J’ai « perdu mon âme » dans mon travail lorsque…

Extraits de témoignages, recueillis par Catherine Vasey. Un grand merci à toutes les personnes qui ont partagé leur expérience !

J’ai « perdu mon âme » dans mon travail lorsque…

 « Mon collègue ferme les portes arrière de l’ambulance. Je m’assois sur le siège “capitaine” à la tête de la patiente, pour surveiller ses voies aériennes. Elle est en surpoids et il nous est impossible de la mettre en PLS (position latérale de sécurité) sur notre brancard. Soudainement elle commence à s’agiter en tournant la tête à droite et à gauche. Tenant le vomibag de la main gauche, je le plaque avec force sur son visage avec la main droite vers le côté gauche, pour qu’elle ne vomisse pas partout. La jeune patiente très alcoolisée ne remarque rien de mon geste.  Moi, je regarde ma main droite bleue gantée avec effroi et consternation. Ce n’est pas ainsi que je souhaite prendre soin des personnes. Pendant que je relâche la pression, je me souviens avec soulagement que j’ai déjà démissionné de mon poste… »

« Je travaillais dans l’industrie, je dessinais des machines pour trier les carottes et les patates. L’objectif était de construire une machine qui élimine les carottes peu présentables : si ce n’est pas parfait, cela ne se vend pas ! Alors que dans ma vie, j’essaie de construire une vie responsable… au niveau écologique… »

« En tant que jeune médecin, j’avais une idée naïve de ce que mon travail serait. J’ai dû travailler à l’encontre de mes valeurs : un rythme inhumain, coupée du patient pour effectuer du travail administratif. Les procédures administratives et le rendement poussés à l’extrême. Si tu veux prendre du temps pour soigner vraiment les gens, tu dois faire du bénévolat ! »

« Dans le rural, on accorde au vétérinaire 15’ minutes montre en main pour voir l’animal et encaisser la consultation auprès du paysan ! »

« Je me dis que parfois un vétérinaire travaille mieux qu’un médecin : Avant d’administrer un antibiotique, le vétérinaire fait une culture afin de choisir le bon antibiotique, un médecin n’a plus le temps de faire une culture, il administre l’antibiotique à un enfant sans tester. La vache à un rendement économique, l’enfant n’en a pas ! »

« On me dit : Dégages cette poubelle ! Tout le monde se parle mal dans ce fast-food ! Alors je n’ai plus envie d’y aller. Je dois créer des raisons pour continuer d’y aller. Je dois développer cette attitude à créer mes bonnes raisons de travailler. »

« Quand tu es fonctionnaire dans un service publique, le patron c’est qui ? Nous sommes au service de la population mais tout le monde s’en fout ! »

« Je travaillais en librairie, on me demandait de vendre au moins 4 à 5 cartes de crédit par mois, mais sans s’assurer que le client soit solvable.  Je ne pouvais accepter l’idée que je puisse participer à cet endettement !!! J’ai alors négocié avec mon employeur, il a accepté que je ne vende que les cartes de fidélité. »

« J’ai eu l’impression de vendre mon âme au diable lorsque j’ai mis ma force et mon énergie à vendre des montres de luxe. Vendre un objet inutile, cela n’avait aucun sens finalement !!! »

« Ergothérapeute, travailler dans le « care » n’est pas valorisé, on n’apporte pas une valeur économique à la société, on coûte de l’argent ! On s’occupe de l’autre, ça ne vaut rien… »

« Ma cheffe ne sait même pas où est mon bureau… pour dire que la santé au travail c’est moyennement prioritaire dans notre usine… sauf quand il faut miroiter des chiffres ou la réalisation de projets de prévention durant les visites des grands pontes… »

« Notre entreprise a grandi, nous avons pris des risques en engageant davantage de personnel. Mais j’ai le sentiment que tout peut s’effondrer d’un jour à l’autre, que ce n’est qu’une question de temps, tout est tellement fragile car nous n’avons aucune marge. Je ne peux pas m’empêcher d’anticiper le sentiment de culpabilité et d’échec le jour où tout volera en éclat. Je crains l’avenir. Pas terrible pour un leader qui devrait au contraire donner de la confiance à ses collaborateurs et encourager son associé… Je me sens complètement prisonnier. J’ai parfois envie de tout arrêter parce que j’en ai marre, j’ai fait le tour, j’ai envie de tenter autre chose. Mais j’ai honte de penser que je serais comme le capitaine qui saute du navire et qui laisse les autres sombrer, comme l’architecte qui abandonne un chantier au milieu d’une construction. J’ai honte de penser que j’aurais préféré abandonner plutôt que de me battre jusqu’au bout. J’avais fait le choix d’entreprendre pour répondre à un besoin d’indépendance, de liberté. C’est comme si je me retrouve maintenant prisonnier de ce choix. »

 

 « Gagner ma vie sans y perdre mon âme ? »

« Cela m’évoque l’importance de trouver du sens à mon travail, de me sentir utile, de contribuer à quelque chose. Il me semble que les gens les plus heureux au travail sont ceux qui ont l’impression de bien faire les choses et qui y mettent du cœur et du soin. »

« Nous n’avons pas à « gagner notre vie » car elle coule déjà en nous. Il y a toutefois un parcours intérieur nécessaire pour passer du mode survie dans lequel nous sommes enlisés, à la vie dans son entièreté. Certes, sur le chemin de retour à son âme, les résistances intérieures peuvent être fortes, en lutte tantôt avec l’extérieur, tantôt contre une partie de nous-même. Cette peur de manquer, en l’occurrence d’argent, qui nous pousse à aller jusqu’à l’épuisement, le reniement de soi, de nos aspirations. »

« La notion de « travail » est fausse, dans notre société, travail sous-entend travail-rémunéré. Ingénieur agronome devenue femme de paysan, si je suis à la maison, j’élève mes 4 enfants, je ne travaille donc pas ? Je n’ai rien à répondre à la question : « Que fais-tu dans la vie ? ». Ce n’est pas valorisé dans notre société… »

« Il y a un écart générationnel qui se crée… Les jeunes se posent la question de pourquoi travailler autant ? Avant on travaillait et on pouvait s’offrir des choses, des beaux voyages… Maintenant tu travailles pour payer l’essence pour aller travailler ! »

« On se rend compte qu’on augmente la qualité de vie en diminuant le travail. Finalement, on n’est pas né pour travailler, on est né pour vivre. L’économie devrait servir l’humanité, actuellement c’est l’inverse ! Je donne de la valeur à quoi ? Dans la productivité ? »

« Je me rappelle encore très bien me sentir agressée en tout temps, par le monde extérieur, les devoirs, les tâches à accomplir mais aussi par moi-même, mon intérieur. Pas à pas je découvre, je lâche prise, j’accepte, j’avance et je ME découvre. Le fait d’avoir à peine l’argent pour vivre et de s’en sortir malgré tout m’a enseigné que je n’avais pas besoin d’autant de choses. D’accepter de recevoir sans pouvoir le rendre à cet instant.  D’avoir eu la chance d’avoir été entourée de quelques personnes qui chacun à sa manière m’a beaucoup aidée et que remplie d’une gratitude et d’une reconnaissance sans fond je remerciais. Je n’ai pas encore trouvé ma réponse définitive à la question “comment gagner (financièrement) sa vie sans perdre son âme ?” Mais je continue à suivre mon chemin, sur lequel je découvrirai peut-être une réponse qui sera en accord avec moi. »

« Je pars travailler en gardant en tête que “je suis la priorité ». De ce fait, je respecte mes heures de travail, et les journées au travail sont courtes ! Terminé ou pas, je pars (de toute façon, même avec un pourcentage plus conséquent, je ne parviendrais pas à le réaliser à la hauteur de ce je souhaite !). Aussi j’ai retrouvé du temps en fin de journée à la maison et je l’apprécie !! Cette attitude me permet de prendre davantage de distance avec les éléments qui arrivent et sur lesquels je n’ai pas prise. »

Pour terminer cette série de témoignages, un extrait du discours de départ d’une jeune stagiaire :

« Comme vous le savez, c’est avec grande nostalgie que je quitte mes fonctions de stagiaire-esclave. Je ne sais toujours pas quel nom exact porte le rôle que j’ai pu accomplir (alors un cahier des charges ou des objectifs… n’en parlons pas !) mais après tout ce temps, j’ai compris qu’il n’a jamais été question de tâches, mais de personnes. De tout ce que j’ai pu faire, c’est vous soutenir qui m’a plu le plus ! »

Comment gagner ma vie sans y perdre mon âme ? (1er épisode d’une série d’articles publiés sur ce thème écrits par différents auteurs). N’hésitez-pas à partager vos expériences, questionnements, remarques ou « coups de gueule » en commentaires de ce blog, cela alimentera notre série d’articles sur ce thème…

Catherine Vasey

Les 5 regrets au seuil de la mort…

Actuellement, beaucoup d’entre nous vivons une sensation de saturation dans les activités quotidiennes, cela s’exprime avec l’impression : « je n’ai pas assez de temps pour moi » ou « je passe à côté de ce qui m’est vraiment important » ou « lorsque j’aurais terminé toutes ces obligations, je pourrais enfin être libre de… ».

Nous sommes immergés dans un environnement qui, si nous n’y prenons pas garde, risque de nous distraire de l’essentiel, à devoir effectuer des tâches et des activités qui nous prennent du temps, de l’énergie mais qui ne nous nourrissent pas !

La perspective de la mort nous éveille à être vivants… Les personnes mourantes expriment une sorte de lucidité et de conscience de ce qui leur aurait été réellement important… Sagesse pour nous qui sommes vivants, il n’est pas trop tard…

 

Les 5 regrets au seuil de la mort… *

(*Bronnie Ware, infirmière australienne en soins palliatifs, a consigné les paroles des mourants dans un livre : « The Top Five Regrets of the Dying »)

  1. J’aurais aimé avoir le courage de vivre en accord avec moi-même au lieu de mener la vie qu’on attendait de moi. *

Oui, nous réalisons que notre chemin de vie est unique et que l’existence nous offre des opportunités et un potentiel à explorer. Qu’est-ce qu’il faudrait que nous ayons vécu pour nous dire à notre mort : « J’ai fait une belle vie » ? Et comment nous rapprocher de cette aspiration intérieure dans les actions de notre quotidien ? Quels choix ou changements avons-nous à faire dès maintenant ?

  1. Si seulement je n’avais pas travaillé autant. *

Ce regret nous pose la question de l’équilibre de vie que nous souhaitons réellement vivre. Si nous ne choisissons pas, la sphère professionnelle (ou les devoirs à accomplir) risque bien de prendre le pouvoir en nous absorbant entièrement… Tout l’investissement d’énergie, de temps et d’attention dans le travail se fait toujours au détriment des autres sphères de notre vie (notre couple, nos enfants, notre famille, nos loisirs, notre disponibilité intérieure).

  1. Si seulement j’avais eu le courage d’exprimer mes sentiments. *

Nous développons des stratégies et des contraintes émotionnelles par peur de décevoir, de fâcher ou pour apaiser les relations avec les autres. Nous réagissons, nous nous contrôlons ou nous adaptons, nous faisons des compromis avec nous-mêmes afin d’entrer dans le moule des attentes sociales. Mais finalement, exprimons-nous l’entier de notre potentiel de vie ? Ou étouffons-nous certains sentiments ou ce qui nous est important par peur de déranger les autres ? Exprimer nos sentiments nous demande du courage car cela nous expose davantage que de tout garder pour soi ou d’anesthésier nos émotions.

  1. Si seulement j’avais gardé le contact avec mes amis. *

« Les gens expriment souvent d’amers regrets de ne pas avoir consacré aux amitiés le temps et les efforts qu’elles méritaient. Ils se sont laissé prendre dans l’engrenage de la vie et, avec les années, ont laissé filer des amitiés en or ». *

Parfois notre quotidien nous donne l’impression d’être bien entourés car nous ne sommes pas en contact avec ceux qui manquent : (sur)investis dans la carrière professionnelle, nous ne souffrons pas de moins voir notre famille ou nos amis ; vivre dans une relation de couple fusionnelle et se combler mutuellement ne donne plus envie de cultiver des liens amicaux ou de passer du temps avec les collègues…  Comment cultivons-nous des liens nourrissants avec les personnes importantes à nos yeux, nos proches, notre famille, nos amis, nos voisins, nos collègues ? Quelle espace-temps accordons-nous afin de développer de nouveaux liens ?

  1. Si seulement je m’étais autorisé à être plus heureux. *

« De nombreuses personnes ne comprennent pas jusqu’au dernier moment que le bonheur est un choix. Elles se sont obstinées à suivre une logique dépassée et leurs vieilles habitudes. » *

Être vraiment heureux nous demande de prendre des risques, de sortir de notre zone de confort, nous pouvons nous sentir dans une vie sécure et satisfaisante mais est-ce vraiment suffisant pour nous sentir heureux ? Quelle place donnons-nous au déraisonnable dans notre vie ? Un bébé apprend à marcher en prenant le risque à chaque pas de tomber, et quel bonheur de vivre il démontre !

 

Je vous souhaite une vie animée par ce qui vous est essentiel… ce qui vous touche le cœur… sans distraction et sans compromis !

 

Le coût humain de la rentabilisation du domaine social

Comment préserver la santé des professionnel·le·s du secteur médico-social dans un contexte d’optimisation des tâches et d’accélération ? Le temps de voir émerger des changements organisationnels et politiques qui soutiennent la santé au travail, chacun·e est amené·e à prendre des mesures de prévention au quotidien.

Les métiers du secteur médico-social sont en pleine métamorphose. En effet, rentabiliser les prestations génère de nouvelles exigences en matière d’immédiateté et d’attentes collectives. L’objectif est « d’économiser », chaque année « des drames humains », des complications ou de réduire la longueur des hospitalisations. L’indicateur de performance a pour but d’optimiser l’efficacité des prises en charge en fonction du budget attribué mais il a tendance à dénaturer le sens du travail, chaque tâche devenant un objectif à atteindre coûte que coûte dans un temps donné.

L’effet secondaire de ce système économique est l’augmentation des tâches administratives pour justifier l’investissement des moyens financiers. Ce travail se fait au détriment du temps passé auprès des bénéficiaires, les professionnel·le·s ont tendance à se mettre la pression pour réussir à satisfaire les exigences des financeurs et maintenir, malgré tout, la qualité d’accompagnement en moins de temps.

Pour les travailleuses et travailleurs de terrain, formés à avoir des initiatives pour le bien de la personne, la mue du sens au travail est radicale. Aujourd’hui, ils ne peuvent plus se fier uniquement à leur expertise pour prendre des décisions adaptées à chaque situation. Ils se doivent d’atteindre des objectifs chiffrés décidés par d’autres avec des moyens formatés par des budgets pré-établis.  De plus, la logique de performance et de rentabilité encourage l’action à court terme, alors que, par exemple, l’accompagnement d’une famille dysfonctionnelle, la prise en charge d’une personne en situation de handicap ou le maintien d’une personne âgée à domicile sont des processus longs et complexes. Il n’y a souvent aucun résultat significatif rapidement.

Comment préserver la santé des professionnel·le·s du secteur médico-social dans un contexte que certaines interprètent comme une « zone sinistrée » ? Le temps de voir émerger des changements organisationnels et politiques qui soutiennent la santé au travail, chacune et chacun est amené à prendre des mesures de prévention au quotidien.

La nécessité de prendre soin de soi en priorité

Dans un avion, les directives d’urgence pour sauver un bébé sont : « le parent prend d’abord de l’oxygène avant de mettre le masque sur son enfant ». Le parent est prioritaire et c’est vital pour lui comme pour son petit. De façon similaire, un travailleur social dont le rôle est d’aider des personnes vulnérables en souffrance, doit d’abord prendre soin de lui. Impossible de soigner ou d’accompagner les gens de façon adéquate sans veiller scrupuleusement à sa santé physique et psychique !

Comprendre ce qu’est le burn-out

Plus les travailleuses et travailleurs médico-sociaux sont informés et plus ils pourront être vigilants. Le burn-out n’est pas un état qui apparaît subitement. Généralement, l’épuisement s’installe au-delà de 6 mois de stress chronique. Ce processus s’entraîne de lui-même : le stress permanent augmente la tension, le corps se fatigue, le sommeil est perturbé, la récupération est difficile, l’efficacité au travail diminue, les heures supplémentaires augmentent pour compenser, ce qui crée davantage de fatigue.

Identifier les signaux d’alerte

Concrètement, chacune et chacun doit être attentif à son état physique, émotionnel et mental. Les signaux qui devraient alerter sont : une fatigue de tension, une irritabilité accrue, des inquiétudes, une démotivation mais également la rumination de soucis professionnels qui envahissent la vie privée et empêchent de se changer les idées et de bien dormir. Le stress chronique provoque une vision systématique des difficultés et non des solutions ce qui développe un sentiment de ras-le-bol ou d’impuissance. Dépasser les limites, entrer dans une zone à risque, est habituel pour des travailleurs engagés. L’important est de s’en rendre compte et de mettre en place des mesures de protection au bon moment.

Kit de survie en zone de danger

Si les signaux d’alerte se sont installés, la priorité consiste à se ressourcer davantage. Pour ce faire, protéger son sommeil est primordial. Se défouler et se changer les idées est aussi prioritaire. Au travail comme dans la vie privée, il est conseillé de se concentrer sur les situations où il est possible d’agir plutôt que se focaliser sur les difficultés. Un des points qui fait une grande différence est de cadrer les ruminations toxiques, surtout dans la vie privée.

Maintenir une vie privée solide et sortir du rôle d’aidant

Le plus grand danger ? Les préoccupations professionnelles mangent peu à peu la vie personnelle et les opportunités de se ressourcer s’amenuisent. Notre pouvoir de récupération tient en priorité à la vie hors travail : veiller à avoir une vie privée enrichissante et à « déconnecter » complètement du rôle d’aidant.

Evacuer ses émotions sainement

Assurer une attention constante et bienveillante implique d’être en bonne santé physique et psychique. La résonnance émotionnelle est l’outil principal pour travailler avec empathie et assurer une présence humaine. L’hygiène émotionnelle est vitale pour les professionnels du secteur médico-social ; il s’agit d’évacuer régulièrement ses émotions, se défouler, bien connaître son fonctionnement, être conscient des problématiques susceptibles d’entrer en résonance avec son propre vécu et savoir poser des limites.

Garder le sens de son travail vivant

La première étape indispensable est de ne pas subir mais d’accepter les indicateurs de performance qui constituent le nouveau paysage du secteur médico-social. Entrer en opposition, résister, signifie investir et gaspiller son énergie dans un gouffre sans fond ! Il s’agit d’adopter une attention sélective : injecter du sens chaque jour dans les actes du quotidien, garder à l’esprit les indicateurs précis qui montrent la qualité du travail social en fonction des valeurs professionnelles. Recueillir l’auto-évaluation de l’aidé et valoriser une stratégie des « petits pas ».

Entretenir une ambiance d’équipe positive et bienveillante

Etre en équipe ou partager avec des pairs contribue à ventiler le stress et permet d’échanger sur des situations, que ce soit de manière formelle ou informelle. Le rire aide à dédramatiser et à relâcher les tensions. Il est possible de « vider son sac » mais cela doit être fait avec conscience, en avertissant l’autre et en respectant ses limites pour ne pas contaminer les collègues par une humeur plaintive ou de découragement systématique. Les supervisions permettent de questionner le fonctionnement d’une personne ou d’une unité, puis d’implémenter des changements durables et encourageants. L’échange de pratique permet de « débriefer » les émotions tout en bénéficiant de conseils pour s’améliorer. Les supervisions aident également à repérer les travailleurs sociaux en souffrance et à examiner avec eux les mesures à prendre.

Travailler avec l’humain nécessite des garde-fous

Le challenge actuel dans le secteur médico-social est de trouver le juste équilibre entre la logique économique, le respect des valeurs professionnelles et les besoins spécifiques de l’humain en situation de souffrance. Privilégier systématiquement la quantité et la rapidité au détriment de la qualité des prises en charge crée des conflits internes chez les travailleuses et travailleurs médico-sociaux : ils sont tiraillés entre ce qui leur est imposé de faire avec les moyens limités à disposition et ce qu’ils souhaiteraient pouvoir faire face aux besoins particuliers d’une personne en détresse sur le terrain.

Les meilleur·e·s professionnel·le·s sont les plus exposé·e·s dans leur santé : engagé·e·s dans leur travail, elles et ils ont des exigences de qualité élevées selon leurs valeurs professionnelles, n’abandonnent pas face à une situation difficile. Un bon professionnel épuisé en arrêt de travail prolongé coûte cher à l’institution, son absence aura des répercussions sur ses collègues et l’efficacité des équipes. Le coût humain en sera élevé et contre-productif dans une logique de rentabilité et d’efficacité sur un moyen terme.

La responsabilité de la santé au travail est partagée, les professionnel·le·s mettent en place des mesures de protection individuelle au quotidien et le système institutionnel soutient et respecte les choix spécifiques des travailleurs. Des mesures conjointes, individuelles et organisationnelles, permettront d’augmenter l’efficacité, la rentabilité et la qualité des prises en charge sur un moyen à long terme. Une grande réflexion de société est ouverte : le secteur médico-social doit-il être absolument rentable au même titre qu’une entreprise commerciale ? Quels sont les garde-fous que nous souhaitons voir établis pour préserver la qualité de la relation d’aide dans notre pays ?