Un nouveau weekend rempli de news “marathoniennes”, avec les courses de Lausanne et Lucerne ce dimanche. Face à la multiplication des courses et des participants, comment ignorer les idées sur la dangerosité de ces courses pour les articulations, en particuliers les genoux! Logique simple et implacable: les impacts répétés sur le bitume, ça ne peut que détruire les articulations. Et comme souvent, la réalité est bien différente et les intuitions sont trompeuses. En piste…
L’arthrose des articulations, prenons le cas du genou, est un phénomène un peu plus complexe que ce que nous pensons en général. Si elle représente en effet une forme d’usure du cartilage qui permet le bon fonctionnement d’une articulation, ses causes sont moins évidentes. Il nous faut reconnaître que de multiples éléments jouent un rôle dans son développement.
Les différentes structures du genou qui peuvent être blessées et contribuer au développement de l’arthrose.
ARTHROSE, LES CAUSES
La génétique – Impossible à quantifier précisément, son rôle est clairement établi dans la genèse de l’arthrose. A toutes autres causes égales, certaines personnes développeront de l’arthrose prématurément, par le truchement des quelques 80 mutations génétiques qui y sont associées.
Les blessures – Les accidents qui ont entraîné une atteinte des ménisques, des ligaments du genou (surtout le ligament croisé antérieur), de la rotule (luxation) ou encore directement du cartilage, vont accélérer la survenue de l’arthrose. Les corrections chirurgicales, bien que parfois nécessaires, ne permettent pas de limiter ce risque autant qu’on le souhaiterait.
L’inflammation – Son rôle n’est pas totalement compris, mais elle est présente dans les genoux arthrosiques. Certaines atteintes métaboliques (obésité, diabète) ou maladies rhumatismales y sont associées et l’arthrose s’en retrouve favorisée.
La capacité de l’articulation – Par là, on entend l’équilibre entre ce que l’articulation peut tolérer ou absorber en termes de charge mécanique, et la quantité de ces charges. De plus, leur localisation peut varier en fonction de l’anatomie constitutionnelle (facteurs biomécaniques, déformations) ou lorsque celle-ci est modifiée par les blessures. Certaines zones de l’articulation se verront alors plus sollicitées et pourraient en souffrir. On peut améliorer la capacité des genoux en assurant une bonne force musculaire au niveau des membres inférieurs, et une utilisation régulière de ces derniers (par des activités physiques). Ceci aura un effet positif aussi sur l’inflammation en général. A l’inverse, une personne obèse aura un déséquilibre vers plus de charge, sans pour autant avoir développé la tolérance de l’articulation. L’obésité joue ici un rôle mécanique, mais aussi inflammatoire.
ET LE MARATHON, ALORS?
Plus d’impacts = plus de charge = plus d’usure? Cette équation ne fonctionne pas si bien, heureusement pour les coureurs(ses). C’est ici qu’intervient une étude publiée la semaine passée:
L’étude – 71 personnes de 44 ans en moyenne, préparant leur premier marathon (Londres 2017). Ils n’avaient pas de blessures majeures des genoux, et ont pu accomplir 4 mois d’entrainement bien conduit. Une résonance magnétique (IRM) est réalisée 2 mois avant le début de l’entrainement, puis à nouveau 2 semaines après le marathon. 11 personnes qui n’ont fait aucune course ont servi de groupe témoin.
Les résultats – 52% des coureurs(ses) avaient diverses anomalies des ménisques, tant avant qu’après, sans évolution entre les deux moments. Dans le groupe témoin, c’était 50%. Pour le cartilage, 65% des coureurs(ses) avaient des atteintes présentes, surtout sur la rotule, tandis que le chiffre est de 68% chez les non-coureurs(ses), aucun changement avant/après. Mais le résultat le plus étonnant réside dans les zones de stress des os adjacents à ce cartilage: ce que l’on appelle l’os sous-chondral. Si les contraintes sont importantes, ce dernier peut montrer des signes de stress sur les images. C’était le cas de 41% des personnes dans les 2 groupes. Après le marathon, celles et ceux qui ont couru avaient MOINS de ces signes de stress, tandis que les non-coureurs(ses) en avaient PLUS.
CE QU’ON EN CONCLUT
Premièrement, les images détaillées des genoux chez un groupe de personnes de 44 ans (âge moyen du groupe) montrent différentes “anomalies”, alors que ces personnes ne se plaignent de rien. Rien de neuf ici, c’est connu depuis longtemps. Par contre, ces anomalies ne sont pas aggravées après un marathon, voire même certains aspects liés aux contraintes mécaniques (réaction d’irritation de l’os sous le cartilage) pourraient s’améliorer. Et cette intuition, alors, qu’en fait-on?
Pour expliquer ceci, il faut retourner à la notion de “capacité” de l’articulation, ou probablement même du corps entier. Un bon entrainement physique progressif permet le développement de la force, de l’équilibre et du contrôle proprioceptif. Ces éléments locaux autour de l’articulation lui permettent de mieux fonctionner. Une autre étude montre que les personnes qui continuent à courir régulièrement (9 fois par mois) avec une arthrose, en souffrent moins et leurs indices radiologiques ne s’aggravent pas. Et finalement, il semble que les marathoniens proches de 50 ans présentent 2 fois moins fréquemment de l’arthrose que les non-coureurs(ses). Quant aux effets globaux de l’entrainement, ils contribuent à l’amélioration de l’endurance, de la circulation sanguine et de l’inflammation générale, et ainsi évidemment de la santé générale.
Sortez donc vos runnings sans craintes, mais sachez y aller progressivement. Et qui sait, vous pourriez aller loin….
Quant à moi, je suis allé nagé avant de faire une balade en famille à vélo hier. Mes genoux se portent bien, mais la variété des activités et le partage prime tout de même ;-).