Retour 60 ans en arrière pour les Américaines

Il y a quelques années, dans le cadre de mon travail de maturité, je m’étais penchée sur la question du droit de vote des femmes en Suisse et du combat mené par nos aïeules pour permettre aux femmes des générations suivantes de pouvoir non seulement exprimer leur voix dans les urnes, mais aussi d'exercer des postes à responsabilités qui étaient alors réservés aux hommes. J’avais rencontré deux femmes, Judith Widmer-Straatman à Schaffhouse et Gabrielle Ethenoz-Damond à Nyon, qui m’avaient raconté leur combat extraordinaire qui avait mené à la délivrance en 1971 (plus tôt pour certains cantons comme Vaud, plus tard pour d’autres comme Appenzell). Ce qui m’avait le plus frappé dans leur récit était le fait que l'opposition la plus forte contre le suffrage féminin venait souvent des femmes elles-mêmes. «Pourquoi devrais-je voter, je ne comprends de toute façon rien à la politique», était l'explication donnée à ce refus.

Quarante-cinq ans après, au lendemain de l'élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis, la situation semble similaire: comment des millions de femmes ont-elles pu choisir de voter pour un homme qui affirme, entre autres, qu’il faut les traiter comme de la m***, qu’on peut les attraper par le sexe et qu’il est normal qu’elles se fassent agresser au travail dans la mesure où l'on accepte qu'elles y côtoient des hommes? Nous trouvons-nous face au même cas de figure que dans les années qui ont précédé le droit de vote en Suisse, à savoir que les Américaines n’ont pas vu en l’une des leurs la capacité de présider un pays et ont alors préféré voter pour son parfait contraire?

En tous les cas et quelle que soit la réponse à ces questions, force est de constater que les Américaines ne vont pas au-devant de progrès majeurs dans le domaine de l’égalité homme-femme. Pire, elles risquent de sérieusement régresser. Ainsi, parmi tous les dangers de l’accession au pouvoir de Donald Trump qui ont été soulignés ces dernières heures, la misogynie tient le haut du panier. Car comment imaginer qu’avec un tel exemple à la tête du pays le plus puissant du monde les nombreux défis qui sont encore à relever pour les femmes du monde entier puissent l’être? C’est là que l’Europe – y compris la Suisse – a un grand rôle à jouer. C’est à elle de prendre la responsabilité de promouvoir les valeurs que nous défendons – qui seront peut-être piétinées outre-Atlantique – et de mener les combats qui sont encore nécessaires. Parmi ceux-ci, notons tout particulièrement l’égalité des salaires puisque la plupart des Européennes travaillent «gratuitement» entre septembre et décembre (21 octobre pour les Suissesses[1])…

 

Caroline Iberg

Caroline Iberg a travaillé entre 2013 et 2017 au Nouveau mouvement européen Suisse (Nomes). Elle est désormais chargée de communication à Strasbourg.