Kit de survie pour les professionnels en première ligne du Covid19

A tous les professionnels qui sont actuellement engagés à contenir cette crise majeure pour le bien de l’ensemble de la population, je vous remercie chaleureusement.

Certains/certaines d’entre nous ont été plongés dans une intensité de stress et de surcharge professionnelle exceptionnelle. Dans un tel contexte, la première réaction de votre organisme est une mobilisation complète. Ce processus d’alerte vous met à disposition un potentiel d’énergie, vous sentez une motivation d’agir, vos propres besoins passent au second plan afin d’être au service d’une nécessité plus élevée. Malgré une impression de contrôle et de lucidité, votre corps risque de se mettre sous tension permanente, votre mental est à l’affut, vos pensées s’accélèrent, la tension émotionnelle augmente. Cette immersion « corps et âme » dans le devoir à accomplir s’enflamme dans un contexte d’intensité sociale et d’urgence collective. Impossible de ne pas s’engager !

L’organisme se prépare à un sprint mais il s’agit du début d’un marathon !

Pour ceux et celles qui voient leurs conditions de travail devenir difficiles : surcharge, accélération du rythme, adaptation constante des pratiques, incertitudes, dans un environnement confiné, parfois bruyant, en contact direct avec des personnes inquiètes et angoissées. Il est essentiel de prendre soin de vous car l’intensité va probablement se prolonger plusieurs mois. Vous ne pouvez pas changer le contexte de crise ni le stress que vous vivez au quotidien. Par contre, vous avez un potentiel pour adapter votre attitude.  La priorité absolue pour durer est la récupération active.

Prenez soin de votre corps

  • Déchargez le stress régulièrement et prenez soin de votre corps

Défoulez-vous pour vous libérer des tensions émotionnelles et mentales et détendez votre corps par des auto-massages, des étirements musculaires, des profonds soupirs ou des bâillements (l’expiration permet de stimuler le système nerveux parasympathique qui favorise la détente). Le danger est que les préoccupations et le stress perturbent votre sommeil qui est l’agent principal d’une saine récupération.

Mangez équilibré et léger, en privilégiant les légumes et les fruits. Le stress met votre organisme en surrégime, il consommera davantage de certaines vitamines et nutriments. De plus, le stress favorise un comportement alimentaire déséquilibré, non seulement vous avez probablement moins de temps pour manger mais le stress donne plutôt envie de manger sucré ou gras.

A chaque occasion, « mettez-vous à l’abri » !

  • Votre système nerveux a besoin d’être régulièrement apaisé.

Lors des tournus ou des pauses, dans la mesure du possible, déchargez-vous consciemment de vos responsabilités en délégant pleinement votre travail à vos collègues. Il ne s’agit pas seulement de transmettre les informations nécessaires mais aussi de vous délester du poids mental et émotionnel des situations en cours. Pendant la pause ou votre jour de congé, débranchez-vous le plus possible en offrant votre confiance aux collègues qui prennent le relai et qui veilleront à votre place. Revenez à vous et à vos besoins afin d’en prendre soin du mieux possible. Dès que l’occasion se présente, marchez dans la nature. Cela aura un effet apaisant et régénérateur sur votre organisme et votre climat intérieur.

Cadrez votre mental

  • Dirigez votre attention en conscience

Dans un contexte menaçant, la réaction instinctive du cerveau est de focaliser sur les sources potentielles de danger, vous aurez ainsi tendance à ne voir que les problèmes à résoudre, dans un climat intérieur d’hyper vigilance. L’attente risque d’être le plus usant et vous coûtera probablement davantage d’énergie que d’être dans le feu de l’action. Portez votre attention en conscience sur ce qui est accompli et sur tout ce qui vous fait du bien. Soyez bienveillant avec vous-même, ne vous autorisez aucune critique négative ou pensée toxique. En cas d’erreur, concentrez-vous pour rétablir la normalité si possible, ne vous culpabilisez pas, vous faites au mieux dans ces circonstances hors norme. Evaluez-vous régulièrement en vous posant ces deux uniques questions : « Ce que j’ai fait bien aujourd’hui, comment je peux m’améliorer demain ?».

Accordez-vous des moments limités de digestion émotionnelle

  • Ne laissez pas votre vie émotionnelle “en friche”

Lorsque vous êtes en pause ou en congé et que vous ralentissez, votre disponibilité intérieure augmente et le besoin de digestion émotionnelle aura tendance à vous faire revoir en boucle les évènements difficiles ou problématiques de votre travail. Il est nécessaire d’interrompre volontairement ce processus. Afin de récupérer au mieux, reprenez une saine distance et penser à autre chose le plus possible. Vouloir tout digérer émotionnellement dans un contexte de stress et de surcharge permanente est peine perdue. Déposez auprès d’une oreille attentive ce qui vous a particulièrement touché. Si vous sentez de la colère, une saturation ou un raz-le-bol, videz votre sac en limitant le temps (durant 10 minutes de façon intense) puis décidez de penser à autre chose pour votre bien.

Toute la population vous est reconnaissante, prenez bien soin de vous, votre travail est précieux !!!

 

Catherine Vasey

Catherine Vasey, psychologue et gestalt-thérapeute, auteur, spécialiste du burn-out depuis 2000. Elle anime des séminaires de prévention du burn-out en entreprise, donne des conférences, traite les patients en burn-out et accompagne aussi les professionnels de la santé en supervision dans son cabinet à Lausanne, en Suisse. Références : Le site de Catherine Vasey : www.noburnout.ch Publications : « Comment rester vivant au travail ? Guide pour sortir du burn-out », C.Vasey, éd. Dunod 2017 « Burn-out le détecter et le prévenir », C. Vasey, éd. Jouvence 2015 « Vivant au travail », jeu de cartes, C. Vasey, éd. Noburnout 2012

7 réponses à “Kit de survie pour les professionnels en première ligne du Covid19

  1. Bonjour
    J ai une fille qui travaille au CHUV comme infirmière.
    Simplement pour vous remercier de tous ces conseils qui devraient être diffusés largement auprès de tous les soignants qui sont actifs sous tous les fronts publics , privés soins à domicile, frontaliers .. tous ces soignants qui se sentent actuellement très peu soutenus concrètement par les autorités. ..

  2. Merci Catherine pour vos recommandations qui sont bienveillantes, intelligentes et qui me touchent.
    Infirmière responsable dans un EMS à Genève, je vois que nous sommes les oubliés des médias, contrairement aux HUG et autres CHUV… et pourtant…nous accompagnons tous ceux qui sont infectés, jusqu’au bout de leur vie, avec tout notre savoir faire, notre affection, notre dévouement.
    Le matériel manque, volé… nous sommes houspillés par des familles… mais la solidarité entre nous est belle et bien là! J’essaie de détendre l’atmosphère au sein de mon équipe, de valoriser, soutenir, stopper les rumeurs et prendre soin de chacun. Je vais intérioriser vos conseils pour les transmettre à mon équipe! Merci encore! Valérie

  3. Bonjour Madame Vasey,

    Merci pour votre mail et vos excellents conseils.
    Comme infirmière indépendante en santé mentale je souhaite vraiment apporter tout mon soutien envers les personnes qui sont au front.
    Etre au front c’est aussi rester chez soi et devoir alterner entre télé travail, école à la maison , structurer sa journée avec de nouveaux repères… nous sommes tous des héros en ce moment 🙂
    Prenons soin de notre santé physique, émotionnelle , sociale et spirituelle.

    Mes chaleureuses salutations

    Tamara Patrizi Buteux
    http://www.eppice.ch

  4. Merci, merci, merci Catherine de cette bienveillance dans vos propos que nous, soignant, mettons trop souvent entre parenthèse pour nous même … Et pourtant comme vous le dites si bien, la vague ne fait qu’arriver (cette fois c’est au sens propre !), la bataille va durer, ensuite il va aussi falloir récupérer tout en continuant sur la lancée … Pas simple. Je travaille aux HUG et voudrais imprimer et rendre visible votre texte si vous le permettez. Bien à vous.

    1. Bonjour, oui absolument, vous pouvez imprimer et rendre visible mon texte… Je suis de tout coeur avec vous et avec vos collègues !

  5. Merci pour vos bons conseils et suggestions. C’est précieux !
    A vous lire à bon escient en ces circonstances exceptionnelles,
    MERCI !

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