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Brèves de Psy expérimente aujourd’hui avec une question et une réponse courte de chacun de nos 4 blogueurs.
4 points de vue, la psychothérapie est plurielle, bienvenue à la diversité des expériences, des compréhensions, des croyances.
De Sylvie Saudan, Brigitte de Raemy, Thomas Noyer, Stephen Vasey
« Vous êtes tous un peu perchés vous les psys… », Angèle [Prénom fictif] me regarde avec un petit sourire. « On vous parle d’une flaque d’eau, vous nous répondez qu’on a un problème avec nos parents ».
Il était question de son opposition à consulter. Angèle est une jeune fille de 17 ans, suicidaire, hospitalisée à deux reprises suite à des tentamens graves.
« Il faut sûrement être perché pour s’intéresser à vous…vous me dites que vous n’avez aucune valeur ».
Angèle ne pense pas, elle agit. Ou elle pense trop, mouline, angoisse. Difficile de la rencontrer, je dois la faire penser….
On se rencontre, elle s’exprime bien, elle est intelligente, sensible. Une grande richesse mais ça ne rend pas service. Elle commence à raconter, à se raconter. La pensée est moins menaçante, elle commence à jouer avec.
Elle dit les enjeux de ses relations, familiales, amicales, amoureuses avec une telle clairvoyance qu’elle me transmet ses peurs. Je le lui dis : « le projecteur que vous braquez sur votre vie est vraiment trop fort, cette lumière tellement blanche…c’est brûlant mais ça me glace ». Elle rit…
Angèle vient me voir chaque semaine, trainant sa mélancolie en arrivant. Elle la dépose parfois, se montre sans artifices mais s’y réfugie vite. Difficile pour elle d’accepter ce lien qui la ramollit. Va-t’elle plus mal depuis notre rencontre ? Et quel sens ça a de parler de ce trop réel ?
Je perçois sans l’éclairer cette part d’elle qui s’éclaircit. Angèle s’intéresse, elle aime. Elle peut presque jouer à taire ses désirs, ses plaisirs. Un jour elle me dit « je pue l’espoir ».
Elle me quitte avant d’aller trop bien. Elle remonte en selle pour reprendre son chemin caillouteux, seule, j’espère plus libre. Et me laisse, après ces mois de suivi, à ma pensée de psy, qui panse mais ne guérit pas.
Sylvie Saudan
« Mon médecin m’a proposé de débuter une psychothérapie en raison de symptômes physiques qu’il a identifiés comme liés au stress, mais maintenant, en plus des douleurs pour lesquelles j’ai consulté, je me sens en colère et irrité du matin au soir. Est-ce que la thérapie n’est pas en train d’aggraver ma situation, voire de me créer de nouveaux problèmes ? » Mon client a raison de se poser cette question et également de me la poser.
Parfois quand la personne sent des changements, elle pense que ceux-ci sont le signe d’une péjoration, alors que la psychothérapeute se réjouit de signaux qui indiquent une évolution positive. Par exemple, dans cette situation, le fait de ressentir l’émotion de colère montre que la personne commence à avoir accès à ce qui était, jusque-là, sous-jacent à ses symptômes, à ce qui manifestait de manière indirecte un mal-être, un désaccord interne, un blocage. Le fait que la colère apparaisse indique qu’il y a un peu plus de jeu, de mouvement à l’intérieur de la personne, que la vie circule mieux. Toutefois si l’émotion était bloquée ce n’était pas sans raison, c’est pourquoi il n’est pas question de forcer le passage pour que la situation évolue vers un mieux-être.
Il faut aller à la rencontre de l’émotion, des sensations, ce qui nécessite du courage et d’être accompagné. Ce parcours doit s’inscrire dans la « fenêtre de tolérance » de la personne, c’est à dire qu’il ne faut pas aller trop vite car la personne risquerait d’être submergée et il ne faut pas non plus rester dans un confort familier car la situation ne changerait alors pas. Il s’agit de trouver la voie, ensemble, pour aller à la rencontre des blocages qui ressemblent parfois à des monstres à apprivoiser. Quand on est en face du monstre, ce n’est pas qu’on va plus mal, c’est qu’on a ouvert les yeux !
Brigitte de Raemy
Je veux aller tout en haut de l’immeuble, mais l’ascenseur est en panne et il me faut monter les escaliers à pied avec tous mes bagages. Difficile. Très difficile. Je peste en montant le premier étage. Mes bagages sont très lourds. Je ne réfléchis pas, je continue à monter machinalement.
Me voici quelques étages plus haut, à bout. Une femme est assise dans un fauteuil, son regard est calme, profond et bienveillant. Je pose mes bagages et m’assieds dans le fauteuil en face d’elle.
La femme :
Vous avez l’air drôlement fatigué
Moi :
Oui. Je fais une pause avant de poursuivre ma route
La femme :
Vous allez monter avec toutes ces pierres ?
Moi (je regarde dans mes sacs, surpris) :
Je ne m’étais pas rendu compte que je portais des pierres
La femme :
Ça a l’air de vous embêter de le constater
Moi :
Oui. Me voici avec un problème. Si vous ne m’aviez rien dit, j’aurais repris ma marche comme avant
La femme :
À présent vous êtes conscient d’un problème qui était là depuis un moment
Thomas Noyer
Un ami parisien m’a dit il y a bien longtemps quelque chose de très confrontant : « ah moi je ne ferai jamais de thérapie de couple, tous mes amis qui en ont fait se sont séparés ».
Le travail psychothérapeutique peut-il être destructif ? Peut-il accentuer le mal-être individuel, semer la discorde dans les couples, les familles ou les équipes ? Est-ce comme une boite de Pandore, une fois ouverte, la catastrophe suit ?
Il est vrai que les personnes qui viennent consulter sont en général affaiblies déroutées, blessées et sont donc vulnérables.
Sur la masse de toutes les consultations données ces dernières années, je suis convaincu que mon travail est fondamentalement utile et peut être même très efficace. Néanmoins, je ne suis pas à l’abri de faux pas, de maladresses.
L’impuissance aussi fait partie de la relation d’aide, sentiment difficile à vivre évidemment. Et nous ne pouvons garantir un résultat, nous ne détenons pas le pouvoir sur la vie des gens, nous sommes plutôt occupé à les aider à le retrouver.
Un exemple : certains couples viennent me consulter, apparemment pour se retrouver, et découvrent au fil du travail thérapeutique qu’au fond, ils ont besoin de se séparer. A eux de juger si ceci est un échec ou une prise de conscience courageuse.
Lorsque l’option de travailler les problèmes est choisie, de les mettre sur la table, il y a un effet loupe qui magnifie la gravité des souffrances et l’un ou l’autre peut avoir la vision biaisée que tout va mal ! D’où l’importance de créer un équilibre avec des propositions orientées solutions, en développant les habilités relationnelles de chacun.
Et pour terminer, oui un thérapeute devient dangereux lorsqu’il ne tient pas le cadre, et prescrit une décision à la place du patient, du genre : « je crois qu’il faut quitter votre femme, cher Monsieur! ».
Comme pour les médecins, choisissez en conscience votre psy, faites une première consultation et décidez si c’est la bonne personne pour vous !
Stephen Vasey
Et ce que vit le psychothérapeute ?.. Je ne parle pas de ce qu’il éprouve lors de l’entretien, mais simplement de son sentiment quand il a un moment à lui en rentrant de son travail, comme : « C’est mon métier, je l’ai choisi, j’en suis satisfait, oui… Mais aucun métier n’est certainement un rêve, et pour celui-ci il ne faudrait surtout pas le vouloir !.. »
Métier ingrat ? Ingrat en rapport de quelle attente ? Et à ce sujet je souhaite citer le psychiatre chez qui j’avais fait une psychothérapie « jeunesse » dans les années soixante-dix. Au dernier rendez-vous il m’avait posé une question dont je ne parviens pas à me souvenir en paroles, mais qui pouvait être quelque chose comme : « Et alors ? Maintenant… Qu’avez-vous à me dire avant de partir, hors de mon bureau, pour aller dans la vie qui est devant vous ?.. » Ma réponse : « Eh bien, je me sens vraiment beaucoup mieux au départ qu’à l’arrivée, plus solide, prêt à vivre, c’est sûr… Mais je n’ai pas eu le rêve que je souhaitais. C’est comme la blague de mauvais goût du fauteuil roulant à Lourdes, vous connaissez… » Lui : « Non, je ne vois pas… » Moi : « C’est le paralysé qui est plongé avec sa chaise dans la piscine, et quand il en ressort… Le miracle est arrivé !.. La chaise a des pneus neufs ». Lui : « Ahahaha ! Je ne la connaissais pas, c’est tellement vrai ! »
J’avais bien apprécié qu’il me demande, pour cette dernière rencontre, mes sentiments intérieurs… Mais et lui ? Je voulais aussi lui serrer la main un peu de cette manière : « Vous m’avez bien aidé, je le pense sincèrement, même si ce ne sont que des pneus neufs. Je ne vous oublierai pas ». Lui : « Oh… Vous savez, j’ai eu tant de patients qui m’ont remercié, mais c’était finalement mieux pour eux qu’ensuite ils m’oublient. J’avais un boucher qui m’avait déclaré : « Docteur, je vais de mieux en mieux, c’est grâce à vous. Quand je serai guéri entièrement, je vous enverrai un bon et beau jambon que je choisirai moi-même ! » Le boucher avait guéri, mais je n’ai jamais reçu le jambon… » Cette histoire était triste ! J’avais dit au psychiatre : « Eh bien moi je ne suis pas comme ça, si je dis que je ne vous oublierai pas, c’est que ce sera vrai… »
Après deux ou trois ans, j’avais repensé à ce dernier rendez-vous, et lui avais envoyé un petit colis avec un salami au poivre de la Gruyère, un couteau, et une planchette, avec quelques mots : « Je me souviens que vous m’aviez dit une fois adorer cette marque de salami au poivre, et c’est vrai que c’est délicieux, j’en ai acheté un aussi pour moi ». Depuis cet envoi, je lui envoyais une lettre en moyenne tous les trois ans, et recevais chaque fois une réponse sympathique. Comme il aimait dessiner et moi aussi, chacun envoyait avec le message un dessin surprise issu de son imagination (sans légende ni titre, parce que le dessin devait tout dire !)
Pour l’avant-dernière lettre, 30 ans après le dernier rendez-vous, il avait déjà 84 ans. Mon message avait été : « Je me souviens quand vous me disiez que le monde devient triste, à cause du commerce qui s’immisce de plus en plus dans notre vie affective et sexuelle. Trente ans après c’est dix fois plus… Cela me rend triste, et pour vous ? Pouvez-vous me dire quelque chose ? » Sa lettre de réponse : « Cher Dominic, vous vous souvenez certainement qu’à cette époque je ne croyais déjà à pas grand-chose, aujourd’hui je ne crois plus à rien… » Mais il m’avait quand même envoyé un dessin de bel avion futuriste des années soixante qu’il avait créé dans le présent, en retour de ma voiturette à trois roues qui voyageait dans le temps de la même manière.
La dernière lettre envoyée, c’était celle où je lui avais dit simplement, sans autres paroles : « Je me souviens de vous… » Il m’avait répondu avec un petit dessin, son autoportrait… C’était bien lui ! Mais malgré tout mes efforts, j’étais incapable de donner un âge à ce visage. L’âge dans le souvenir ? Ou l’âge réel ? Le dessin ne pouvait pas, ne voulait pas me le dire !.. Le psychiatre qui se disait « pessimiste avec espoir », qui m’avait si bien aidé, est mort à 88 ans, une année après le dessin sans âge…
Quelle belle histoire, je la trouve touchante, vraie… merci pour ce partage.
Nous avions comme consigne une demi-page, ce qui oblige à la concision, mais votre remarque est tout à fait pertinente. Il est clair que notre métier nous transforme, nous rendant parfois aigris, désillusionnés. En ce qui me concerne j’ai encore gardé un espoir très vivant en l’humain, que j’aime profondément, ainsi que mon métier. Par rapport au sujet, j’ai traversé des moments très difficiles de prises de conscience, qui m’ont ébranlé fortement et remis en question beaucoup de pans de ma vie. Mais je dirais que je suis plus heureux à présent. Comme je l’écris dans ma contribution, être conscient est parfois confrontant et c’est peut-être le prix pour un mieux-être.
Merci d’avoir parlé de vous. J’aurais envie de dire : « Ah vous avez un beau métier… » Simplement parce que dans la majorité des autres professions, le succès personnel dépend pas mal de la faculté à savoir se servir des autres. Entre les échecs et les succès, vous restez vrai, ne trichez jamais personne, et cela vous permet de vivre, je trouve cela idéal !
Après avoir pris beaucoup de place dans cette colonne, me permettez-vous d’ajouter une brève touche optimiste, cette fois-ci dans le contexte des relations de couple, pour avoir envie de sourire un peu, sans plus ! J’avais dans le temps souvent des personnes très jeunes qui venaient me trouver après des chagrins, et finalement je m’étais dit : « Tiens, pourquoi est-ce que je ne proposerais pas par petites annonces un service pour me faire un peu des sous, mais loin de mon quartier d’habitation » : « Comment rompre ? » (Internet, les blogs, les réseaux sociaux n’existaient pas). J’avais eu pas mal d’appels, des rencontres au café, mais pas pour rompre : « Comment lui dire que je l’aime ?.. » C’était une drôle de surprise, et là j’avais pensé : « Mais oui, il n’y a pas que des jeunes filles qui pleurent, mais aussi des garçons qui veulent être heureux ! Pourquoi est-ce que je n’y avais pas songé ?.. » Mais pour les sous que je voulais mettre dans mon porte-monnaie, hem… Je me sentais quand même coupable de ponctionner l’argent de poche. Un café offert, et parfois un écho heureux que je trouvais dans ma boîte aux lettres, en quelques mots sur une carte postale, valaient plus que dix francs ! Des bons souvenirs qui me reviennent, et qui prennent une place plus grande que les souvenirs de mon « vrai travail » à l’association à but social, avant que je me décide à prendre ma retraite quand mon directeur avait déclaré : « Dominic, mets-toi dans la tête que nous devons être rentables, nous voulons exister, nous ne faisons plus du social ! »
Que répondez-vous à ceux qui disent que si le médecin de Habte A. avait adressé son patient à un médecin psychiatre et non pas à un simple psychologue, le drame aurait été évité ?
“war bereits vor mehreren Monaten von seinem Hausarzt an einen Psychologen überwiesen worden. ”
https://www.tagesanzeiger.ch/schweiz/standard/habte-a-fuehlte-sich-von-zugpassagieren-verfolgt/story/30369912
Et qu’il faut donc urgemment revenir en arrière sur le projet du Conseil fédéral d’émanciper les psychologues des médecins psychiatres… ?? car ce ne sont pas des médecins et qu’ils ne sont dès lors pas en mesure de traiter des maladies… (juste à faire de l’accompagnement psychosocial)
Je n’ai malheureusement pas accès à l’article que vous citez, ni n’ai pu trouver l’histoire via internet.
En Suisse, un médecin a des pouvoirs qu’un psychologue n’a pas (des connaissances pharmaceutiques et la possibilité de prescrire des médicaments par exemple). Il est du devoir du psychologue de déléguer à un médecin si ce qui doit être fait dépasse son pouvoir. Parfois c’est difficile à juger, surtout si le psychologue n’a pas d’expérience en milieu médical (ce qui en Suisse fait partie de la formation de psychologue-psychothérapeute – 2 ans dans une institution médico-sociale). Il m’est arrivé d’hospitaliser depuis mon cabinet privé par exemple, mais c’est un geste qui n’a pas toujours le soutien du réseau, car il n’est pas encore dans les moeurs. Ca risque peut-être de changer si les psychologues sont admis dans un modèle de prescription.