Les intérêts sur la dette fédérale ne sont qu’une faible charge

(english text below)

Le budget de la Confédération est un point majeur de la session d’hiver du Parlement et suscite de forts débats. Un point soulevé par les partisans d’une réduction de la dette est que celle-ci coûte 1.5 milliards d’intérêts chaque année. Ils soulignent qu’une dette plus basse permettrait de réaffecter cette somme à d’autres dépenses, comme l’AVS.

L’argument est séduisant à première vue, mais en fait erroné. Une petite mise en perspective tout d’abord. La figure ci-dessous montre les dépenses financières de la Confédération depuis 1990 en milliards (ligne rouge) et en pourcent des dépenses totales (ligne bleue). Deux aspects sautent aux yeux. Premièrement les intérêts sur la dette ne sont qu’une toute petite partie des dépenses (2.3% en 2015) et n’empêchent aucunement la Confédération d’entreprendre d’autres dépenses qu’elle jugerait utiles. Deuxièmement le coût de la dette a chuté depuis dix ans grâce à la baisse des taux d’intérêt, et la baisse de la dette. Nous sommes passés de près de 4 milliards en 2006 (7.5% des dépenses) à 1.5 aujourd’hui, soit une baisse de 60%. Notons en passant que cette économie n’a pas conduit à plus de générosité dans d’autres postes comme l’AVS.

L’argument d’économiser sur la dette à tout prix n’a en outre pas de sens d’un point de vue économique. Le coût de la dette est le prix à payer pour pouvoir investir sans attendre, et donc bénéficier du fruit des investissements plus tôt. Il en va de même pour une entreprise ayant des opportunités d’investissements attrayantes. Souscrire un prêt bancaire lui permet de les réaliser. Elle doit certes payer les intérêts sur le prêt, mais le jeu en vaut la chandelle. Il n’aurait aucun sens d’exiger d’une entreprise avec de bons projets dans ses cartons qu’elle les laisse de côté pour d’abord payer ses dettes. Il en va de même pour la Confédération.

En outre, rappelons que les taux d’intérêts sont particulièrement bas, et même négatifs (-0.14% pour les obligations à 10 ans de la Confédération). Les marchés sont en d’autres termes prêts à subventionner les emprunts. C’est donc en fait la réticence à emprunter qui constitue une politique non-responsable.

 

The interest payments on Swiss federal debt are only a moderate cost

The Swiss Confederation’s budget is a major item on the agenda of the ongoing Parliament winter session with active debates. One point raised by supporters of a debt reduction is that it costs 1.5 billion annually in interest payments. They stress that a lower debt would leave this money available for other spending, such as supporting the AVS retirement system.

At first this seems a sensible point, but it is in fact off the mark. Let’s start by recalling some facts. The chart below shows the financial expenditures of the Confederation since 1990 in billion francs (red line) and as a percentage of overall expenditures (blue line). Two points are strikingly clear. First the interest payments are only a very small part of the total expenditures (2.3 % in 2015) and thus not a burden preventing the Confederation from undertaking other expenditures that it would deem necessary. Second the servicing cost of the debt has been falling since ten years thanks to lower interest rates and a debt reduction. We have moved from nearly 4 billion in 2206 (7.5% of expenditures) to 1.5 today, a massive reduction by 60%. By the way, none of this savings have led to more generosity in other categories of spending such as the AVS retirement.

Furthermore the narrow focus on lowering interest payments does not make sense from an economic perspective. The cost of a debt is the price to pay to be able to invest without waiting, and thus reap the benefits of the realized investments earlier. Let’s think about a firm that has profitable investment opportunities. Taking a loan allows it to realize them. Of course the firm has to pay interest on the loan, but it is well worth it. It would make no sense to require a firm with good projects in its portfolio to shelve them and instead pay down its debt. The same goes for the Confederation.

Finally, it is worth recalling that interest rates are very low, and even negative (-0.14% on ten-year Swiss Confederation bonds). In other words markets are actually willing to subsidize the government. A policy of not borrowing is actually the one that is not sensible.

Cédric Tille

Cédric Tille est professeur d'économie à l'Institut des IHEID de Genève depuis 2007. Il a auparavant travaillé pendant neuf ans comme économiste chercheur à la Federal Reserve Bank of New York. Il est spécialiste des questions macroéconomiques, en particulier des politiques monétaires et budgétaires et des dimensions internationales comme les flux financiers.