Sport et handicap, est-ce un tabou ou une opportunité?

Théo Gmür décroche le triplé paralympique en ski de descente à PyeongChang. Il a été grandiosement accueilli à Zürich et à l’aéroport de Sion le 22 mars dernier. Ses performances ont-elles été valorisées comme il se doit ? Le para, est-ce démodé ou apporte-t-il un nouveau regard sur notre société ?

« J’ai été 13ème aux Jeux Paralympiques à Rio », dis-je. « Dommage que vous n’avez pas gagné… », est souvent la réponse. Il reflète celui de notre société qui nous pousse constamment à la perfection. Au contraire, le moindre défaut doit être caché. La difficulté est niée. J’entends souvent « En paralympique, c’est déjà pas mal ». Cela montre la perception reductive de la société sur le handicap. Mériterait ainsi cet article d’être lu ? Savez-vous de quoi on parle ?

Euh… avec un ton incertain… Des Jeux Paralympiques…

Ce post facebook d’un proche m’a motivé d’évoquer une réalité… Ainsi, il s’agit de ma perception dans l’environnement qui m’entoure.

 Le chemin est encore long

Les Paralympiques, sont-ils vraiment loin du compte ? Les enjeux logistiques sont souvent un bon prétexte pour y prêter peu d’attention : ils ont lieu pendant la rentrée. En plus, il y a trop de catégories pour une épreuve. L’on s’y perd… Certes, notre société se veut de plus en plus inclusive. Des progrès de la perception du handicap sont faits. Les questions d’accessibilité et d’intégration préoccupent la population.  Malgré que « para » signifie « annexe » comme l’indique son origine latine, les Jeux Paralympiques sont sont encore trop dans l’ombre… Mais ils sont, en théorie, reconnus à part entière. Rappelons qu’il s’agit du deuxième plus grand événement sportif sur notre planète…

 Intérêt grandissant à chaque édition

Avant mon accident (2008), j’avais vu ma future discipline à la télévision néerlandaise lors des Jeux d’Athènes en 2004, alors que je n’en avais jamais entendu parler en Suisse… Je savais alors que le dressage para-équestre existait.

Jusqu’au Jeux de Londres en 2012, la médiatisation du paralympisme était quasiment muette. Lors de cette édition des Jeux, elle fait un bond en avant, notamment grâce à la culture anglo-saxonne très ouverte au handicap. Bien que largement diffusé en direct, l’audience des « JP » reste bien inférieure à celle des JO. En Suisse, les chaînes locales offrent une couverture plus ample, bien qu’elles restent toujours dans une politique locale…

A Rio en 2016,  les JP ont plus largement médiatisés. L’on veut qu’ils soient reconnu par le grand public… Les médias influencent les performances attendues. Le niveau grimpe. En équitation, l’on pouvait encore emprunter un cheval sur place quelques année plus tôt. A présent, le budget d’un cavalier handicapé s’approche de l’élite… On ne peut plus dire « que l’essentiel est de participer ». Tant en handisport qu’en sport valide, les athlètes sont à un très haut niveau. Je l’ai expérimenté avant mon depart à Rio, lors de mes premiers Jeux: c’était la course médiatique. Mon professeur de marketing disait alors que « j’étais une bonne cliente aux médias »… 

Nous avons des histoires à raconter

Des histoires dingues qui forcent le respect… Dans le futur, ils inspireront notre société.  La RTS a montré un reportage qui explique l’intérêt croissant du handicap aux Jeux de PyeongChang 2018. Sur le plan international, ce fût des « Jeux record », comme mentionné dans un article dans le Temps. D’autant plus qu’un grand nombre de billets ont été vendus (180’ sur 220’00 disponibles), ce qui atteste d’un intérêt géneral croissant.

En Suisse, la délégation reste modeste : ils étaient 13 athlètes pour trois médailles, ce qui reste limités face aux JO. L’on dit, égoïstement, que cela expliquerait en partie le comportement « muet » des medias… Certesm pendant les Jeux, SRF 2 montrera certaines épreuves de ski alpin en direct pour la première fois. En revenche, la RTS proposa quotidiennement un résumé de chaque journée en images, uniquement sur son site web… Soudainement, le triplé de Théo Gmür a captivé l’attention par ses performances extraordinaires ! En plus, handicapé, c’est d’autant plus impressionnant.

L’on ne peut pas précipiter les choses ! Tout changement, plus particulièrement un tel développement touchant la planète dans sa globalité demande du temps. Des grandes barrières ont été franchies. D’autres le seront. Peut-on envisager un futur allant dans ce sens ?

Sport et handicap, une opportunité

Le sport a le pouvoir de changer le monde et notre future. On retrouve le fait de « s’accepter l’un l’autre » et « d’unifier la diversité » dans la vision des prochains Jeux Olympiques et Paralympiques de Tokyo en 2020. A Paris, en 2024, ils veulent des Jeux avec de la passion, des Jeux pour tous et où le partage est un style de vie. Plus proche de chez nous, la candidature de Sion 2026 défend la pratique du sport pour tous. Les prochaines éditions sont  favorables au développement du mouvement paralympique.

Finalement, nous vivons dans un monde de plus en plus industrialisé et matérialisé. Grâce au handicap, l’on revient à l’essentiel, à l’humain, et l’on véhicule un véritable message d’espoir. N’est-ce pas de ça que notre société a besoin ?

Photo principale: Michael Fund / Swiss Paralympic.

Webographie :

https://www.lexpress.fr/actualite/sport/football/pourquoi-les-jeux-paralympiques-ne-passionnent-pas_1154678.html

https://www.tdg.ch/sports/actu/chaine-tv-diffusera-direct-epreuves/story/29712776

http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1158180-jeux-paralympiques-une-opportunite-pour-les-handicapes-du-moins-en-theorie.html

http://www.lemonde.fr/jeux-olympiques/article/2014/03/07/smetanine-la-mediatisation-des-paralympiques-sera-exceptionnelle_4379536_1616891.html

https://www.lequipe.fr/Tous-sports/Actualites/Des-jeux-paralympiques-toujours-plus-mediatises/724863

http://www.cafebabel.fr/style-de-vie/article/jeux-paralympiques-de-rio-2016-le-handicap-de-vision.html

https://www.letemps.ch/sport/pyeongchang-jeux-paralympiques-record

https://sion2026.ch/fr_CH

http://paris2024.org/en/vision

https://tokyo2020.org/en/games/vision/

Celine van Till

Celine van Till défie l’impossible. Du dressage équestre au cyclisme sur route, en passant par le 100 mètres sprint, valide et handisport, elle court d’un extrême à l’autre. L’ennui n’existe pas. Les surprises attendent. Les limites sont remises en question. Elle gagne la Coupe du Monde 2022 et est aussi auteure et conférencière.