Que signifie le handicap ? Pour la première fois, j’ai osé rechercher sa définition dans le dictionnaire. Découvrons là ensemble dans l’un de plus célèbres, le Larousse.
Et là, c’est une déception !
Ce terme est expliqué de plusieurs manières :
Ambassadrice pour les personnes en situation de handicap, je tiens à défendre « nos » intérêts dans tous les domaines et à sensibiliser le plus de personnes possibles à la « différence ». Par aucune des explications (six sont mentionnées ci-dessus), aucune ne définit, pour moi, le handicap de manière appropriée.
La brève explication sous la forme que je l’entends – les personnes en situation de handicap – ne me convient pas.
On parle de désavantage, de déficience, et même d’infériorité. Comment peut-on connoter différemment les « personnes handicapées » ? Cela signifie-t-il qu’elles sont diminuées ? Est-ce que ce sont les justes termes pour les qualifier ? Bien entendu que non. Or, dès notre plus jeune âge, nous les apprenons. C’est le début du défi de la sensibilisation et de l’inclusion !
Le terme « personnes en situation de handicap » a-t-il été créé afin d’y remédier ? J’entends que l’on parle de personnes vivant avec une difficulté. Cependant, ce terme reste inchangé dans de nombreux horizons et peu utilisé.
A Genève, la Loi sur l’intégration des personnes handicapées propose la définition suivante :
Art. 2 Définition
Au sens de la présente loi, on entend par personne handicapée toute personne dans l’incapacité d’assumer par elle-même tout ou partie des nécessités d’une vie individuelle ou sociale normale, du fait d’une déficience, congénitale ou non, de ses capacités physiques, mentales, psychiques ou sensorielles.
Ces lignes donnent plus d’explications. Cependant, qu’entend-on par « assumer par elle-même » ? Avoir l’aide d’une canne ou d’un déambulateur signifie-t-il qu’on n’est pas indépendant ? Que signifie une vie « normale » ? Doit-on le comparer à la manière de faire de la majorité de personnes ? C’est encore un sujet tabou qu’il est nécessaire d’affronter si l’on veut, un jour, contribuer à l’égalité de notre société. La différence doit encore mieux être intégrée en therme d’égalité, d’inclusion et surtout d’acceptation de la population (le vivre-ensemble).
Voyez-vous les défis de la sensibilisation ?
Image: source Stefan Häusermann
Vous partez d’une bonne intention mais les choses sont ce qu’elles sont. Cessez de nous (vous) abrutir avec vos définitions inventées.
Bonjour,
Merci pour votre message.
Je comprends votre réaction. Cet article est une incitation à la réflexion. Mon souhait est de sensibiliser ses lecteurs au handicap. Le blog est un des moyens de le faire.
Bon courage à travers la crise actuelle.
Eh bien je suis étonné moi aussi de la définition du dictionnaire, et Le Robert n’est pas mieux que Larousse. Mais c’est bien le regard de la personne littéraire qui ne connaît pas la vie entière, mais se la représente dans le monde élaboré de son langage. J’avais à l’âge de dix-sept ans un professeur de Français qui voulait nous démontrer le côté absurde des maths, et riait des théories de la psychanalyse. Il s’exprimait avec brio, c’était sa force qui lui donnait l’illusion de comprendre le vrai sens et la valeur de la vie… Je pense malgré tout que le travail de mise à jour d’un dictionnaire doit être un travail énorme, et les critiques justifiées que vous émettez peuvent s’appliquer à des milliers d’autres définitions touchant à des sensibilités qui évoluent très vite ces dix dernières années. Regardez les personnes de l’Académie Goncourt qui ne savent plus ce qu’elles doivent dire ou ne pas dire. C’est notre définition des rapports humains qui s’éloigne de ce qui apparaissait hier encore juste et sensé. Les dictionnaires nous éclairent, mais heureusement nous ne nous en servons pas pour nous guider… Quelle définition pourrait mieux convenir ? J’en propose une, mais ne m’en voulez pas trop si je tombe à côté :
Handicap : Difficulté persistante touchant un être vivant dans ses facultés physiques ou psychiques, dont l’origine peut être liée à son développement, une maladie, ou un accident.
Vous savez ce que je pense ? Parfois on a de la peine à répondre à un enfant qui pose ses questions, elles sont souvent essentielles, et c’est important de lui donner une vision honnête et réelle de ce qu’on a en soi. En plus les réponses doivent être élaborées sous une forme accessible. Alors essayons un dialogue qui lui donnera la définition, sans s’aider du dictionnaire…
« Dominic, être handicapé, qu’est-ce que cela signifie ?.. »
— C’est quelqu’un qui a plus de peine que toi pour faire tous les jours ce que tu fais normalement sans trop y penser. Quand tu t’étais cassé le bras, il avait fallu beaucoup de temps pour que tu puisses de nouveau soulever des objets lourds, être adroit, n’avoir plus mal si tu faisais un mauvais mouvement. Être handicapé, c’est un peu cela mais tout le temps.
— Pourquoi tout le temps ?
— Parce que c’est quelque chose qu’on ne peut pas guérir, ou parfois aider pour que cela aille un peu mieux.
— Comme pour mon bras ?
— On te soutenait pour te laver parce qu’au début tu n’arrivais pas avec un seul bras, ensuite tu as appris… Alors tu vois, une personne handicapée qui ne peut pas guérir, on essaye aussi de l’aider à faire autrement. Des fois même, ce qu’elles ont perdu quelque part, elles peuvent l’avoir en plus fort ailleurs si elles s’entraînent. Et il n’y a pas que les bras et les jambes, on peut être handicapé aussi pour voir, entendre, parler…
— Bon, j’ai des lunettes, mais je ne suis pas handicapé !
— On pourrait dire « un peu », mais il y a tant de monde qui doit porter des lunettes qu’on n’en fait pas une histoire.
— Est-ce qu’on peut être handicapé sans le savoir ?
— Ah c’est une drôle de question que tu me poses… Tu sais des fois je pense que l’être humain est handicapé en le voyant porter de gros vêtements en hiver parce qu’il n’a pas de fourrure comme les animaux. Et plein d’autres choses où on est vraiment faibles si on compare, mais heureusement on est intelligent pour essayer de compenser ce qu’on a en moins. Regarde la fable du renard et les raisins, s’il avait pu se fabriquer une échelle il aurait pu les manger…
— Ahaha !.. Oui mais lui il a beaucoup de force dans les dents, moi pas.
— Pas besoin d’être fort pour tout, on doit être content quand on peut vivre avec ce qu’on a… À propos, est-ce que tu as fait tes devoirs ? Si tu veux avoir un bon métier plus tard, pour t’acheter une voiture plutôt que de continuer à pédaler, tu dois faire de bonnes notes…
— Ah je voudrais être un renard.
— J’en suis pas sûre…
Bonjour,
Je vous remercie pour votre message qui est à la fois très complet et rempli d’humour! J’ai eu beaucoup de plaisir à le lire (bien que je n’ai pas avoir été en mesure de répondre aussi rapidement que je l’aurais souhaité).
Je suis également convaincue que le dialogue est la meilleure recette pour inciter à une sensibilisation accrue. De plus, du point de vue pédagogique, son interlocuteur se souviendra beaucoup mieux de ce qu’est un handicap. Que l’on soit un enfant ou un adulte.
Merci également d’avoir cherché une meilleure définition. Je ne vais pas aller plus loin dans cette recherche pour l’instant ; mais cela en vaudrait la peine.
Encore merci pour votre intérêt. Je vous souhaite du courage à travers la crise que nous vivons.
@ Mme Céline Van Till
Excusez-moi de présenter un si long texte. Prenez-le comme une rivière qui passe librement, où l’on ne risque pas de se noyer ou mourir de soif si l’on n’a pas envie d’y plonger la main.
« Je n’ai pas été en mesure de répondre aussi rapidement que je l’aurais souhaité »
Je dois avoir jeté un coup d’œil sur le blog deux ou trois fois durant quinze jours après mon commentaire. Puis aujourd’hui en voyant votre vignette dans la page des auteurs, j’ai cliqué tout en pensant : « Oh il y a si longtemps, il n’y aura pas de réponse… » Je m’étais trompé, et ai eu une bonne surprise. J’ai d’abord relu mon commentaire, parce que si je n’oublie pas ce que je pense être, je me souviens beaucoup moins de ce que je dis. Puis en voyant votre réponse dater du 30 mars, j’ai tout de suite pensé : « Oh ! Elle a répondu si vite ? » Puis j’ai eu envie de rire de ces bizarreries du temps qui s’étire ou se contracte comme un élastique. Mais surtout, je me suis senti si bien de penser : « Ce n’est pas trop tard, et ce pourrait être trop tard pour quoi ?.. Oui, c’est trop tard pour communiquer quand on est mort… Ah je suis content d’être vivant ! Voyons ce que Madame Van Till me répond… »
Je suis content que vous ayez aimé le dialogue avec mon fils que je n’ai pas eu. Et ce fils… En relisant aujourd’hui, je me suis aperçu qu’à la fin du dialogue je lui réponds au féminin ! C’est ma mère qui me répond ! Laissons-la dormir, je ne veux pas retourner dans l’enfance, ni me transformer en renard, à 68 ans le temps passe trop vite pour ne pas le saisir dans le présent. Ah si j’avais vingt ans de moins, je m’achèterais cette Yamaha R1 pour foncer à 300 km heure ! Euh… Heureusement qu’à cette époque je n’étais pas assez riche pour me l’offrir…
Ma définition du handicap est peut-être proche de celle du dictionnaire médical, je ne suis pas allé voir. Est-ce que je peux essayer de la prolonger ? « (…) dont l’origine peut être liée à son développement, une maladie, un accident… » Ou un mystère, parce que le mystère laisse mieux vivre que la maladie désignée et mal comprise. Les réponses à « pourquoi » sont parfois données par celui qui sait trop, en oubliant tout ce qu’il ne sait pas encore ou ne saura jamais. Ce n’est pas pour rien que le petit enfant qui demande « pourquoi » peut rester sans réponse, l’univers est si grand, l’adulte qui veut lui répondre n’y est pas allé jusqu’au bout. Alors il existe la réponse : « Parce que c’est ainsi ». Exister sans savoir, assez pour se sentir déjà seul, pas assez pour en mourir… Et la vie peut continuer quand on sait… « C’est toi que j’aime ! Tu le sais ! Nous le savons ! » On se sent des ailes…