Et ça continue encore et encore

On and on it goes

Encore un excédent, d’accord, d’accord.

Les comptes de la Confédération montrent un excédent de 2.9 milliards pour 2018. L’écart par rapport à l’excédent budgétisé de 300 millions représente 0.4% du PIB. C’est substantiel.

Il reste clairement encore du chemin à faire pour mieux calibrer les prévisions, et sortir de la situation ou année après année nous sommes surpris en bien. S’il vaut mieux une surprise dans ce sens, la situation actuelle n’est pas pour autant à prendre avec le sourire.

Evitons une gestion asymétrique des finances

Une grande partie de l’erreur de prévision est due au fait que les demandes de remboursement de l‘impôt anticipé sont plus faibles que prévues. Nous pouvons donc nous attendre à un rattrapage dans les années à venir, avec des erreurs de prévision plus faibles, voire dans l’autre sens.

Il faudra alors adopter une attitude symétrique par rapport à la situation actuelle. L’excédent de 2018 implique une réduction de la dette de la Confédération. La hausse probable des demandes de remboursement de l’impôt anticipé dans les années à venir devra alors être absorbée par une hausse de la dette, laquelle reviendra alors à la case départ. Il est cependant à craindre que lorsque les remboursements de ‘impôt anticipé arriveront il y aura des pressions pour la réduction des dépenses sous prétexte d’un retour (temporaire) du déficit. Une telle réaction asymétrique est à éviter.

Au-delà de ces fluctuations temporaires, il reste important d’ajuster la planification afin d’éviter les écarts systématiques, et de devoir régulièrement remettre le sujet sur la table. Pour poursuivre le clin d’œil de début d’article :

Faudrait qu’on arrive à en parler au passé

Faudrait qu’on arrive à ne plus penser à ça

A combien se monte l’évasion fiscale ?

How big is tax avoidance?

A près d’un quart des impôts dus pour les plus riches, selon une étude portant sur les pays scandinaves. L’évasion est en revanche beaucoup plus faible (mais pas absente) en dehors du haut de l’échelle de richesse. Il serait pour le moins intéressant d’appliquer cette analyse à la Suisse.

Un travail de détective pour estimer l’évasion

Estimer l’évasion fiscale est une tâche complexe – sans surprise. Dans un travail récent, Annette Alstadsæter, Niels Johannesen, et Gabriel Zucman ont utilisé les données provenant de plusieurs sources, dont les « Panama papers ». Ils les ont combinées avec les données de l’administration fiscale pour la Norvège, la Suède et le Danemark, afin d’estimer la part des impôts évités.

La figure ci-dessous montre la proportion estimée d’impôts dus qui n’ont pas été payés. La situation est contrastée par niveau de richesse. Par exemple, le label « P70-80 » sur l’échelle horizontale se réfère aux personnes avec une fortune dans le décile 70-80 % (70 pourcent des personnes ont une fortune plus faible, et 20 pourcent une fortune plus élevée).

La figure montre que l’évasion est très concentrée parmi les très riches. Près d’un quart des impôts dus par les 0.01 % de personnes les plus riches ne sont pas payés (décile 99.99-100 %). Cette part descend rapidement : elle n’est « que » de 12 % pour les 0.04 % de personnes riches suivantes (décile 99.95-99.99 %), puis descend. En fait, la part des impôts évités est assez stable pour les 99 % de personnes les moins riches (décile 0-10 % jusqu’au décile 95-99 %)

Et la Suisse ?

L’étude des pays nordiques montre que l’évasion fiscale est extrêmement concentrée dans le haut de l’échelle. Il est vrai qu’elle existe aussi pour les personnes moins riches, mais dans une ampleur bien plus moindre. L’étude n’existe malheureusement pas pour la Suisse, mais il serait intéressant de combiner les données des Panama papers avec les données de l’administration fiscale pour avoir une idée du phénomène.

La croissance suisse à la traîne de l’Europe

Swiss growth lags behind Europe’s

Une impression fréquente en Suisse est que la croissance économique n’a pas trop souffert d’être en dehors de l’Union Européenne, surtout durant la crise. Ceci est trompeur, car depuis le début des années 1990 notre pays est à la traîne par rapport à des pays voisins de taille similaire. Rester en marge de l’UE s’est avéré bien coûteux, un point à méditer d’ici à la votation du 25 novembre.

Un retard jamais rattrapé depuis 1992

L’impression habituelle d’une bonne performance de la Suisse vient du fait que nous nous comparons souvent aux pays majeurs de l’UE comme la France et l’Italie. Il est cependant plus pertinent des considérer des petits pays avec une économie ouverte sur le monde, car leurs structures économiques et leurs tailles sont plus proches des nôtres.

Considérons donc la Belgique, les Pays Bas, le Danemark, l’Autriche et la Suède, les deux derniers ayant rejoint l’Union en 1995. La Suède est un cas particulièrement intéressant car le pays a subi une crise bancaire au début des années 1990, tout comme la Suisse avec l’éclatement de la bulle immobilière.

La figure 1 ci-dessous présente l’évolution du produit intérieur brut réel (corrigé de l’inflation) de ces pays depuis 1980, les valeurs étant normalisées à 100 en 1990 pour faciliter la comparaison (données du FMI). Nous voyons clairement que la croissance a été similaire entre la Suisse et les pays européens jusqu’à 1990. L’économie suisse a ensuite fortement ralenti, et ce déjà avant le vote sur l’Espace Economique Européen en 1992. Cette récession n’est pas en soi un problème, car nous ne pouvons pas nous attendre à ce que tous les pays évoluent exactement de concert. Plus frappant est le fait que la Suisse n’ait pas rattrapé son retard depuis lors.

Le retard de la Suisse est illustré dans la figure 2, qui présente l’écart entre le PIB suisse et celui des autres pays. Par exemple le chiffre de -9.6% pour l’Autriche en 2017 indique le PIB suisse serait aujourd’hui plus élevé de 9.6% si notre pays avait connu le même rythme de croissance que notre voisin. La figure montre bien qu’après le décrochement du début des années 1990 la Suisse est restée en retard (le Danemark n’étant certes pas si différent). L’écart de -16.3% avec la Suède est particulièrement frappant étant donné que ce pays a aussi subi une crise bancaire.

Un écart encore plus fort par habitant

On pourrait certes faire remarquer que l’écart de la Suisse varie beaucoup selon le pays que l’on considère comme référence, et que la situation n’est pas si grave par rapport à plusieurs d’entre eux. Pour affiner l’analyse il est intéressant de considérer le PIB par habitant, car c’est un meilleur indicateur du niveau de vie. Un pays peut en effet connaître une croissance tirée par la productivité qui augmente le niveau de vie (bonne croissance du PIB ainsi que du PIB par habitant), ou une croissance tirée par la hausse de la population avec un effet moindre sur le niveau de vie (bonne croissance du PIB mais avec peu de gains pour le PIB par habitant).

Les figures ci-dessous répètent l’exercice en termes de PIB par habitant, montrant l’évolution de cette mesure (figure 3) et l’écart de la Suisse par rapport aux autres pays (figure 4). Le constat est nettement plus frappant que celui des figures 1 et 2. La figure 3 montre bien que les pays européens connaissent des performances assez similaires alors que la Suisse décroche. Le PIB par habitant de notre pays se situe maintenant entre 15 et 20% du niveau qu’il aurait atteint si nous avions continué d’évoluer au même rythme que nos voisins (comme nous le faisions avant 1990). Un tel écart correspond à 2-2.5 mois de revenu chaque année. On imagine sans peine combien les problèmes économiques (retraites, coûts de la santé) seraient bien plus faciles à gérer avec ce supplément.

L’Alleingang coûte cher

Les chiffres montrent clairement un décrochage, que rien ne laissait présager car entre 1980 et 1990 la croissance suisse était proche de celle des autres. Que s’est-il passé ? Une analyse détaillée irait au-delà de ce blog, mais il est frappant de voir que l’émergence de l’écart coïncide avec le refus de l’EEE en 1992. Certes, la récession était alors déjà engagée, mais on aurait pu s’attendre à ce qu’elle soit ensuite résorbée, comme cela a été le cas en Suède. Il a en fait fallu attendre la signature des accords bilatéraux en 1999 et 2004 pour voir la croissance suisse repartir, mais sans rattraper le chemin perdu.

Alors que nous nous apprêtons à voter sur la relation entre le droit suisse et international, ce qui impactera nos relations avec l’Union Européenne, il est important de rappeler que la croissance suisse n’a pas brillé depuis le début des années 1990. La déclaration de Jean-Pascal Delamuraz que le refus de l’EEE représentait un « dimanche noir pour l’économie suisse » n’était pas exagérée.

Le rôle global de l’euro : beaucoup de bruit pour peu de choses

Don’t lose sleep over the global role of the euro

Renforcer le rôle global de l’euro, comme le souhaite Jean-Claude Juncker, est une perte de temps. Il y a d’autres priorités plus urgentes en Europe, et le rôle international d’une monnaie est un aspect bien moins important que l’on croit.

L’ordre monétaire n’est pas un tournoi de foot

Il n’est pas rare de voir des politiciens vouloir assoir le rôle international de leur monnaie, et de détrôner ainsi le dollar. Il est indéniable que le billet vert domine le système monétaire international sous plusieurs aspects, et que ce rôle majeur va bien au-delà du poids des Etats-Unis dans l’économie mondiale.

Mais ce qui importe est la stabilité du pouvoir d’achat d’une monnaie. C’est pour cela que les banques centrales sont concentrées sur la stabilité des prix, visant une inflation stable et modérée. C’est clairement le cas depuis plusieurs années (en fait le problème est plutôt que l’inflation est trop basse, mais ceci est un autre sujet). Une fois l’objectif de stabilité des prix atteint, peu importe le rang atteint par une monnaie au classement mondial.

Dans un tournoi de foot il ne suffit pas de bien jouer, encore faut-il le faire mieux que les équipes adverses. C’est le contraire pour la politique monétaire : l’important est d’atteindre la stabilité des prix. Si d’autres le font encore mieux, grand bien leur fasse.

La monnaie internationale : un trophée que ne change pas grands chose

Mais les Etats-Unis ne disposent-ils pas d’un privilège du fait du poids dominant du dollar ? En fait, pas vraiment. Premièrement, le gouvernement américain n’emprunte pas à des meilleures conditions que ceux d’autres pays. Les rendements sur les dettes souveraines européennes et japonaises sont plus faibles, même une fois corrigés de l’inflation.

Plusieurs études ont été conduites pour déterminer si les Etats-Unis gagnent de meilleurs rendements sur leurs investissements à l’étranger que ceux que les investisseurs étrangers obtiennent sur leurs avoirs américains. C’est effectivement le cas dans l’ensemble, mais il convient de regarder les choses de plus près. Tout d’abord les avoirs américains à l’étranger comprennent beaucoup de placement en actions et d’investissement directs (les participations des multinationales dans leurs filiales). Ces investissements rapportent plus que les placements en obligations, lesquels représentent une bonne partie des avoirs étrangers aux Etats-Unis. Ensuite, l’écart de rendement entre avoirs américains et avoirs des investisseurs étrangers est minime lorsque l’on compare des actifs dans la même catégorie (par exemple actions étrangères détenues par les américains contre actions américaines détenues par les investisseurs étrangers). La seule catégorie montrant un écart matériel est celle des investissements directs des multinationales dans leurs filiales, mais ces chiffres incluent une part substantielle d’estimations avec une marge d’incertitude.

D’autres priorités pour la zone euro

La zone euro fait face à toute une série de chantiers bien connus : renforcement de l’union bancaire, construction d’un mécanisme de recapitalisation des banques en cas de faillite, construction d’un pan budgétaire, passage de marchés financiers fragmentés à un marché plus large, et bien d’autres. Que l’euro ait ou non un rôle global n’y change rien. En fait son rôle s’accroîtrait sans doute une fois les chantiers menés à bien, car au final le poids international d’une monnaie n’est que le reflet de la qualité des institutions et marchés du pays émetteur.

Réforme des cotisations LPP : évitons le catastrophisme

Reform of pension contributions: don’t be frightened

L’initiative proposant un taux de cotisations unique pour la LPP rendrait le système plus égal, sans générer de surcoût. La hausse temporaire des cotisations serait modérée et totalement compensée par les gains futurs.

Réformer un système discriminatoire

Le taux de cotisations à la LPP augmente actuellement avec l’âge, ce qui pénalise les perspectives professionnelles des personnes de 50 ans et au-delà en les rendant plus chères pour les employeurs. En outre le système va à l’envers du bon sens, car pour financer sa retraite il vaut mieux cotiser le plus tôt possible.

Un surcoût transitoire

Tout le monde s’accorde à dire qu’un taux de cotisation unique quel que soit l’âge est une bonne idée. Par rapport au système actuel, cela impliquerait une hausse des cotisations pour les jeunes et une baisse pour les personnes plus âgées. Passer du système actuel à un régime de cotisations uniques implique un surcoût transitoire. Les personnes en fin de carrière devront toujours cotiser à l’ancien taux, car elles ne peuvent évidemment pas remonter dans le temps pour ajuster les cotisations payées dans leur jeunesse. En même temps les jeunes cotiseraient à un nouveau taux plus élevé. Le montant de cotisations augmenterait donc tant que des personnes ayant commencé leur carrière sous l’ancien système seraient toujours en activité.

L’argument des opposants est que ce coût supplémentaire serait tel qu’il rend la réforme tout simplement impossible. Le chiffre avancé est de 1 milliard de francs par an pendant une vingtaine d’années.

Ne nous laissez pas impressionner par les milliards

Un milliard par an semble être un très gros montant. En fait non. Lorsque l’on fait de l’analyse macro-économique, tous les chiffres ont beaucoup de zéros. Cela surprend au début, mais on s’y habitue vite, et l’on apprend à mettre les choses en perspective. Concrètement, 1 milliards par an représente 2.23 % des cotisations LPP (44.8 milliards en 2016), 0.26 % des salaires payés aux employés (391.4 milliards) et 0.15 % du PIB (659.1 milliards). Il convient de rappeler que depuis 2010 les salaires ont augmenté de 0.68 % par an en moyenne. Le surcoût de la réforme représente alors l’équivalent de 4 mois et demi de hausse de salaire. Pas de quoi prendre peur.

Une image parlant plus que de longues phrases, la figure ci-dessous présente l’évolution des salaires sous deux scénarios. Sans réforme, considérons que les salaires augmentent régulièrement de 0.7 % par an, à partir du niveau actuel de 32.6 milliards par mois. Leur niveau est alors présenté par la ligne bleue. Que se passerait-il si la réforme était adoptée à la fin de l’année 1 ? Les entreprises devraient alors supporter un coût supplémentaire de 1 milliard par an. Admettons qu’elles n’augmentent plus les salaires pendant 5 mois, après quoi ceux-ci augmentent de nouveau de 0.7 % par an. L’évolution des salaires serait alors donnée par la ligne rouge, qui est légèrement plus basse. La différence entre les deux lignes représente les salaires que l’entreprise paie maintenant sous formes de cotisations LPP supplémentaires. Cela correspond à 1 milliards lors de la première année, puis à 1-1.5 milliard par année, comme le montrent les barres grises.

Ce simple exemple chiffré montre bien que le coût de la réforme ne briserait pas les reins des entreprises. Il pourrait être couvert simplement en renonçant brièvement à des hausses de salaires.

Mais au fait, y-a-t’il vraiment un coût ?

En fait la situation est encore moins difficile que ce que le calcul précédent indique. Pour s’en rendre compte, il convient d’évaluer l’impact de la réforme sur la durée. Afin de faire cela de manière claire et concise, il est utile de considérer un simple modèle économique. Certes un tel outil est très simplifié, mais cela permet précisément de cerner les points clefs de manière claire (les personnes intéressées par les détails peuvent les trouver dans cette note technique et cet exemple chiffré).

Dans notre modèle les salariés travaillent durant deux périodes, où ils sont respectivement jeunes et âgés (une période corresponds environ à une vingtaine d’années). Jeunes et vieux gagnent le même salaire brut, et ce salaire reste constant à travers les générations (pour faire simple). Dans le système actuel, les jeunes paient un taux de cotisation LPP plus faible que celui payé par les travailleurs âgées. Avec la réforme, le taux est égal pour les deux. Ce nouveau taux est fixé de manière à ce que l’avoir LPP d’une personne en fin de carrière soit le même dans les deux systèmes. En d’autres termes, la réforme ne change pas la générosité du deuxième pilier.

La figure ci-dessous présente l’évolution des taux de cotisations pour jeunes (en bleu) et âgés (en rouge). La réforme est mise en place à la période T. Par rapport à l’ancien système (lignes traitillées) le taux de cotisation des jeunes augmente immédiatement, alors que le taux de cotisation des âgés ne diminue qu’à la période T+1. Comme ces personnes étaient sous l’ancien système lors de leur jeunesse, elles  doivent cotiser à l’ancien taux pour préserver leur avoir.

Il y a donc clairement un surcoût temporaire à la période T, comme illustré par la figure ci-dessous. Avec la réforme (ligne continue) les cotisations augmentent, puis ensuite diminuent à un niveau plus faible que celui sans réforme (ligne traitillée). Il y a donc une baisse permanente du montant de cotisation une fois que la réforme est en place. Avec la réforme les personnes cotisent plus fortement lors de leur jeunesse. Ce capital supplémentaire génère un rendement qui permet d’atteindre un avoir de retraite donné avec moins de cotisations.

Nous pouvons montrer que le surcoût temporaire (période T) est exactement compensé par la réduction des cotisations à partir de la période T+1. En d’autres termes, la réforme ne change pas la valeur actualisée des cotisations payées par les entreprises du point de vue de la période T (la valeur actualisée considère les paiements sur toutes les périodes, prenant en compte le taux d’intérêt pour pondérer les paiements futurs). En outre, la réforme réduit la valeur actualisée des cotisations du point de vue de la période T+1, une fois le nouveau système complètement en place. Ceci reflète simplement le fait qu’avec des cotisations en début de carrière un avoir de retraite donné est plus facile à financer.

Utiliser l’emprunt pour répartir la charge

Notre exemple montre que dans l’ensemble la réforme n’entraîne pas un coût supplémentaire, car la hausse des paiements en période T est compensée par la suite. En fait la réforme ne fait que changer le timing des paiements des entreprises.

Un cas de figure avec une hausse temporaire des cotisations suivie d’une baisse permanente peut être géré par l’emprunt. Les entreprises peuvent lever sur les marchés financiers le montant nécessaire à payer la hausse temporaire des cotisations. Mais où trouveraient-elles l’argent ? Simplement auprès des caisses LPP. En effet, les cotisations supplémentaires payées en période T doivent bien être investies quelque part. Le plus simple est de le prêter aux entreprises. En d’autres termes, la réforme augmente la demande de crédit des entreprises en même temps qu’elle augmente l’offre de crédit de la part des fonds de pension. Certes la période de transition serait longue en pratique, et l’on peut douter que les entreprises puissent facilement emprunter. Mais cela peut se gérer par un fonds de compensation dans lequel les caisses de pension pourraient investir l’épargne supplémentaire et qui prêterait aux entreprises.

Au final, notre exemple montre bien que la réforme ne fait que changer le timing des cotisations payées par les entreprises. Le « surcoût » lors de la transition n’en est donc pas vraiment un. Supprimer le caractère discriminatoire du système actuel est donc faisable.

Congé parental : ne tirez pas sur le messager

En proposant un congé parental de 38 semaines la Commission fédérale de coordination pour les questions familiales (COFF) a fait son travail. Le Parlement est libre de ne pas suivre la proposition, mais à lui d’assumer alors cette décision. Ce n’est pas aux analyses techniques d’intégrer en amont le degré de volonté politique. De surcroît, le coût de la proposition est bien modique.

A chacun son métier

Le rapport de la COFF présente les leçons tirées de l’expérience internationale et contraste la situation de la Suisse par rapport aux autres pays. Le document montre bien à quel point nous sommes est en queue de peloton. Il souligne les avantages d’un congé parental, par exemple l’intégration facilitée des femmes dans la vie active. Il est important de rappeler de tels points positifs alors que la discussion tend à porter seulement sur les coûts.

Sur base de ce rapport, la COFF propose un congé de 38 semaines, pour un coût de 1 à 1.5 milliards par an. Mal lui en prend : elle reçoit en retour une volée de bois vert, les critiques trouvant le rapport trop extrême et pas assez en phase avec les rapports de force politiques.

C’est bien mal comprendre la tâche de la COFF. Son devoir est de présenter des analyses et de résumer l’état des connaissances, ni plus ni moins. Le Parlement est libre de se montrer frileux dans ses projets de loi. C’est son bon droit, et ce sera aux électrices et électeurs de réagir lors des prochaines élections si elles/ils le souhaitent. Mais le Parlement doit pleinement assumer ce choix. Il est inapproprié d’attendre de la COFF qu’elle modère ses recommandations pour des considérations de tactique politique. Comme académique je ne peux que m’insurger contre une telle forme d’autocensure.

Un peu de rationalité dans l’appréciation des coûts

Plutôt que de pousser des cris d’effroi pour un coût de 1-1.5 milliards, gardons la tête froide. Cela fait effectivement beaucoup comparé aux 823 millions du congé maternité en 2016. Mais en fait, un tel calcul ne fait que montrer le niveau limité du congé maternité existant.

Il est plus pertinent de mettre le coût en perspective avec le PIB, lequel se montait à 668 milliards en 2017. Voilà qui change la donne : le congé parental coûterait entre 0.15 % et 0.22 % du PIB, soit l’équivalent d’une demi-journée de travail par année (sur base de 52 semaines à 5 jours). Une charge insupportable ? Allons donc.

Parental leave : don’t shoot the messenger

By proposing a parental leave of 38 weeks the Swiss Federal Commission of Coordination for Family Matters (COFF) did its job. The Swiss Parliament is free not to take up the proposal, but then should take responsibility for this choice. Technical analyses should not be influenced by the degree of political willingness. On top of that, the cost of the proposal is quite low.

Everyone should focus on his task

The COFF report presents the lessons learned from international experience and put the Swiss situation in international perspective. The document clearly shows how much Switzerland lags behind. It also highlights the positive impact of a parental leave, for instance through higher labor force participation by women. It is important to point these positive aspects as the discussion tends to be only about costs.

Based on the report the COFF proposes a parental leave of 38 weeks, at an annual cost of 1 to 1.5 billion Swiss francs. It got an earful in return: critics find the report to be extreme and out of tune with the positions of the main political parties.

This reaction misunderstands the task of the COFF. Its duty is to present analyses and to sum up the state of knowledge, no more no less. Parliament is free to display limited ambition when crafting laws. That’s its right, and it will be up to the voters to react at the ballot box if they so wish. But the Parliament must then own up to its choice. It is not appropriate to expect the COFF to water down its conclusions because of tactical political considerations. As an academic I can only protest against such a form of self-censorship.

Be rational when weighting the cost

Instead of being frightened at the cost of 1-1.5 billion Swiss francs, let’s be even-headed. It is indeed a high amount compared to the 823 million spent on maternity leave in 2016. But this merely shows how limited the existing Swiss maternity leave benefits are.

It is more relevant to contrast the cost against GDP which amounted to 668 billion francs in 2017. This drastically changes the perspective: parental leave would cost between 0.15% and 0.22% of GDP, which is equivalent to half a day of work per year (based on 52 weeks of 5 days). An unbearable burden? Come on.

« Un jour sans fin » pour les finances fédérales

Et ça recommence : aux dernières nouvelles les finances fédérales devraient afficher un surplus de 2.3 milliards de francs cette année, soit 2 milliards de mieux que prévu. Voilà une décennie que l’histoire se répète.

Cette bonne « surprise » ira-t-elle encore réduire la dette de la Confédération sans que l’on pose trop de questions ? Espérons que non, car il est grand temps de dépoussiérer le frein à l’endettement.

Au risque de me répéter, je tiens à rappeler les points suivants :

  • La situation difficile des finances publiques dans les années 1990 est loin derrière nous.
  • Le frein à l’endettement doit donc être ajusté. Le patient n’est depuis longtemps plus aux urgences, il est temps de modifier le traitement.
  • La dette de la Confédération a nettement baissé et est faible (14 pourcent du PIB). La réduire encore n’apporte aucun gain économique.
  • La dette pourrait augmenter de 2 milliards par année en restant stable par rapport au PIB – ce qui est le critère économiquement pertinent.
  • Les investisseurs sont friands de la dette : ils ne demandent que 0.04 pourcent pour prêter à 10 ans, soit nettement moins que l’inflation.
  • Il y a un problème global de manque de placements sûrs, tels que la dette de la Confédération. Ceci a fait l’objet d’analyses scientifiques solides aussi bien globalement que dans le cas de la Suisse.

Il est grand temps d’ajuster le frein à l’endettement. Rembourser systématiquement la dette dans les circonstances actuelles est un gaspillage.

« Groundhog day » for Swiss public finances

Here we go again: the latest data indicate the Swiss Confederation accounts will show a Chf 2.3 billion surplus in 2018, which is 2 billion more than expected. Such positive surprises have been repeating themselves for about a decade now.

Will this « surprise » again go towards paying down the debt without asking deeper questions ? Let’s hope not, as it is about time to update the debt brake rule.

At the risk of repeating myself, let me make some key points.

  • The delicate situation of Swiss public finances in the 1990’s is long past.
  • The debt brake rule must be updated. The patient has long left the emergency room, it is time to adjust the treatment.
  • Swiss Confederation’s debt has substantially decreased and is now very low at a mere 14 percent of GDP. Reducing it further brings no economic gain.
  • Instead the debt could increase by Chf 2 billion per year while remaining steady as a share of GDP – which is the relevant economic yardstick.
  • Investors are craving Swiss debt. The only ask for a 0.04 percent yield to lend at a 10 years horizon, well below inflation.
  • There is a global issue of a shortage of safe assets, such as Swiss government debt. This has been the object of serious analyzes at the global level, as well as for the Swiss case.

It is time to adjust the debt brake. Paying down debt in the current environment is simply a massive waste.

4.1 pourcent de croissance ! On se calme

Au deuxième trimestre le produit intérieur brut américain a augmenté de 4.1 pourcent. Cela ne démontre pas du tout un éventuel succès de la politique économique du président Trump, même si le chiffre est respectable.

La croissance est volatile

Un adage de l’analyse des chiffres conjoncturels pourrait être «sur les chiffres d’un seul trimestre jamais tu ne te concentreras ». La croissance de l’économie est en effet très volatile comme le montre le graphique ci-dessous. Cela reflète toutes sortes de facteurs économiques temporaires, ainsi que l’inévitable imprécision des statistiques.

Une croissance de 4.1 pourcent (en termes annualisés) n’est de loin pas sans précédent. Lors de la présidence d’Obama l’économie a connu quatre trimestres avec une croissance supérieure à ce niveau. C’est toujours bienvenu, mais personne n’en a fait tout un plat, à juste titre.

Une perspective plus longue

Si l’on veut évaluer la performance économique d’un président, il faut alors prendre les chiffres sur la durée. Un billet précédent de ce blog l’a fait, et les graphiques ci-dessous montrent les chiffres mis à jour. Pour ce qui est de la croissance du PIB, Trump reste dans une moyenne basse par rapport aux autres présidents. La baisse du taux de chômage n’est pas spectaculaire. En fait seule la bourse se porte plutôt bien. Mais il n’y a là rien de surprenant. La forte baisse de la fiscalité des entreprises les a conduites à racheter leurs propres actions, faisant ainsi monter les cours.