Les aléas d’une jeune pro-européenne en Suisse

Dette, Schuld, Guilty, Geld

Ce week-end se jouait à Tours (F) un festival de théâtre présentant des créations de jeunes comédiens professionnels. Parmi elles, la pièce intituée «Timon/Titus» s’interrogeait sur le concept de dette: «Qu’elle soit morale, financière, publique, la dette fait couler encre, sang et larmes. Comment s’en acquitter? A qui profite la dette?». Inspirée de deux oeuvres de Shakespeare traitant des notions de dette financière et de dette morale, ainsi que de l’ouvrage de l’anthropologue américain David Graeber Dette, 5000 ans d’histoire, la pièce mêle théâtre classique et débat politique, au sein duquel tous les avis sont représentés – du plus libéral au plus socialiste. Ainsi, Angela Merkel côtoie notamment David Graeber, Christine Lagarde ou encore Mario Draghi pour débattre sur scène de cette question particulièrement actuelle en Europe. 

«Dette se dit Schuld en allemand. Schuld veut dire aussi culpabilité. Culpabilité se dit guilt en anglais, ce qui ressemble à Geld en allemand qui signifie argent. Culpabilité et argent égalent dette.» C'est sur ce constat surprenant de vérité que s'ouvre une pièce en crescendo durant laquelle les acteurs n’auront de cesse de s’interroger, d’argumenter et de s’énerver sur la notion de dette et de la culpabilité qui en résulte souvent. Si tous commencent par s’accorder sur le fait qu’il est impératif de rembourser sa dette, les positions seront de moins en moins affirmées au fil des différents exemples. Et s’il existait des exceptions? A-t-on une dette envers nos parents qui nous ont donné la vie et se sont occupés de nous durant notre enfance? A la fin du spectacle, les discussions deviennent de plus en plus violentes et se cristallisent autour d'une question fondamentale: l’Homme est-il mauvais par nature?

Outre le thème, cette pièce de théâtre présente deux points particulièrement intéressants. Tout d’abord, l'aspect de l’engagement politique dans cette pièce contemporaine (certes inspirée de Shakespeare, mais celui-ci est fortement revisité) qui permet au public, de par la variété des points de vue exprimés, de se faire sa propre opinion sur un thème décrié lorsqu’il touche la sphère publique et tabou lorsqu’il s’agit d’une affaire privée. Ensuite, la pièce a été élaborée et mise en scène par de jeunes comédiens débordant de talent, d’énergie et d’idées nouvelles apportant un vent de fraîcheur sur le débat politique, loin de toute lourdeur élitiste. Les arguments fusent, se répondent et se contredisent dans un mélange dynamique, parfois loufoque, mais qui reste entièrement cohérent. Parions que le jeune public de ce vendredi 1er avril n’aura pas vu passer les 2h30 de spectacle, trop fasciné par le jeu des acteurs et l'incroyable mise en scène pour penser à s’ennuyer. Et qui sait, quelques vocations politiques auront peut-être vu le jour…

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