Insomnie : je me réveille à 3 ou 4 heures du matin…

Le mode de vie moderne est très exigeant, se coucher tard pour profiter de notre temps libre, se lever tôt pour le travail, quelles que soient la saison et la lumière du jour. Alors, lorsque nous nous réveillons la nuit, nous craignons de ne pas dormir suffisamment et d’être trop fatigués pour assumer nos obligations du lendemain. Cette attitude tendue et inquiète nous empêche de nous rendormir !

Se réveiller la nuit est normal !

Interpréter le réveil nocturne comme un trouble du sommeil est récent. L’historien Roger Ekirch nous rappelle que ce que nous considérons comme normal : « dormir d’un bloc continu de huit heures » est apparu à la révolution industrielle, avec l’arrivée de l’éclairage artificiel et des horaires de travail imposés. Les nouvelles exigences de notre société productive ont réduit notre vision de ce qui devrait être un bon sommeil.

En réalité, la physiologie de notre sommeil est diversifiée, colorée et vivante ! Notre organisme profite de l’absence d’activité pour se régénérer et se réparer, le cerveau digère nos émotions, réorganise et consolide nos apprentissages.

Une nuit de sommeil comporte deux grandes phases séparées par un potentiel moment de réveil. Une première tranche de sommeil lent et récupérateur et une seconde partie comportant un sommeil paradoxal activés de rêves. Entre deux, une possibilité de réveil. Ce moment de veille nocturne était utilisé à bon escient par nos ancêtres : entretenir le feu, faire un tour de garde contre d’éventuels prédateurs, boire ou manger quelque chose, nourrir les bébés, prendre soin des animaux, raconter des histoires, prier, vivre un moment d’intimité… Et, grand avantage de notre vie d’autrefois, nous avions l’habitude de vivre dans l’obscurité : un clair de lune, les braises d’un feu, la flamme d’une bougie, la douceur de ces sources de lumière facilitait la relaxation et le rendormissement.

Aujourd’hui, non seulement nous n’interprétons pas le réveil nocturne comme un bénéfice, mais en plus la lumière électrique agresse notre organisme, le smartphone ou tout écran quel qu’il soit déboussole notre horloge biologique. Le rythme circadien (veille-sommeil) est très sensible, un simple coup d’œil à l’heure sur un écran lumineux risque de le dérègler.

Apprivoiser cet espace-temps calme dans l’obscurité

Les études sur le rythme circadien montrent que la nuit nous sommes baignés dans un élixir d’hormones (sérotonine, prolactine, etc.) qui favorise un état de conscience très différent de notre conscience diurne : l’imagination, le rêve, la créativité sont très accessibles, contrairement à la réflexion analytique et rationnelle qui est atténuée. Durant la nuit, nous pouvons bénéficier de cette hyper créativité comme elle peut se retourner contre nous : les ruminations inquiétantes ont tendance à circuler librement dans notre esprit. Nous sommes capables d’imaginer les pires scénarios catastrophes et scènes d’horreur absurdes.

Et si, plutôt que de nous inquiéter, nous considérions ce réveil nocturne comme un accès privilégié à nous-même ? Un accès facilité à une conscience plus profonde, à notre vulnérabilité, nous devenons comme perméables à une sensibilité créative. C’est une chance d’explorer notre vie intérieure autrement, d’imaginer et d’inventer libérés de la censure cognitive !

Nous pouvons préparer à l’avance une activité douce ou créative que nous choisissons de faire si nous avons le temps et l’occasion durant la nuit… (peut-être que nous allons même nous réjouir de nous réveiller la nuit !)

En cas de réveil nocturne, plutôt que de chercher à nous rendormir à tout prix, acceptons d’être réveillés, prenons-le comme une opportunité : la vie nous offre un moment rien que pour nous ! Nous pouvons nous lever et nous installer dans un fauteuil confortable avec une lumière tamisée, dans une activité douce, laissons-nous vivre cette disponibilité intérieure…

Dans cette tranquillité, il est probable qu’un accès au sommeil revienne, comme une fenêtre qui s’ouvre à nouveau, nous nous recouchons tranquillement et repartons pour une nouvelle période de sommeil. Si ce n’est pas le cas, soyons rassurés d’avoir au moins dormi cette première phase de sommeil lent et profond essentielle à notre récupération.

(En complément à cet article, lisez : « Le cercle vicieux de la fatigue »)

Et aussi : “savoir dormir est une compétence”