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La hanche d’Andy Murray – tout ce que le sport d’élite ne nous raconte pas

Cette semaine, l’ancien numéro 1 mondial s’est effondré en larmes, avant même de commencer sa conférence de presse, le forçant à sortir quelques instants pour retrouver ses esprits. Il reviendra pour annoncer que sa hanche lui cause tellement de douleurs que c’est devenu trop dur à supporter. 

A travers ces quelques minutes d’interview, Andy Murray se met à nu, ses émotions sont au premier

plan, et les mots viennent donner un peu d’éclairage sur son absence des courts depuis Wimbledon 2017. Comment comprendre sa blessure? Avant de donner quelques pistes, je dois déclarer que je n’en ai pas les détails précis, au-delà de ce qui a été communiqué dans les médias.

COMMENT UN JEUNE ATHLÈTE PEUT-IL ABÎMER SA HANCHE ET SON CARTILAGE?

Il y a plus de 15 ans qu’un chirurgien bernois, le Prof. Reinhold Ganz, a décrit les premières présentations d’une atteinte de la hanche survenant surtout chez les jeunes athlètes, atteinte qui a été nommée “conflit fémoro-acétabulaire“.

Pour résumer la pathologie, la forme de la hanche est modifiée et la configuration anatomique habituelle de tête ronde du fémur s’articulant avec une cavité concave congruente (le cotyle) n’est plus respectée. On observe deux types de déformation qui perturbent le fonctionnement de la hanche: 1. perte de la sphéricité de la tête du fémur (déformation de type “came”). 2. déformation du toit du cotyle qui vient buter contre le fémur lors de certains mouvements (type “tenaille” ou pincer).
Ce conflit vient progressivement endommager le labrum (ou bourrelet cotyloidien), lequel fonctionne comme une sorte de ménisque dans la hanche. A terme, c’est le cartilage qui n’est pas protégé, qui encaisse trop de pression et contraintes, et s’use prématurément. C’est l’arthrose précoce de la hanche, et c’est très vraisemblablement ce qui arrive à Andy Murray.

Les athlètes présentent plus fréquemment ce type de problème, car il semble que le type de contraintes sur la hanche (selon les sports pratiqués) et l’intensité de la pratique (notamment à l’adolescence) puisse favoriser ce changement délétère de structure de la hanche. On le voit en particulier au hockey sur glace, à la danse et au football. Il faut aussi dire que des facteurs génétiques jouent un rôle. L’atteinte se développe lentement avec plus ou moins de douleurs associées. Andy Murray explique: “J’ai joué avec des douleurs à la hanche depuis de nombreuses années, ce n’est pas comme si cela venait de commencer”. Toutefois, il y a aussi de nombreuses personnes qui ont développé une anatomie de ce type sans pour autant ressentir de douleur, mais il est sûr que le sport de haut niveau impose des contraintes excessives avec ce genre de résultats malheureusement.

Vous pouvez consulter cette vidéo qui décrit ce conflit en animation et ses conséquences pour un chirurgien spécialisé dans la hanche:

QUEL FUTUR POUR ANDY MURRAY?

C’est une question qui aujourd’hui brûle les lèvres de tous les médias: quelles seront ses activités futures? Choisira-t-il de devenir consultant pour la télévision comme John McEnroe? Va-t-il se tourner vers une carrière d’entraîneur/conseiller comme tant d’autres anciens joueurs de renom? Ou s’orientera-t-il vers une autre forme de reconversion professionnelle? Rappelons qu’il n’a que 31 ans, et qu’il a une longue carrière professionnelle au-delà du sport qu’il l’attend.

Toutefois, on peut aussi poser la question différemment. Quelle est l’avenir de sa santé physique (et psychologique) après son retrait du tennis? Il a été opéré en janvier 2018, et le chirurgien a certainement tenté de modifier un peu la structure osseuse et de réparer au mieux le labrum de la hanche. De la bouche d’Andy Murray: “cela n’a rien changé à mes douleurs”. Sans même parler de retour à la compétition, il explique que des gestes de la vie quotidienne sont douloureux, comme mettre ses chaussures, et qu’il aimerait bien pouvoir vivre normalement. Il a aussi consulté de nombreux thérapeutes, psychologues aussi, afin de tenter de gérer ses douleurs maintenant chroniques au mieux. Maintenant qu’il a décidé de dessiner une ouverture au bout du tunnel dans lequel il se trouve, il pourra certainement lâcher la pression, et envisager la suite plus sereinement, qu’elle implique une nouvelle prochaine opération (de type prothèse de la hanche) ou non.

LES RÉALITÉS DU SPORT D’ÉLITE

Lorsque nous regardons ces athlètes réaliser leurs prouesses, il est difficile de comprendre que parfois, et plus souvent qu’on ne le pense, il existe une souffrance physique fréquente, à laquelle se surajoute une composante psychologique importante. Un autre élément me frappe régulièrement dans les médias et le public: la croyance que les blessures pour lesquelles les athlètes choisissent de se faire opérer vont complètement guérir et que le retour à la performance habituelle est la norme. Ce n’est pas le cas. L’athlète fera tout ce qu’il/elle peut pour revenir à la compétition, mais souvent au prix de douleurs, de frustrations, d’autres blessures, et malheureusement d’échecs plus fréquemment que de nouvelles performances durables.

Je vous laisse avec une interview de Roger Federer, qui s’exprime sur ce qu’il considérerait comme une fin de carrière idéale. La journaliste espère probablement une réponse qui parle d’une ultime victoire en apothéose du Maître, et celui-ci de répondre avec sa sagesse qu’on luit connaît: “terminer en bonne santé”.

Souhaitons à Andy Murray de pouvoir faire face à ses nouveaux challenges après sa retraite avec sérénité, et moins de douleurs.

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