Le coût d’AVS-plus : Yes, we can.

(english text below)

L’argument majeur des opposants à l’initiative AVS-plus est son coût. Celui-ci sera de 4 milliards dans l’immédiat et atteindra 5.5 milliards en 2030. A cela il faut ajouter le renforcement de l’AVS qu’il faudra de toute manière effectuer (7 milliards) pour une facture totale avec l’initiative de 12.5 milliards de francs d’ici à 2030.

Voilà qui semble énorme, mais rappelons qu’à l’échelle d’un pays les chiffres à plusieurs zéros sont très courants. Mettons donc les choses en perspective. Le produit intérieur brut se montait à 639 milliards en 2015 et devrait atteindre 850 milliards en 2030 si nous extrapolons les projections du Seco (1). L’initiative AVS-plus coûtera donc 0.63 pourcent du PIB dans l’immédiat (= 4 / 639) et 0.65 pourcent d’ici à 2030 (= 5.5 / 850). Les 12.5 milliards du coût de l’initiative et du renforcement déjà prévu représenteront eux 1.47 pourcent du PIB en 2030.

Ce coût n’est pas négligeable, mais il ne représente de loin pas un fardeau qui briserait les reins de notre économie. La question n’est donc pas de savoir si nous pouvons payer AVS-plus, mais bien si nous le voulons.

Le renforcement du premier pilier est de plus justifié au regard de l’évolution de l’environnement économique global. Nous assistons depuis le milieu des années 1990 à une nette baisse du rendement des actifs financiers, comme le montre bien la baisse des taux d’intérêt. C’est une tendance de fonds et il est probable que dans les années à venir les rendements resteront bas. Ce développement structurel est au cœur du débat actuel entre économistes sur la « stagnation séculaire » (pour reprendre les termes de l’ancien ministre américain des finances Lawrence Summers). Dans ce contexte les deuxième et troisième piliers perdent de leur attrait car ils reposent sur des rendements financiers qui seront plus difficiles à générer (à moins d’accroître la prise de risque). Un déplacement du curseur vers le premier pilier est tout à fait justifié d’un point de vue économique.

Il ne s’agit pas de nier que le vieillissement de la population demande un ajustement du système de la prévoyance en Suisse vers hélas moins de générosité. La question porte sur la répartition du fardeau. Le premier pilier n’étant de loin pas généreux, il est juste d’épargner les revenus les plus bas. La hausse des rentes AVS considérée dans la réforme globale de la prévoyance adoptée du Conseil des Etats allait du reste dans ce sens. Cependant, le débat parlementaire glisse clairement vers une mise de côté de cette compensation.

Le 25 septembre nous devrons donc décider si nous voulons plus de solidarité dans notre système de retraite. Ce ne sera pas gratuit, mais la Suisse peut se le permettre.

(1) L’extrapolation considère une croissance annuelle du PIB nominal (qui est la mesure pertinente ici) de 1 pourcent en 2016 et 2 pourcent par la suite.

 


The cost of AVS-plus: Yes we can.

The main point of the opponents to the AVS-plus initiative on which the Swiss will vote on September 25th is its cost. It amounts to 4 billion Swiss franc per year at the beginning, rising to 5.5 billlion in 2030. To this we can add the cost of strengthening the AVS pay-as-you-go system that will have to be paid anyway (7 billion) for an overall bill of 12.5 billion with the initiative by 2030.

This seems a enormous amount, but keep in mind that at the scale of a country figures with many zeros are quite common. Let's thus put things in perspective. Swiss gross domestic product was 639 billion in 2015 and should grow to 850 billion in 2030 if we extend the forecasts by the Swiss secretariat for economics (1). The AVS-plus initiative would thus cost 0.63 percent of GDP to begin with (= 4 / 639) and 0.65 percent by 2030 (= 5.5 / 850). The 12.5 billion cost if we include the AVS strengthening already planned amounts to 1.47 percent of GDP by 2030.

This is by no means a small amount, but it is far from a burden that would break the back of the economy. The question is thus now whether we can pay for the AVS-plus initiative but whether we want.

The strengthening of the first pillar (pay-as-you-go) system is furthermore warranted by the changing global economic environment. Since the mid-1990s we see a clear downwards trend in the yield of safe financial asset, as the steady decrease of long interest rates shows. This is a long trend and it is likely that in coming years yields will remain low. This structural trend is at the heart of the "secular stagnation" debate in economics (to paraphrase the forme US Treasury secretary Lawrence Summers). In this situation the second and third pillar of the retirement system (based on capitalization) loose some of their appeal as they rely on financial returns that will be harder to deliver (unless one raises the risk profile of the portfolios). A rebalancing towards the first pillar is justified from an economics standpoint.

The point is not to pretend that population aging does not require a reform of the Swiss retirement system towards, unfortunately, less generosity. The question is about the sharing of the burden. The first pillar is far from generous and it is fair to protect the lower end of the income scale. The increase of the AVS pensions that had been considered as part of the overall reform by the Swiss Conseil des Etats (senate) was precisely motivated by this. However the debate in parliament is clearly moving towards putting such an offset aside.

On September 25th we will have to decide whether we want more solidarity in our retirement system. It won't be for free, but Switzerland can afford the cost.

(1) The forecast takes an annual growth of nominal GDP (the relevant measure here) by 1 percent in 2016 and 2 percent thereafter.

Cédric Tille

Cédric Tille est professeur d'économie à l'Institut des IHEID de Genève depuis 2007. Il a auparavant travaillé pendant neuf ans comme économiste chercheur à la Federal Reserve Bank of New York. Il est spécialiste des questions macroéconomiques, en particulier des politiques monétaires et budgétaires et des dimensions internationales comme les flux financiers.