Mesurer la performance par des notes, lettres, points, indicateurs divers n’a rien de nouveau. Les professeurs notent les élèves. Les employeurs évaluent leurs collaborateurs. Ils le font en qualité d’experts.
C’est en matière de services, d’interactions, de transactions, que le monde ne semble plus pouvoir se passer de mesurer notre satisfaction. Nous voici donc soudain (experts ?) notant pêle-mêle déplacements, livraisons, professions libérales, dépannages, propreté des lieux, etc. Au prétexte d’amélioration continue, le monde tournerait-il soudain (mieux) autour d’étoiles, points, pouces levés ou en berne, boutons « sourire » ou « grimace »?
Il n’est pas rare que des employés annoncent aux clients qu’une demande d’évaluation de 0 à 10 leur parviendra. Et de préciser que 7-8 est une note moyenne, tandis que 9-10 correspond à une très bonne prestation. Face à l’absurdité, on serait tenté de s’abstenir d’évaluer. A moins que l’absence de note ne s’avère pénalisante pour le collaborateur !?
A coup de « j’aime » ou « je n’aime pas », qui, de la prestation ou de la personne, évaluons-nous au juste? Avec quelle incidence sur son travail, sa rémunération ? A brasser des étoiles, points, sourires et grimaces, j’ai pour ma part l’impression d’agir sur le symptôme plutôt que sur la source, de donner une réaction simpliste à une question souvent multifactorielle. De contribuer davantage à la visibilité de l’entreprise par les moteurs de recherche, qu’à son excellence.
Je suis viscéralement attachée à la qualité du service, à l’amélioration des prestations, y compris des miennes. Et tout aussi consciente de la somme de facteurs qui construisent une réputation, outre les étoiles et les points.
Pensons au client qui évalue à quel point un professionnel a résolu sa situation, sachant que certains problèmes requièrent la collaboration du client. Pensons au patient évaluant un médecin qui, pour des raisons précises, ne lui prescrirait pas le traitement qu’il souhaite. Plaire est certes agréable mais dangereusement réducteur.
Allons un pas plus loin. Imaginons que des conjoints au seuil de la séparation, se notent «pour mieux servir le prochain partenaire». Que notre médecin note notre performance à suivre le traitement prescrit. Que notre degré de civisme pendant la pandémie soit noté (et par qui ?). Que les enfants évaluent leurs parents et vice-versa. Et si nos notes isolées s’agrégeaient pour nous attribuer une évaluation universelle ? Et si cette dernière nous donnait un accès plus ou moins aisé à un travail, un logement, un crédit, une relation amoureuse? A ce propos, je signale l’ouvrage « La nouvelle guerre des étoiles » de Vincent Coquaz et Ismael Halissat.
Je peux me tromper mais… notre discernement me semble être l’unique rempart pour ne pas répondre à n’importe quoi sans se demander qui et à quoi cela sert vraiment. Pour ne pas s’engouffrer dans des tendances inabouties. Pour raison garder au milieu des étoiles.
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