La réaction des marchés à Trump : le calme avant la tempête ?

(english text below)

Bien que l’élection de Donald Trump soit une surprise majeure, les marchés la prennent avec un certain détachement. Après une brève phase de panique la bourse est en hausse, le dollar se renforce (même si cela tient plus aux commentaires de Janet Yellen), et la volatilité reste faible malgré une hausse des indicateurs d’incertitude de politique économique.

Faut-il en déduire que sur le plan économique cette élection ne change rien ? Ce serait là une conclusion prématurée, car le calme reflète un certain équilibre – pour l’instant – de facteurs opposés. Tout d’abord le manque de plan économiques précis laisse toutes les options ouvertes. Face à une telle incertitude, les entreprises pourraient prendre une attitude attentiste pesant sur l’investissement. Ceci est compensé par l’annonce d’un substantiel programme d’investissement dans les infrastructures, qui en ont bien besoin. Un tel programme est particulièrement porteur de croissance dans la situation actuelle où la Fed garderait son calme face à une éventuelle montée de l’inflation. En fait Barack Obama aurait volontiers adopté cette politique si seulement il n’avait pas été contrecarré par un Congrès obstructionniste. Avant de se réjouir attendons cependant de voir en quoi ce programme consistera. Il pourrait en effet se limiter à des partenariats publics-privés où le rôle de l’état se bornerait à des incitations fiscales. La montagne risque donc d’accoucher d’une souris.

Un autre pan du programme économique est une réduction substantielle des impôts pour les hauts revenus, ce qui est une idée fixe des républicains depuis des années. Cette politique ne stimulera que peu la croissance, car l’argument de « l’économie de ruissellement » (trickle down economics) postulant que les hauts revenus augmenteront leur consommation et créeront des emplois est une vue de l’esprit. L’expérience de l’Etat du Kansas est parlante. Le Gouverneur a adopté cette politique depuis deux ans, et le seul résultat est une plongée dans le déficit des finances publiques.

Concernant le rôle économique du gouvernement à plus long terme, l’accent est mis sur le soutien des secteurs comme l’acier ou les énergies fossiles. Non seulement ceci ne ramènera pas les emplois bien payés aux Etats-Unis, mais en outre l’orientation est complètement à l’inverse du développement des énergies renouvelables qui est la stratégie d’avenir. C’est un peu comme si au début du 20ème siècle les autorités avaient soutenus les fabricants de diligences mis à mal par le développement de l’automobile.

Enfin, si la composition de l’équipe économique de Trump n’est pas encore connue, celle de son équipe de sécurité et d’affaires étrangères l’est et ne présage rien de bon. Les faucons y sont bien représentés, ce qui accroît le risque d’une future crise de politique étrangère, laquelle plombera l’activité économique.

 

The market reaction to Trump : the calm before the storm ?

While the election of Donald Trump has been a major surprise, markets seem to take it with calm. After a brief moment of panic, the stock market is up, the dollar stronger (though this is likely to be driven more by Janet Yellen’s recent comments), and volatility remains low despite the increase of indicators of economic policy uncertainty.

So you we conclude that economically speaking this election is a non-event? That would be premature, as the calm reflects a certain balance – for now – between offsetting factors. First, the lack of a clear economic plan leaves all options open. This uncertainty could lead firms to take a wait-and-see attitude and postpone investment plans. This is offset by the announcement of a sizable public infrastructure investment plan, which is sorely needed. Such a plan is particularly valuable in the current situation as the Fed will likely react with poise to any inflationary pressure. In fact Barack Obama would have gladly adopted such a policy if only he hadn’t been confronted to an obstructionist Congress. Before rejoicing we should however want to see the specifics of the plan. It could take the form of public-private partnerships where the role of the government would be limited to grant tax breaks to investment, with little effect. All the hype could thus lead to little in the end.

Another facet of the economic program is a sizable tax cut for high incomes, which is an obsession of the republican party. This will provide little benefits for growth, as the “trickle down economics” view that affluent households will increase their spending and create jobs does not have empirical support. The case of Kansas provides a clear illustration. The Governor has been following this policy for two year, and the only results is a dive of public finances into deficits.

In terms of long term economic policy, the emphasis is put on supporting sectors such as steal and fossils energies. Not only will this not bring good paying jobs back to the United States, it shows a path completely opposite to the development of renewable energies, which are the way of the future. It is as if at the beginning of the 20th century the government had supported the makers of horse-drawn carriages as they were threatened by the rise of the automobile.

Finally, while the composition of Trump’s economic team is not yet known, that of his security and foreign affairs team is, and it does not bode well. Hawks have a prominent presence, which raises the risk of a future foreign policy crisis which would substantially weight on economic activity.

Cédric Tille

Cédric Tille est professeur d'économie à l'Institut des IHEID de Genève depuis 2007. Il a auparavant travaillé pendant neuf ans comme économiste chercheur à la Federal Reserve Bank of New York. Il est spécialiste des questions macroéconomiques, en particulier des politiques monétaires et budgétaires et des dimensions internationales comme les flux financiers.