Tout être humain est secoué dans les désastres

Le choc causé par un événement critique est nommé réaction aigue au stress. Cette réaction est normale et saine dans une situation anormale, elle dure de quelques jours à 1 mois après le traumatisme.

Lorsque nous sommes confrontés à un événement épouvantable, le stress est si intense que nous sommes comme frappés par la foudre de l’intérieur. Nos capacités d’adaptation qui en tant normal nous permettent de faire face à un danger de façon efficace sont débordées : nous ressentons une peur intense, un sentiment d’impuissance ou d’horreur, nous sommes en état de choc. Dans notre cerveau c’est le chaos, la communication ne peut plus se faire correctement, l’intensité est si puissante que la zone du cerveau qui gère l’émotion, l’amygdale, est surchargée.  L’information traumatique est bloquée, elle ne peut pas être mémorisée correctement. Ainsi, à la place d’être mémorisés à long terme, les émotions et les souvenirs traumatisants ne peuvent pas être rangés dans un temps passé : ils défilent en boucle et sont revécus comme s’ils avaient lieu dans le présent. Les images s’imposent de façon chaotique et involontaire, impossible de refermer le tiroir. Ces flash-back de l’évènement douloureux nous envahissent, ils créent des crises d’angoisse, des difficultés de concentration et un gouffre qui consomme toute notre énergie. Le choc est aussi cognitif, nous sommes incapables d’intégrer l’horreur au sein de nos schémas mentaux habituels. Les images de l’événement traumatique nous reviennent à l’esprit de manière répétée, tentatives de notre cerveau pour intégrer l’impensable de façon progressive. Voici une liste détaillée des réactions possibles du stress aigu :

L’hypervigilance : effrayés pour rien, nous avons une impression constante de danger ou de désastre imminent. Nous sursautons au moindre bruit, notre niveau d’excitation est élevé, nous vivons des flash-back (auditifs et visuels), nous revivons l’événement, l’angoisse est à nouveau ressentie comme si cela venait d’arriver et il est impossible d’empêcher ces souvenirs de nous hanter.

Les troubles du sommeil : difficile de  nous endormir, notre sommeil est agité, nous avons des cauchemars terrifiants, il est difficile de se lever le matin.

Les troubles de l’appétit : nous perdons l’appétit ou au contraire nous avons un besoin compulsif de manger.

Une grosse fatigue : l’effort de l’intensité du stress vécu lors du traumatisme est comparable à une journée d’entraînement d’un sportif d’élite. Il est difficile de reprendre des forces et de faire le plein d’énergie.

La dissociation : incapables de réagir, stoïques, silencieux, nous sommes déconnectés de nos sensations jusqu’à nous replier totalement à l’intérieur pour ne plus vivre la situation. Il s’agit d’une protection immédiate de notre organisme pour éviter le désastre psychique causé par l’intolérable. 

L’évitement : le réflexe d’évitement nous protège de tout ce qui peut rappeler le drame : les lieux, les personnes, les déclencheurs, les situations associées.  D’une façon extrême, nous sommes amenés à éviter systématiquement tout évènement ou discussions risquant de nous rendre émotionnel.

L’insensibilité émotive : nous perdons l’intérêt dans les activités qui nous passionnaient, repliés sur nous-mêmes, nous fuyons nos proches. Il peut être difficile de parler. Nos sensations peuvent être comme anesthésiées : moins de plaisir, moins de douleur.

L’amnésie : L’oubli est une forme de soulagement pour notre organisme. L’événement terrifiant est un tel raz de marée intérieur que notre équilibre est en danger, notre cerveau met en place une sorte de mise sous clé quelque part : « attention danger, ne pas ouvrir ! ». Bloquées, certaines régions du cerveau ne sont alors plus accessibles et nous vivons une amnésie partielle ou totale de l’événement.

 

Que faire pour accompagner le traumatisé ?

1° Immédiatement : prendre soins des besoins vitaux. Soins des blessures physiques, être au chaud, prendre une douche, boire et manger, être au calme.

2° Dans les 24 heures : « Defusing ». Instant de « désamorçage », une ventilation émotionnelle, qui permet de parler et de recevoir des informations claires de ce qui s’est passé. Dans cette phase il faut prendre garde de ne pas être infectés par les images et les émotions des autres. Il est important d’informer les proches des réactions normales du choc traumatique ainsi que des symptômes qui devraient inquiéter.

3° Dans les 24 à 72 heures jusqu’à un mois après : « Debriefing ». Entretien structuré mené par un psychologue ou un médecin formé spécifiquement. Il s’agit de permettre au traumatisé de mettre de l’ordre dans le chaos intérieur, de rattacher les pensées, les émotions et sensations corporelles à l’événement traumatisant.

 

Besoins spécifiques lors du stress aigu (les premières semaines)

Etre entouré avec bienveillance, permettre au corps de se régénérer, laisser passer la réaction quelle qu’elle soit (sans la minimiser ou la nier et sans l’aggraver), être à l’écoute de ses besoins, manger régulièrement, s’abstenir de boire de l’alcool et de prendre des médicaments pour atténuer les réactions de stress aigu. Respecter le rythme propre de chacun. Il y a une multitude de façon de réagir.

Réactions spécifiques des enfants et des adolescents

Les enfants auront besoin d’être très entourés par leurs parents et ils ont tendance à régresser dans leur développement. (besoin d’un doudou ou d’une lolette, etc.). Les adolescents par contre auront besoin d’être en contact avec leurs pairs, ils recherchent leur propre clan, ils voudront rapidement retrouver leur vie d’avant, être dans le normal. Les adultes proches peuvent être très décontenancés car ils ne pourront pas s’en occuper est cela peut être anxiogène pour les parents.

 

Le syndrome de stress post-traumatique

Les capacités de résilience diffèrent d’un individu à l’autre et chez 8 à 10 % des traumatisés, les symptômes persistent au-delà d’un mois, ils s’aggravent, la réaction devient pathologique et on parle alors de syndrome de stress post-traumatique. Au lieu de s’apaiser, la souffrance grandit avec le temps. Après plusieurs mois, l’entourage a besoin que tout rentre dans l’ordre mais pour le traumatisé c’est impossible, il va se sentir seul et incompris dans sa souffrance s’il n’est pas accompagné de façon adéquate.

 « C’est comme une boule de neige qui descend une pente, elle va plus vite, elle grossit et finit par occuper tout l’espace à l’intérieur ».

« C’est un combat permanent contre ses souvenirs. Certains objets liés au traumatisme attirent comme un aimant. On devient l’esclave des souvenirs accaparants ».

Les traitements de ce syndrome (psychothérapie, EMDR) ont pour but d’aider à intégrer les souvenirs traumatisants, de les dépouiller de leur caractère angoissant, de les assimiler en y mettant du sens. Les images terribles ne disparaissent pas, ce qui change c’est leur rapport à elles, elles sont mieux gérées, elles font partie du passé, les traumatisés n’en sont plus prisonniers. Il est toujours possible de se souvenir de ce qui a été vécu, ce qui a disparu c’est le stress, la douleur, la colère, les émotions qui y sont liés.

(Cet article a été écrit avec la collaboration précieuse de Noélia Aradas, psychologue spécialiste des urgences, www.cliniquedutravail.ch

Catherine Vasey

Catherine Vasey, psychologue et gestalt-thérapeute, auteur, spécialiste du burn-out depuis 2000. Elle anime des séminaires de prévention du burn-out en entreprise, donne des conférences, traite les patients en burn-out et accompagne aussi les professionnels de la santé en supervision dans son cabinet à Lausanne, en Suisse. Références : Le site de Catherine Vasey : www.noburnout.ch Publications : « Comment rester vivant au travail ? Guide pour sortir du burn-out », C.Vasey, éd. Dunod 2017 « Burn-out le détecter et le prévenir », C. Vasey, éd. Jouvence 2015 « Vivant au travail », jeu de cartes, C. Vasey, éd. Noburnout 2012