Les aléas d’une jeune pro-européenne en Suisse

Non à la clause de sauvegarde unilatérale

Deux ans après l’acceptation de l’initiative «contre l’immigration de masse», le Conseil fédéral est sur le point de publier un rapport sur la situation concernant sa mise en œuvre dans lequel il invoquera probablement la mise en place d’une clause de sauvegarde.

Cette idée se base sur l’article 14.2 de l’accord de libre circulation des personnes (ALCP) qui prévoit qu’«en cas de difficultés sérieuses d'ordre économique ou social, le Comité mixte se réunit, à la demande d'une des parties contractantes, afin d'examiner les mesures appropriées pour remédier à la situation.»  A noter que cet article prévoit un examen et en aucun cas une mise en place directe de la clause, et ce encore moins sans l’accord de l’UE. En effet, la décision doit être prise au sein d’un Comité mixte composé de membres des deux parties. En outre, la Suisse doit se trouver dans une situation de difficultés sérieuses, ce qui, en comparaison aux Etats membres de l’Union, est bien difficile à justifier.

Toutefois, si aucun accord avec l’UE ne devait être trouvé sur cette question d’ici à fin février et que celle-ci venait à considérer les conditions insuffisantes à la mise en place d’une telle mesure – ce qui sera a priori le cas –, le Conseil fédéral a d’ores et déjà annoncé qu’il pourrait se passer de son approbation en activant une clause de sauvegarde unilatérale. Si une telle décision n’est pas une violation de l’ALCP en soi, elle en est cependant la menace explicite. Dans un tel contexte, les négociations en cours dans les autres dossiers européens seraient alors rendues encore plus difficiles, notamment en ce qui concerne les questions institutionnelles.

Outre les discussions en cours, les programmes Horizon2020, Media et Erasmus+ seraient également compromis par une telle mesure. En effet, si notre pays ne signe pas le protocole d'extension de la libre circulation des personnes à la Croatie, il sera à nouveau considéré comme un Etat tiers au sein de ces programmes.[1] La Suisse agit cependant comme si elle pouvait à la fois envisager de signer le protocole et menacer de rompre les accords bilatéraux, ce qui n'est évidemment pas envisageable. Ainsi, en cas de rupture de ces accords, il est fort peu probable que l’UE accepte de reprendre la Suisse au sein des programmes susmentionnés. Notons encore que, selon les spécialistes, une sortie d’Horizon2020 représenterait un retour en arrière d’une décennie pour la recherche suisse.

Au vu des éléments ci-dessus, il apparaît que le Conseil fédéral, en annonçant une clause de sauvegarde unilatérale, se mettrait lui-même sous pression et ce doublement. Il se verrait en effet obligé de l’introduire si aucun accord ne pouvait être trouvé avec l'UE. A l’inverse, si un accord – certes très peu vraisemblable – avec l’UE était trouvé, le risque serait que les partisans de mesures plus fortes demandent quand même la mise en place d'une clause de sauvegarde unilatérale. Il ne s’agit ainsi en aucun cas d’une stratégie efficace, mais d’une tentative de gagner du temps de la part du gouvernement. Et ce d’autant plus que la Commission européenne a déjà annoncé explicitement en décembre qu’elle refusait d’entrer en matière concernant l’introduction unilatérale d’une telle mesure. Par conséquent, que l’on soit en faveur du statu quo, de l'extension de la voie bilatérale ou de toute autre forme d’intégration européenne de la Suisse, la clause de sauvegarde unilatérale ne peut en aucun cas représenter une solution car elle réduirait à néant les acquis passés, présents et futurs de notre relation avec l’UE. 

 

 

 


[1] Une solution temporaire qui a permis de lever la suspension de sa participation opérée par l’UE après le 9 février avait certes été trouvée, mais celle-ci sera échue à la fin de l'année

 

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