La lutte continue pour les proeuropéens

L’UDC déposera le 12 août prochain son initiative dite d’«autodétermination»[1], qui souhaite que le droit suisse prime sur le droit international. Ce texte a des airs de déjà-vu puisqu’il attaque directement la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) comme ce fut déjà le cas le 28 février dernier avec l’initiative dite de «mise en œuvre». Avec ce nouveau texte, les initiants souhaitent désormais que seuls les traités qui ont été soumis à un référendum soient contraignants pour le Tribunal fédéral. Or, la ratification de la CEDH par la Suisse en 1974 n’y a pas été soumise, l’adhésion ayant été effectuée par le Parlement selon les règles de ratification de traités internationaux de l’époque, donc résiliable, et non par référendum.

Pour préparer le terrain médiatique en vue du dépôt de son initiative, l’UDC a également repris sa lutte contre la signature d’un accord-cadre avec l’UE, accord que le texte vise aussi indirectement. Ce cheval de bataille n’est pas nouveau, mais le parti l’avait quelque peu perdu de vue depuis l’acceptation de l’initiative dite «contre l’immigration de masse» le 9 février 2014. Il l’a repris avec force ces derniers jours en publiant un argumentaire et une interview de Christoph Blocher en pleine page de plusieurs quotidiens nationaux. Rappelons que l’accord-cadre entre la Suisse et l’UE (les fameuses «questions institutionnelles») est en cours de négociation depuis des années et est nécessaire à la poursuite de l’intégration européenne de notre pays, même si celui-ci continuerait d’être exclu du processus législatif européen et resterait un satellite de l’UE.

Une nécessité que l’UDC est loin d’avoir comprise, comme le montre l’argumentaire mentionné ci-dessus, dans lequel le parti ne cesse de se contredire. Ainsi, il souhaite d’un côté empêcher la signature d'un accord-cadre et de l’autre conserver la voie bilatérale «qui a fait ses preuves», selon ses propres termes, tout en souhaitant la limitation de l’immigration par des contingents à travers la mise en oeuvre de son initiative acceptée le 9 février. Ces propos ne pourraient être plus contradictoires puisqu'aucune solution compatible avec la libre circulation – et par extension les Bilatérales I – n’a pu être trouvée avec l’UE pour la mise en œuvre de cette initiative. Il est donc impossible de combiner une mise en oeuvre stricte du texte de l'initiative du 9 février et un abandon des négociations sur les questions institutionnelles sans aboutir à une résiliation des accords bilatéraux.

Pourtant, l’UDC déclare ensuite que la «voie bilatérale» peut être poursuivie sans signer d’accord-cadre, ce qui est faux, celle-ci n’étant plus viable dans sa forme actuelle. «Les gens s’imaginent souvent que le statu quo est possible. Or, chaque jour de nouveaux développements du droit de l’UE dans les domaines de nos accords réduisent peu à peu la portée de nos accords d’accès au marché et provoquent une érosion de ceux-ci», nous avait expliqué Jacques de Watteville dans une interview en mai dernier. «En effet, il faut […] que les accords évoluent parallèlement au développement du droit UE: c’est ce qu’on appelle la reprise dynamique du droit de l’UE, par décision commune des parties. Ensuite, il faut qu’il soit interprété de la même manière et que l’on sache quoi faire en cas de différend». 

C’est justement le règlement des différends qui amène à une autre invraisemblance de l’UDC dans son argumentaire. Celle-ci prétend ainsi qu’avec un accord-cadre, la Suisse reprendra automatiquement le droit européen et que cela sera à la Cour de Justice de l’UE (CJUE) – ceux que le parti appelle «juges étrangers» – de décider en cas de litige. Or, ce n’est pas le cas: «l’interprétation homogène du droit de l’UE repris dans les accords bilatéraux sera assurée conformément aux principes du droit international public et à la jurisprudence pertinente de la CJUE. Les comités mixtes des accords concernés seront compétents pour le règlement des différends»[2]. La CJUE ne sera donc pas seule à décider en cas de litige sur l’interprétation du droit, mais les décisions seront prises par un Comité mixte, composé de membres des deux parties, la Suisse et l’UE.

Ce mois d’août doit marquer le début d’une mobilisation sans précédent pour lutter contre ces arguments erronés et simplistes et surtout pour nos valeurs, celles-là même que nous partageons avec les autres Européens. Car il faut nous battre pour l'intégration européenne de la Suisse, pour les droits de l’homme et pour toutes les autres valeurs fondamentales pour lesquelles nos aînés se sont engagés et que nous voulons assurer aux générations futures.


[1] Cf. http://www.watson.ch/!697399256

[2] Cf. https://www.eda.admin.ch/content/dam/dea/fr/documents/fs/11-FS-Institutionelle-Fragen_fr.pdf

 

Caroline Iberg

Caroline Iberg a travaillé entre 2013 et 2017 au Nouveau mouvement européen Suisse (Nomes). Elle est désormais chargée de communication à Strasbourg.