Les aléas d’une jeune pro-européenne en Suisse

La Suisse est xénophobe, europhobe et raciste et cela ne choque personne

Au lendemain d’un dimanche noir pour les forces constructives de notre pays, tous évoquent le fameux «virage à droite de la Suisse». Pardon? Parlons-nous ici réellement d’un simple virage? Je dirais plutôt qu’on fonce droit dans le mur! Tandis que tous les journaux parlent déjà de «tactique pour le second tour aux Etats», de «bras de fer pour un siège gouvernemental» ou encore de «l’alliance PLR-UDC», personne ne semble réellement s’émouvoir du fait que la Suisse persiste et signe: le pays est du côté des populistes. Pire, la Suisse est nationaliste, europhobe et raciste. Certes, il est facile de cacher ces tendances xénophobes sous de fausses appellations; ainsi, il est plus politiquement correct de dire que l’UDC est un parti «bourgeois» et «agrarien». Nos voisins européens, eux, ne s’y laissent pas prendre, à l’instar du quotidien Le Monde qui titrait dimanche : «En Suisse la victoire attendue des populistes aux élections fédérales»[1]. De son côté, le journal Le Point reste perplexe: «Le plus étonnant dans cette élection, c'est qu'elle s'est jouée sur la question migratoire, alors que la Suisse, qui n'appartient pas à l'Union européenne, n'est guère concernée par l'arrivée massive de réfugiés, venant notamment de Syrie!»[2]. En résumé, nous n’avons ni immigration de masse, ni chômage, ni crise économique, mais nous nous barricadons tel un pays accablé de tous les maux.

Outre le manque d’émotion suscité dans la presse par les résultats de ce dimanche, ce qui me paraît le plus révoltant, c’est le manque de rébellion de la part de la population. Où sont les jeunes à qui le pays prépare un brillant avenir? Car c’est bien moins d’Europe, moins d’échanges et plus de chômage qui sont désormais les perspectives offertes à ma génération par la volonté de l’UDC d’obtenir «l’indépendance de la Suisse par rapport à l’UE» – c’est-à-dire par l’abandon des accords bilatéraux et l’isolement du pays. Et où sont les femmes à qui l’UDC promet un fabuleux destin derrière les fourneaux? Car c’est bien elles qu’Oskar Freysinger voudrait exclure en définissant son parti de «viril, plein de téstostérone» et que Marc Bonnant renvoyait «à leurs fonctions sacrales», c’est-à-dire les enfants et la cuisine, lors d’une rencontre de l’UDC en septembre dernier[3].

Au vu de ces différents constats, il est clair que nous allons au-devant de temps difficiles pour les jeunes, pour les femmes et pour les étrangers de notre pays. Mais il n’est pas trop tard pour s’engager, pour aller voter et pour exprimer nos opinions. Car ce ne sont pas les valeurs de l’isolement, de la peur et du mépris que je souhaite pour mon pays, mais celles de l’ouverture, de la solidarité et du partage, valeurs que nous partageons avec les Européens. Et ce n’est pas parce que nous ne serions pas d’accord avec la politique actuelle de l’UE, qu’il nous faut refuser aux Européens notre participation à la gestion des crises en veillant notamment à contingenter leur main-d’œuvre – souvent plus que qualifiée – qui franchit nos frontières!  Enfin, nous avons le devoir d’aider à trouver des solutions, de participer à la création d’une démocratie européenne plutôt que d’adopter la posture de l’observateur critique et détaché, qui est souvent celle du lâche. Car n’y a-t-il pas plus grande lâcheté que de vouloir quitter le navire qui coule quand on aurait les moyens de le maintenir à flot? Alors non, je ne renoncerai pas à m’engager pour nos valeurs et pour l’Europe et j’encourage chacune et chacun à lutter pour ses libertés – il n’est jamais trop tard pour cela.

 


 

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