Un fonds souverain pour la Confédération ?

Should the Swiss Confederation set up a sovereign wealth fund?

Rembourser la dette de la Confédération n’est pas un bon plan quand son montant est déjà bas et les taux d’intérêt négatifs. Une des alternatives serait d’investir dans un fonds de long terme – sans impliquer la BNS qui a d’autres tâches.

Les taux bas offrent une opportunité

Dans une étude publiée aujourd’hui, intitulée Le « fardeau » de la dette publique suisse : Eclairages des recherches scientifiques et pistes pour le futur, j’examine les récents travaux scientifiques sur la dette publique et applique leurs implications à la Suisse. La dette de la Confédération est à un niveau faible (moins de 15 percent du PIB), elle a nettement diminué depuis 2008, et les projections montrent une baisse supplémentaire dans les années à venir (première figure ci-dessous). Dans le même temps les taux d’intérêt sont clairement à la baisse, même pour de longues maturités (seconde figure). Actuellement le rendement d’un placement à 10 ans auprès de la Confédération est de -0.7 pourcent par année.Non seulement les taux sont bas, mais ils sont nettement en deçà du taux de croissance de l’économie. La ligne verte de la figure ci-dessous montre la différence entre le taux sur une obligation à 10 ans et la croissance du PIB (aux prix courants). Par exemple, en 2018 le taux d’intérêt était de 0.03 pourcent et le PIB a augmenté de 3.03 pourcent, donnant un écart de -3.0 pourcent. La ligne rouge présente le même calcul en considérant la croissance prévue sur les cinq prochaines années, selon le FMI. Entre 2018 et 2023 le FMI prévoit une croissance annuelle de 2.92 pourcent, ce qui donne un écart de -2.89 pourcent par rapport au taux d’intérêt.

Le taux d’intérêt et clairement plus bas que la croissance, une situation souvent observée en Suisse). Cet écart implique que si la Confédération ne fait pas de déficit, le poids économique de la dette – le ratio entre la dette et le PIB – diminue tout seul. Pour dire les choses autrement, nous pouvons stabiliser le poids de la dette tout en ayant un déficit des finances publiques. Mes estimations donnent un ordre de grandeur de 2.6 milliards par année pour le déficit que la Confédération pourrait se permettre.

Un fonds souverain ?

Que faire avec cet argent ? Bien des options peuvent être considérées : baisse d’impôts, investissement dans les infrastructures ou l’éducation, et j’en passe. Une possibilité serait d’investir ces montants dans un fonds souverain. En d’autres termes la Confédération emprunterait pour investir aussi à long terme, rentabilisant ainsi la confiance que les investisseurs ont dans notre pays. Il convient de souligner que cette stratégie implique seulement la Confédération, et pas la BNS qui est bien occupée à d’autres tâches. L’idée est donc complètement distincte des propositions de faire de la BNS un fonds souverain. Une étude récente montre que les Cantons pourraient eux aussi bénéficier d’une stratégie similaire.

Pour évaluer les rendements d’un tel fonds, je considère plusieurs options d’investissements et estime qu’un fonds pesant 10 pourcent du PIB (70 milliards de francs) pourrait rapporter entre 0.7 et 2 milliards par année. Si les estimations présentées peuvent bien entendu être affinée, l’analyse montre clairement que la stratégie actuelle de remboursement de la dette n’est pas la bonne. Après tout, rembourser la dette lorsque les marchés vous accordent un taux négatif revient à investir à ce taux négatif. On peut mieux faire.

Cédric Tille

Cédric Tille est professeur d'économie à l'Institut des IHEID de Genève depuis 2007. Il a auparavant travaillé pendant neuf ans comme économiste chercheur à la Federal Reserve Bank of New York. Il est spécialiste des questions macroéconomiques, en particulier des politiques monétaires et budgétaires et des dimensions internationales comme les flux financiers.

20 réponses à “Un fonds souverain pour la Confédération ?

  1. Je résume:
    – nous perdons nos avantages économiques (face au Luxembourg, singapour, etc);
    – nous dégringolons dans les classements internationaux;
    – notre PIB/habitant s’effondre;
    – le taux de chômage des villes (selon le BIT) explose;

    Et il faudrait doubler la dette de la Confédération pour… baisser les impôts (oui, je retiens cette seule hypothèse de votre billet) ? ! Et on fera quoi quand les taux d’intérêts augmenteront à nouveau ?

    https://m.tdg.ch/articles/27168002

    Je suis en revanche d’accord que les cantons investissent dans les infrastructures et l’école, dans le respect du fédéralisme. Mais, par pitié, vous n’allez pas centraliser certaines tâches à la Confédération juste pour lui permettre de s’endetter ou faire croire au bon peuple de gauche qu’il faut voter pour le parti des fonctionnaires et des petits bourgeois…

    1. Merci pour votre commentaire
      Si une baisse d’impôt est une des manières d’utiliser le déficit que la Confédération peut se permettre, ce n’est pas la seule loin de là. En outre, le déficit en question garde la dette stable (et basse) par rapport au PIB.
      La Confédération peut emprunter à très long terme à un taux d’intérêt fixé, et a donc le temps de “voir venir” si les taux d’intérêt repartent à la hausse. En outre, les causes de la baisse des taux depuis plus de 10 ans sont des éléments structurels peristents, ce qui fait que le risque d’une hausse est limité.
      Meilleures salutations
      Cédric Tille

  2. Les dettes des cantons et des communes croient année après année, et doivent être prises en considération. Cela pousse le ratio dette/PIB à environ 32%, énormes dettes. La France était à 26% à l’arrivée du président Mitterrand. Prendre des risques sur 70 milliards pour en gagner 0,7 à 2 milliards par an, ne vaut pas la peine. Les expositions aux marchés de la BNS, des caisses du 2ème pilier ainsi que celle de l’AVS sont déjà excessives.

    1. Merci pour votre commentaire.
      Les dettes des communes et cantons sont stables par rapport au PIB. En additionnant le tou nous obtenons effectivement un peu plus de 30% du PIB. C’est tout à fait supportable. Les taux d’intérêt que la France payait en 1981 étaient beaucoup plus élevés que ceux que la Suisse paie maintenant.
      Quand à l’exposition aux marchés, si les fonds de deuxième pilier n’y sont pas exposés, dans quoi doivent-ils alors investir? Dans des obligations de la Confédération avec un rendement négatif? Pour obtenir de bons rendement sur la durée il faut prendre du risque, c’est après tout la base du métier d’un(e) gérant(e) de fortune.
      Meilleures salutations
      Cédric Tille

      1. Ma commune est endettée à hauteur de 102 millions pour 11’000.- habitants (environ 9’500.- par tête), c’est beaucoup. Les marchés étaient bénéfiques pour les caisses mais nous allons vers des jours difficiles comme vous savez. L’Etat doit prendre ses responsabilités en offrant aux caisses LPP la possibilité de déposer des avoirs en espèces auprès de la BNS à 1% (qui est le taux de distribution obligatoire aux assurés). Merci pour votre bienveillance.

        1. Le fonds souverain, avec une hausse de la dette de la Confédération, permet aux caisses de pensions d’investir dans des obligations de la Confédération qui sont l’actif sûr qu’elles recherchent. La Confédération est ensuite libre de verse une partie des bénéfices du fonds souverain aux caisses de pension si elle le souhaite. Il n’est absolument pas nécessaire d’impliquer la BNS dans cela, ce n’est pas son mandat.
          Meilleures salutations
          Cédric Tille

  3. Et pourquoi ne ferait-on pas les deux? éteindre d’abord la dette en y mettant tous les excédents annuels des finances fédérales, et quand on n’aura plus aucune dette accumuler les excédents pour que la Confédération ait un trésor qu’elle pourrait gérer comme un fonds souverain.

    Il paraît que le canton de Fribourg n’a plus un sou de dette, et une fortune nette d’un milliard. J’ai entendu ça. Voilà de la bonne gestion gestion financière!

    Il faut suivre l’exemple de Fribourg.

    Il faut aussi baisser les impôts. On en paye trop.

    1. Merci pour votre commentaire.
      En fait faire les deux dans l’ordre que vous indiquez n’est pas une bonne option.
      Pour illustrer, prenons un exemple. Nous partons avec 10’000 de dette à 0% d’intérêt. Chaque année nous avons 1’000 de surplus. Nous pouvons également placer dans in fonds à 2%.
      Considérons deux scénarios sur 20 ans. Dans le premier, je suis votre recommendation: pendant les 10 premières années nous remboursons la dette, puis nous plaçons à 2%. Au bout de 20 ans nous avons 10’950 sur le fonds de placement et 0 de dette. Dans le second scénario nous ne remboursons jamais la dette mais investissons tout dans le fonds. Au bout de 20 ans nous avons 24’300 sur le fonds et 10’000 de dette, soit une fortune nette de 14’300. Le gain par rapport à la première option est 14’300-10’950 = 3’350.
      La stratégie à la Fribourgoise n’est donc pas une bonne approche.
      Meilleures salutations
      Cédric Tille

      1. Pas d’accord. Vous supposez que le fonds va avoir une bonne rentabilité, supérieure aux taux d’intérêt. Rien n’est moins sûr. Il peut aussi avoir des importantes pertes en capital. Les marchés financiers peuvent s’effondrer, ou décliner pendant des années. Et les taux d’intérêt peuvent remonter. Donc il ne faut pas financer ce fonds sur dette.

        Remboursons d’abord intégralement la dette et ensuite seulement laissons s’accumuler petit à petit les excédents pour créer un nouveau trésor de Berne. C’est plus sûr. Tout ce qu’on risque c’est un délai de quelques années d’ici à l’apurement complet des dettes. 10 ans de plus ou de moins, c’est sans importance.

        1. Un fonds investi à long terme dans un portefeuille actions-obligations aura une meilleures rentabilité que des obligations de la Confédération. Cette prime de risque est un fait bien établi en finance.
          On peut bien sur investir sans risque, mais à un prix élevé. Cela reviendrait à placer ses cotisations de 2ème pilier en cash. Le risque sera zéro, mais la retraite bien chiche.
          Meilleures salutations
          Cédric Tille

          1. Je comprends l’argument. C’est vrai que sur le long terme les actions permettent de réaliser plus de gains en capital que les obligations, mais justement à long terme. À court terme celà peut être l’inverse et alors si celà se produisait avec votre fonds souverain, politiquement vous vous trouveriez soumis à de fortes attaques de la part des détracteurs du projet, vous reprochant de spéculer avec la “fortune du peuple”. Et ces attaques auraient du succès. Celà pourrait aller jusqu’à causer l’échec de tout le projet. C’est donc politiquement dangereux.

            Notez je ne suis pas contre votre idée en principe. Si effectivement le but est d’assurer de meilleures retraites pour nos concitoyen(ne)s, c’est une idée intéressante. Mais c’est risqué politiquement.

            Admettons que votre suggestion soit acceptée par le monde politique, vous vous rendez compte de l’impact de ce fonds gigantesque dans les marchés financiers. Pas facile à manier. Là aussi cela posera des problèmes, tant de gestion que politiques.

            Premier problème que je vois: dans quelle sorte d’actifs allez vous investir? D’un côté il y aura une forte exigence pour que vous ne choisissiez que des placements “mündelsicher”. Alors lesquels? Dès que vous jetterez votre dévolu sur un type d’actif vous en ferez monter le prix mécaniquement tant votre force de frappe sera grande. On le voit déjà avec les fonds de prévoyance qui sont obligés d’investir dans l’immobilier en Suisse. Plaçaient de pere de famille. Oui mais le problème c’est que ça fait monter les prix des logements, ce qui va à l’encontre du but recherché qui est d’améliorer la vie des Suisses modestes. Vous aurez beaucoup de problèmes de ce genre. Si vous choisissez d’investir dans des actions de très grandes sociétés multinationales de la taille de Nestlé, Novartis, et sociétés étrangères de taille comparable, car seuls ces titres ont une liquidité et un volume de transactions suffisant permettant d’opérer des achats et des ventes sans trop de remous, eh bien on vous reprochera de favoriser les multinationales, le grand capital, etc. Et je ne parle pas des innombrables écolos, qui hurleront si un jour vous achetez des actions d’une entreprise pétrolière, ou nucléaire, même si leur rendement est excellent, de la Déclaration de Berne qui hurlera si vous achetez des actions de Glencore ou autres, des anti-armes qui vous interdiront d’investir dans des sociétés d’armement, des féministes qui ne voudront pas certains investissements non plus. Vous serez en permanence surveillé et harcelé par toutes sortes de groupes quérulents qui vous reprocheront toujours tout, quelles que soient vos décisions.

            Le projet d’un fonds souverain pourrait aussi avoir une autre finalité, louable: celle de favoriser l’innovation, la création d’emplois, l’encouragement aux startups. Mais là aussi c’est ouvrir une boîte de Pandore. Non seulement parce que vous aurez un vol de sauterelles de gens remuants à la Fathi Derder qui viendront vous enjoindre de financer toutes sortes de stratups, dont beaucoup foireuses. Ca ne sera pas facile de vous débarrasser de tous ces fâcheux, ayant chacun don idée fixe. En plus, prenons l’exemple du canton de Fribourg qui a un milliard cash, il pourrait décider d’en utiliser une partie pour financer des créations d’entreprise dans le canton de Fribourg, et donc des créations l’emplois. Ce serait une idée magnifique. Oui mais, quel risque! Car sur 10 projets d’entreprises intéressants, peut-être que seulement 3 auront du succès et 7 vont échouer. Il y aura forcément un déchet assez important. Bien sûr les 3 qui réussiront compenseront les pertes des 7 autres, du moins c’est à espérer. Mais comment, politiquement, justifier les échecs? D’autant qu’il s’agit d’argent provenant d’excédents d’impôts payés par le peuple.

            Je suis partagé. D’un côté votre idée me séduit, mais d’un autre côté je vois énormément de problèmes très difficiles à gérer. Ne serait-ce le fait que si vous vous lancez dans le capital risque ou le private équity vous vous apercevrez que ce n’est pas une tâche que l’on puisse confier à l’état. Et si vous la confiez à des gérants de fonds professionnels, sur la base de quels critères et quel cahier des charges choisirez-vous les gestionnaires? Ce seront des dilemmes sans fin. Et il y aura des dérapages. J’ai été gérant de fortunes. Je recevais la visite de beaucoup de brokers américains qui me proposaient des titres très attractifs, mais risqués. Quelquefois je me suis fait avoir. Je me souviens que l’un de ces brokers particulièrement véreux disait toujours devant moi: maintenant je dois encore aller voir mon meilleur client en Valais. Ca a piqué ma curiosité et je lui ai tiré les vers du nez. J’ai fini par apprendre qu’il y avait en Valais un gérant du fonds de placement des instituteurs qui spéculait ferme et prenait souvent des titres foireux sur lesquels il recevait des dessous de table. Plus tard il y a eu un énorme scandale en Valais quand ce fond de placement des instituteurs a fait des pertes injustifiables. Le bonhomme a fini en prison. Bon vous me direz que c’était en Valais et il y a vingt ans. Aujourd’hui ça ne pourrait pas arriver. OK! Mais on ne sait jamais.

            Donc je suis perplexe. Je trouve que c’est très révélateur que quelqu’un comme vous préconise un fonds souverain. Celà fait partie d’un trend, je pense. Et je ne dis pas que ce ne soit pas une idée intéressante. Mais je vois toute une série de problèmes.

          2. Merci pour ce commentaire intéressant et détaillé.
            Je suis tout à fait d’accord que le fonds souverain pose plusieurs défis. Il y a notamment celui de la gouvernance, que je discute dans l’étude. Pour faire court, il faudrait une structure similaire à celle des banques centrales: mandat explicite donné par le politique, indépendance d’éxecution dans le cadre du mandat (et donc protection contre les multiples suggestions d’investir ici ou la), devoir de rendre compte régulièrement. Ce n’est pas trivial à mettre en place, certes, mais je suis d’avis que ce n’est pas impossible.
            Cela dit, je conçois que le politique puisse trouver que le jeu n’en vaut pas la chandelle vu le travail de mise en place de l’institution. Je n’ai pas une vision “religieuse” du fonds souverain et peux tout à fait comprendre qu’on y renonce. Cependant, j’insisterais que dans ce cas on renonce également à “suggérer” régulièrement à la banque centrale de le faire. Si le politique pense que le fonds est une bonne idée, alors qu’il prenne ses responsabilités et le fasse.
            Au cas où nous choisissons de ne pas faire le fonds, la question de l’affectation des excédents de la Confédération demeure (c’est le premier point de l’étude). Actuellement nous remboursons la dette, alors que les investisseurs nous supplient de ne pas le faire en étant prêt à payer la Confédération pour cela. Comme indiqué dans le blog la dette peut être stable et faible par rapport au PIB tout en ayant un déficit que j’estime à 2.6 milliards par ans. On peut débattre de savoir si ce déficit doit prendre la forme de réduction d’impôts ou de dépenses supplémentaires, mais je n’arrive pas à croire que ces options auraient un rendement (financier ou non-financier) de moins de -0.7%, taux actuel sur le 10 ans de la Confédération.
            Meilleures salutations
            Cédric Tille

          3. Oui c’est une idée vraiment intéressante. Mais à mon avis, pour trancher tous les noeuds gordiens liés aux inévitables conflits d’intérêts, il faudrait que la Suisse se transforme en une une sorte de dictature entrepreneuriale du style de Singapour.

            Dans la démocratie que nous avons actuellement, ça risquerait de ne pas marcher. Mais il y a des tendances qui font leur chemin en profondeur et silencieusement. L’idée n’est pas contraire au génie helvétique et c’est très curieux qu’elle soit portée par un économiste généralement considéré comme plutôt de gauche. Cette idée finira peut-être par s’imposer.

            Personnellement je ne serais pas forcément opposé à cette évolution autoritaire de politique économique, à condition qu’on maintienne la démocratie directe comme correctif.

            J’aimerais quand même bien savoir, dans les très grandes lignes, dans quels types d’actifs, et dans quelles proportions, ce fond souverain devrait investir:

            Immobilier ? (En Suisse? Internationalement? Attention aux effets collatéraux!)
            Dette de la Confédération et des Cantons?
            Métaux précieux?
            Actions cotées en bourse? ( De sociétés uniquement suisses ou internationales?)
            Nouvelles créations d’entreprise? Startups?
            Brevets et procédés développés avec l’aide de l’argent des contribuables suisses par les EPF?

            Si le but est que les pouvoirs publics se transforment en Warren Buffett collectifs pour accumuler des gains en capital avec l’argent du peuple, et ainsi assurer les rentes à long terme, on entre dans un tout nouveau paradigme, jamais vu depuis peut-être l’Ancien Régime et certaines institutions comme le Kaufmännisches Direktorium de Zurich au XVIIe et XVIIIe siècles.

            Selon moi c’est une idée anti moderne et illibérale, paternaliste dans un certain sens, qui abolirait la distinction traditionnelle entre le privé et le public. C’est ce qui la rend très intéressante intellectuellement.

            On pense aussi au fonds souverain de la Norvège, conçu pour assurer le welfare state à long terme grâce aux revenus du pétrole. Sauf que là, comme on n’a pas de pétrole, on le remplace par le savoir faire traditionnel d’un pays de banquiers.

            Curieux, vraiment très curieux. Mais intéressant.

            Dernier point. Si on crée un tel fonds souverain, et que rapidement ses avoirs excédent l’encours de la dette publique, on ne voit pas pourquoi il serait utile de conserver encore une dette publique. Il suffirait à un moment donné de l’apurer d’un coup, en la transférant à la charge du fonds, comme une sorte de crédit lombard pour avoir un effet de levier sur les investissements. Cela deviendrait dès lors une décision du fonds souverain suisse d’augmenter ou diminuer ce levier selon l’appréciation qu’on ferait des perspectives du marché. Mais l’état lui-même n’aurait plus de dette du tout.

            Ce que je pense c’est qu’il existe une sorte de dogme chez les économistes académiques selon laquelle un état sans dette publique serait inconcevable. Et il vous est mentalement impossible de révoquer en doute ce dogme.

          4. Cher Monsieur,
            Merci pour votre commentaire. Je ne suis pas d’avis qu’un fonds souverain ne puisse pas marcher dans une démocratie (cela fonctionne en Norvège), surtout dans un pays comme la Suisse où la population sait se montrer responsable sans tirer la couverture à soi aux dépends des autres (connaissez-vous un autre pays où 2 semaines de vacances payées ont été refusées ?).
            Le portefeuille du fonds pourrait être assez standard avec un mix d’actions et d’obligations d’entreprises (pas des Cantons ou de la Confédération, car cela reviendrait à racheter la dette émise) avec une part assez large de placement étrangers. En fait, un portefeuille de fonds de pension. On peut discuter sur les pondérations et le profil de risque, notre pays ne manquant après tout pas d’expertise dans la gestion de fortune.
            On peut bien sûr se demander pourquoi l’Etat ferait cela plutôt que le privé. Le point clef est que l’Etat a un avantage sur le privé : le temps (comme l’avait souligné M. Roth en 2008 lors de l’affaire UBS) et les reins solides. Il peut donc émettre la dette que le privé recherche comme placement sûr, et prendre sur lui le risque d’investissement en attendant les rendements de long terme. Est-ce anti-libéral ? Pas selon ma définition, mais quand bien même « so what » ? Le mécanisme économique est clair, et je préfère être pragmatique que d’être bloqué par des étiquettes.
            Je vois que je suis considéré plutôt de gauche. Si vous voulez me mettre une étiquette, puis-je suggérer « pragmatique » ? Mon approche est de regarder les données, de raisonner, et d’aller aux conclusions sans a priori. Je pense par exemple que mes commentaires sur le revenu de base inconditionnel n’était pas vraiment « de gauche ».
            Meilleures salutations
            Cédric Tille

  4. Excellente analyse et recommendation de Cédric.

    Ce fond devrait être dédié principalement pour soutenir le premier pilier du système de retraite (AVS), ce qui refléterait une redistribution de rendement de richesses à tous ceux qui ont travaillé pour les créer. Un fond d’utilité sociale dans la ligne des initiatives suisses du XIX qui ont permis la création dune couverture pour les plus âgés. (ref: https://www.histoiredelasecuritesociale.ch)

    1. Cher Olivier,
      Merci pour votre commentaire. Le fonds pourrait aider l’AVS, cependant je pense qu’il faudra quand même passer par d’autres mesures (âge de la retraite, hausse des cotisations, hause de la TVA).
      Meilleures salutations
      Cédric

    2. Et Monsieur Vavasseur n’a pas écouté Macron…

      Les actifs de hier ont payé les prestations AVS des rentiers de hier, mais n’ont pas fait suffisamment d’enfants et dilapider leur héritage;

      Les actifs d’aujour’hui doivent payer les prestations AVS des actifs de hier, mais n’ont plus aucun espoir de percevoir qqch à leur retraite;

      Et vous voudriez que les actifs d’aujour’hui supportent en plus le fardeau d’un fonds souverain pour améliorer les prestations de ceux qui ont détruit leur héritage, la planète et les équilibres en Suisse??? Quel aplomb! La moindre des choses seraient que ce fonds souverain soit payé par les rentiers d’aujourd’hui qui ont consommé toute leur vie l’avenir de la Suisse, de la planète et de l’humanité. A quand une taxe pour réparer les crimes d’eccocide et d’égoïsme?!!

      1. Cher Monsieur,
        Tout d’abord permettez moi de relever que nous pouvons avoir une discussion, même sans être d’accord, sans pique envers les autres personnes faisant part de leur avis.
        Je ne partage pas l’avis que l’AVS est irrémédiablement perdue. En l’état actuelle elle va certes vers des déficits croissants, mais les ajustements nécessaires pour la remettre sur le rails ne sont pas insupportabls (même s’ils ne sont pas agréables).
        L’analyse que j’ai rédigée montre précisément qu’un fonds souverain ne serait pas un fardeau. C’est tout le contraire: la confiance dans la Suisse permet d’emprunter à bon compte, de placer, et de bénéficier de la marge. C’est plutôt une bonne nouvelle pour les jeunes d’aujourd’hui et de demain.
        Pour ce qui est de taxer les rentiers, je relève que les études sur la pauvreté en suisse montre que les personnes n’ayant que l’AVS sont un des deux groupes les plus touchés (l’autre étant les familles monoparentales). En outre, si nous voulons faire les comptes entre générations, alors incluons le coût de la formation payé par les plus agés au bénéfice des plus jeunes.
        Et pour finir, pour l’environnement, il n’y a pas besoin d’essayer de me convaincre pour la taxe CO2. J’y suis favorable.
        Meilleures salutations
        Cédric Tille

  5. La FED lutte à coup de milliards en ce moment, en prêts aux banques au jour le jour (Repo) pour empêcher les taux d’augmenter. Mais aucune force ne peut plier le marché, qui reprendra le dessus tôt ou tard, et si les taux augmentent subitement et beaucoup, le ciel financier risque de nous tomber sur la tête Car l’humanité n’a jamais été endettée à ce point ; 3 fois le PIB mondial entre Etats, entreprises et personnes physiques. Suis favorable à la création d’un Fond souverain par le CF en confisquant 80% des devises que la BNS avait achetées. Le marché prendra peur et le CHF faiblira substantiellement.

    1. Cher Monsieur Hanna,
      Si je soutiens l’idée d’un fonds souverain pour la Confédération, nul besoin de recourir à des confiscations, qui plus est serait au final une confiscation des contribuables suisses contre eux-mêmes.
      Certes un évênement aussi chaotique réduirait l’attrait du franc. Mais la politique économique peut être conduite sans donner de grands coups dans les institutions.
      Meilleures salutations
      Cédric Tille

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