Le charme (très, très) discret du nouveau président du Parlement européen

Dire que le nouveau Président du Parlement européen élu hier à Strasbourg est peu connu sous nos latitudes est un euphémisme. Dire qu’il ne fait pas vraiment rêver l’est tout autant. Car Antonio Tajani, 63 ans, n’a pas vraiment le profil ni la volonté d’un révolutionnaire européen. Loin de là.  

Tout s’annonçait pourtant plutôt bien ces dernières semaines: Guy Verhofstadt, fédéraliste convaincu prônant des réformes de fond au sein de l’UE, avait annoncé sa candidature et semblait relativement bien placé pour l’emporter. Puis, patatras, il s’est lui-même tiré une balle dans le pied, ce qui l'a conduit à se retirer de la course juste avant le scrutin. En effet, l’ancien Premier Ministre Belge a tenté à la rentrée de janvier de s’allier avec le Mouvement 5 Etoiles de Beppe Grillo – connu pour ses positions nationalistes et anti-euro – s'attirant ainsi les foudres de son parti et se privant de toute chance d’accéder à la présidence.

C’est donc un homme âgé et, selon ses collègues parlementaires, peu charismatique, qui occupera désormais le plus haut siège du Parlement européen. Autant dire une très mauvaise nouvelle pour l’UE, qui, en ces temps de doutes et de montée des extrêmes, doit pouvoir s'appuyer sur des figures fortes et dynamiques, capables de porter le projet et de le réinventer. Catégorie dans laquelle M. Tajani ne peut manifestement pas être compté. Ce d’autant plus qu’il traîne quelques casseroles dont sa fonction d’ancien porte-parole de Silvio Berlusconi et son engagement en faveur de la monarchie dans l’Italie de sa jeunesse, ainsi que son inaction dans le cadre de l’affaire des moteurs truqués de Volkswagen alors qu’il était Commissaire européen à l’industrie. Sans parler de ses positions en faveur de l’austérité et des politiques anti-sociales. Seuls points positifs, il préconise le maintien du siège du Parlement à Strasbourg – garantie de la séparation des pouvoirs au sein de l’UE – et ne compte que peu d’ennemis à Bruxelles. Fantastique.

Dans un tel contexte, il ne reste plus qu’à espérer que M. Tajani crée la surprise et incarne réellement «le président de tous les députés» comme il l’a déclaré et, surtout, le digne représentant de tous les Européens. Quant à sa promesse de mettre «les vingt ans de mon expérience de la vie politique européenne à notre service», pas sûr qu’elle soit synonyme de grands changements à l’ordre établi…

Caroline Iberg

Caroline Iberg a travaillé entre 2013 et 2017 au Nouveau mouvement européen Suisse (Nomes). Elle est désormais chargée de communication à Strasbourg.