Les aléas d’une jeune pro-européenne en Suisse

L’ouverture passe par l’échange

Il est 7h30, ce jeudi matin de mi-juin dans le train Lausanne-Berne. A la fenêtre défile le décor matinal – mais non moins féerique – du Lavaux. Assis dans un compartiment à quatre, trois étudiants s’extasient sur le paysage tout en débattant de l’examen qui les attend à leur arrivée tout à l’heure à l’Université de Fribourg. La scène pourrait paraître banale si ce n’est une petite particularité: la langue parlée est bien le français, mais aucun d’entre eux ne semble être de langue maternelle. Plus que cela, leur accent fleure bon le soleil d’Espagne pour l’un et chante les origines slaves des deux autres. Une conclusion s’impose donc très vite: il s’agit d’étudiants en séjour Erasmus en Suisse.

C’est que notre pays est une destination très prisée des étudiants européens: nos universités comptent parmi les meilleures d’Europe et le cadre de vie y est agréable. Lorsque je faisais partie de l’organisation Erasmus Student Networt (ESN – qui s’occupe de l’accueil des étudiants étrangers dans les universités), j’avais demandé à une étudiante quel était son intérêt à venir étudier en Suisse: «C’est un pays qui n’est pas très connu et qui n’a pas toujours bonne réputation en Europe. Je voulais voir ce qu’il en était et j’avais entendu beaucoup de bien de ses universités». Elle m’avouera plus tard avoir adoré son séjour, même si la vie ici était parfois «un peu trop calme».

Avant et après le 9 février

Cependant, quand on parle d’Erasmus, on parle également d’un avant et d’un après 9 février 2014. En effet, si les étudiants européens se bousculaient aux portes des universités helvétiques lorsque la Suisse faisait partie du programme, la chute des candidatures en 2014 a été évaluée entre 10 % et 40 % depuis que la Suisse est considérée comme un pays tiers.[1] A l’inverse, les Suisses sont toujours aussi nombreux à se rendre dans les universités de l'Union européenne. Les étudiants de l’UNIL n'ont même jamais été aussi nombreux à partir à l'étranger, alors que le nombre d'élèves étrangers en séjour à Lausanne a baissé d'environ 10% en 2014.[2]

Face à ces données, force est de constater que les étudiants européens, bien que curieux de découvrir ce qui se cache derrière la réputation lisse et pas toujours flatteuse de la Suisse, hésitent de plus en plus à y venir depuis que le flou règne autour des programmes d’échange. «Que l’on aille en Suisse ou aux Etats-Unis, ce sont les mêmes procédures d’admission maintenant que votre pays est un pays tiers. Pour beaucoup, le choix est vite fait», estime Diego, étudiant espagnol à Lausanne. Quant aux jeunes étudiants suisses, ils sont plus que jamais décidés à partir à la découverte de l’Union européenne, de ses universités et de sa culture. Il suffit d’entendre les témoignages enthousiastes des étudiants de retour d’Erasmus pour s’en convaincre : «Je devais partir six mois et je suis finalement restée un an. Le retour a été dur et, depuis, je conseille à chacun de vivre une fois dans sa vie ce genre d’expérience».

C’est là que réside donc un pouvoir important de lutte contre l’isolement qui menace la Suisse: par l’échange de la jeune génération avec nos voisins européens, la découverte mutuelle de nos cultures et le partage de nos valeurs. Et une chose est sûre: les jeunes Suisses ne sont pas prêts à renoncer à Erasmus – et donc à l’ouverture – et c’est bec et ongles qu’ils défendront «leur» programme !


 

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