ennui n’existe pas. Les surprises attendent. Les limites sont remises en question. Elle gagne la Coupe du Monde 2022 et est aussi auteure et conférencière.

5 réponses à “L’exception dans ce monde qui ne tourne pas rond

  1. Bonjour à tous

    Je suis d’accord pleinement avec Mlle Céline VAN TILL
    la vie qui nous a été donnée est précieuse et nous devons la défendre avec tout les moyens, donc quand on nous dit qu’il est super important de nous désinfecter les mains plusieurs fois par jours nous devons tous le faites sans avoir à y redire , car en jeux il y a notre vie à tous.
    Merci
    Mme Palmira GRIS

  2. hahaha, vous allez bien ensemble 🙂

    Ce qui est dommage avec le Prof Pittet, c’est qu’on l’a roulé dans la farine, je veux dire l’OMS.
    Il a fait dont de sa formule et de petits grands malins se font les c. en or!

    Ici Uruguay, 400% d’augmentation en 3 mois pour l’alcoolgel, quelle honte.

    1. Merci pour votre message. J’ai écrit cet article dans le but de mettre en valeur ses recherches, ses observations, le Prof. Pittet lui-même, mais aussi pour appeler à la responsabilité de chacun.

  3. Je me souviens que lors de mes stages à l’hôpital, jusqu’en 1985 au moins, nous avions dans chaque chambre près de la porte un flacon-poussoir de Remanex (antiseptique) dont le spectre d’action était plus large que la solution hydroalcoolique déjà connue à cette époque. Le Remanex n’était cependant pas proposé en pharmacie pour les particuliers en raison de sa toxicité à long terme et d’un effet desséchant pour la peau. Malgré un rinçage minutieux, nous avions tous les mains rêches, et ceux ou celles qui ne suivaient pas les consignes étaient vite repérés à cause de la peau qui pelait entre les doigts. Le Remanex très efficace a été abandonné au profit du Sterilium rouge (emploi personnel soignant), et le bleu (visiteurs). Le professeur Didier Pittet n’est pas l’inventeur de l’antiseptique hydroalcoolique qui était disponible en pharmacie bien avant 1995, mais du gel hydroalcoolique. Il a eu l’idée d’ajouter de la glycérine, qui permet à la solution hydroalcoolique de s’étendre partout et facilement sur les mains (entre les doigts !), et de retarder l’évaporation afin d’obtenir une plus grande durée d’effet.

    Avant la bonne idée de la glycérine, ce sont les bons sentiments de Monsieur Didier Pittet pour ses semblables qui me touchent moi aussi. Ceux qui ont de bonnes idées visent le plus souvent à leur propre profit (suis-je pessimiste ?) et je vais vous donner un exemple du mépris d’un fabricant qui a fourni des centaines de litres de gel hydroalcoolique à un important fournisseur de produits alimentaires, notamment pour la restauration. Il y avait alors encore pénurie d’alcool éthylique, mais ce fabricant avait réussi à être l’un des premiers à répondre à la demande du public. Où s’était-il procuré la substance ?.. J’ai eu la réponse après avoir humé le bidon que j’avais acheté : l’odeur caractéristique du camphre, incorporé à l’alcool à brûler afin que l’alcool éthylique qu’il contient ne puisse être extrait pour la fabrication de boissons alcoolisées (Régie des alcools, taxe). L’alcool pour les réchauds à fondue, resté disponible durant toute l’année 2020, revenait à environ 12,50 F pour l’achat de cinq bouteilles de 1 l. Le bidon d’antiseptique pour les mains, même contenu avec ajout de colorant et 1,5 % de glycérine, 59 F les 5 l. J’ai demandé au responsable de la grande surface son avis, non pas en rapport du prix, mais de l’usage contre-indiqué pour la peau. Il m’a répondu : « Il n’y a rien d’illégal, autrement nous ne l’aurions pas dans nos rayons… » Je n’ai pas trouvé cela aussi joli que petit gamin qui déclare : « J’ai le droit puisque ce n’est pas interdit ! »

    1. Merci pour votre partage. Les livres écrits par Thierry Crouzet sur Le Prof. Didier Pittet (en lien dans l’article) illustrent ce que vous décrivez et sont rempli d’humanité. Je recommande à tous.

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