Brrrr…. des JO sud-coréens trop froids pour les athlètes?

Les JO ont commencé, et le froid a pris le devant de la scène, telle une distraction bienvenue au milieu des multiples imbroglios autour du dopage. Mais quels sont les effets du froid sur la compétition sportive? Explications.

Oui le froid a une incidence non négligeable sur les compétitions des JO, et on en parle beaucoup ces jours. Le plus évident, ce sont les éventuels reports ou incertitudes des départs. Cette nuit, la descente à Feuz (au vu des commentaires chez nous, on pourrait croire que l’épreuve lui est destinée) a été reportée, mais attention: là, c’est à cause du vent, pas pareil, même s’il y a des liens. Le froid pose des problèmes à plusieurs niveaux, que nous allons prendre un par un.

1. L’ECHAUFFEMENT

On l’entend assez, l’échauffement est primordial avant le sport, pourquoi en fait? Le but est de faire monter la température corporelle en activant les réactions métaboliques productrices de chaleur, comme les contractions musculaires (secret: le stretching n’échauffe pas, bien qu’il contribue à la préparation de l’athlète). Ceci a pour effet de faciliter les réactions enzymatiques qui permettent l’utilisation de l’énergie pour produire un mouvement des muscles, lesquels fonctionnent mieux en étant plus chauds. Les nerfs aussi bénéficient de l’augmentation de température: les communications entre nerfs et nerf-muscle sont accélérées (ou plutôt passablement ralenties par le froid, surtout au-dessous de 0°C). Le pire survient lorsque le corps se met à frissonner avant le départ: cela produit du lactate, fatigue l’athlète et diminue sa capacité de performance.
MESURES A PRENDREmaintenir le corps au chaud (habillement supplémentaire pendant l’échauffement et les phases d’attente au froid), limiter l’exposition au froid au maximum, répéter l’échauffement au plus proche du départ, boissons chaudes.

2. L’EFFICACITÉ DU MOUVEMENT

On l’a vu, les impulsions nerveuses sont ralenties au froid. En plus de cela, l’efficacité avec laquelle le corps transforme l’énergie pour effectuer un déplacement (ce qu’on peut appeler le rendement énergétique de la machine) est diminuée. En gros, la machine consomme plus d’énergie que d’habitude pour le même exercice, donc l’athlète fatiguera plus vite et la performance sera moins bonne.
MESURES A PRENDRE – l’expérience permet de ne pas démarrer son activité trop rapidement et de recalibrer son rythme en fonction de la baisse de performance attendue.

3. APPORTS ÉNERGÉTIQUES ET DÉSHYDRATATION

D’une part, le corps va consommer plus d’énergie au repos pour maintenir la température corporelle et ceci sans modifier réellement l’appétit. L’athlète encourt le risque de ne pas suffisamment augmenter ses apports alimentaires, notamment pour restaurer ses réserves en glycogène. D’autre part, le froid entraîne une perte liquidienne par les reins plus importantes, et par la respiration également (en chauffant l’air froid inspiré dans les voies respiratoires, de l’eau est perdue). La déshydratation est alors assurée.
MESURES A PRENDRE – augmenter ses apports alimentaires, notamment en hydrates de carbone, et maintenir un niveau d’hydratation optimal, les boissons chaudes seront les bienvenues, et celles contenants des sucres pendant l’effort aussi. Ajuster à la baisse les entraînements dans le froid.

4. DIFFICULTÉS RESPIRATOIRES

On sait déjà assez bien que les athlètes souffrent plus souvent d’asthme induit par l’effort pour différentes raisons (débit ventilatoire très important, assèchement des muqueuses qui sont plus irritables, réactions inflammatoires), et l’air sec et froid vient ajouter une couche supplémentaire en provoquant une fermeture des petites voies bronchiques, réduisant ainsi encore l’espace pour le passage de l’air. On appelle cela la bronchoconstriction induite par le froid. Selon les études, près de 50% des athlètes en ski de fond en souffrent.
MESURES A PRENDRE – le traitement de l’asthme doit être bien suivi et optimal. Le port d’un petit filtre devant la bouche (écharpe, tissu) permet parfois d’améliorer l’humidification et la température de l’air inspiré, mais n’est pas pratique pour les efforts à très haute intensité.

5. LÉSIONS DUES AU FROID – GELURES

Dans le contexte des JO, le risque de gelures reste très limité. Les températures en-deçà de -15°C sont souvent nécessaires, bien que le vent joue un rôle aggravant important, comme le montre le tableau ci-dessous. Plus la vitesse du vent est élevée, plus le froid contribuera au refroidissement des tissus et donc de la peau. On parle de l’index “windchill”, et on admet que s’il approche -27°C, le risque est majeur. A cela vient s’ajouter le danger cumulé de l’humidité. Des habits/gants humides laisseront échapper la chaleur bien plus que si le froid est sec uniquement.

Tableau montrant les équivalences de température ressentie en fonction du vent, et les risques encourus pour les gelures.

MESURES A PRENDRE – maîtriser les principes des multiples couches pour l’habillement, enlever rapidement des habits humides, se protéger du vent au maximum, et surtout couvrir doigts, oreilles et nez.

QUEL SPORTS SONT AFFECTÉS ET COMMENT?

Pour faire simple, on va considérer 3 catégories de sports (avec exemples): l’endurance (ski de fond), les épreuves courtes et explosives (saut à ski, bob, patinage de sprint…) et les épreuves demandant des habiletés techniques extrêmes (tir au biathlon) .

La performance en endurance bénéficie en général de température basses, et les études montrent qu’entre 5 et 10 degrés, les performances en course à pied sont les meilleures. C’est la surchauffe du corps qui est en fait plus délétère.

Les activités explosives et brèves souffrent très nettement de la baisse des températures ambiantes et de la difficulté à faire monter la température musculaire suffisamment pour une performance optimale. Voyez cette séquence sur le saut de Simon Amman et son interview frissonnante la nuit passée. Souvent, les meilleures performances en sprint (athlétisme) sont faites quand les températures de l’air avoisinent les 30°C. La capacité musculaire baisse progressivement avec la température.

Les activités très techniques demandent une dextérité importante et une capacité cognitive optimale, toutes deux perturbées par le froid intense.

LES ATHLÈTES À  PYEONGCHANG ?

On l’a entendu, les températures oscillent entre -5°C et -20°C environ. On touche clairement aux zones potentiellement dangereuses si les athlètes ne respectent pas les règles principales pour l’alimentation, l’habillement et l’hydratation. Les staffs médicaux sont là pour cela et les athlètes sont souvent bien expérimentés et savent gérer. Il est assez difficile de se préparer au froid, car le corps ne s’acclimate pas beaucoup sur le plan physiologique, contrairement aux situations de températures élevées.

Les règlements sont aussi là pour protéger les athlètes, et par exemple pour le ski de fond, le règlement de la FIS (fédération internationale de ski, art. 315.9) est de reporter le départ si la température est à -20°C, mais les paramètres de vent et d’humidité ne sont pas réglementés clairement (le jury peut décider de reporter s’il les trouve extrêmes).

Ce qu’il ne faut pas négliger, c’est l’effet psychologique et l’inconfort lié au froid. Ces perturbations peuvent ajouter au stress déjà important de l’enjeu olympique, et c’est là qu’une préparation optimale sur le plan psychologique (préparation mentale) peut porter tous ses fruits. La différence entre le succès et la déception se joue comme toujours à peu de chose, et ne pas se laisser perturber par le froid en fait partie. Bonne chance à tous les athlètes et #HoppSchwiiz!

RÉFÉRENCES

  • Nimmo M. Exercise in the cold. Journal of Sports Sciences 2004;22:898-916.
  • Castellani JW et al. Prevention of cold injuries during exercise, ACSM position stand. Medicine & Science in Sports & Exercise 2006 Nov;38(11):2012-29. doi 10.1249/01.mss.0000241641.75101.64
  • Bergeron MF et al. International Olympic Committee consensus statement on thermoregulatory and altitude challenges for high-level athletes. British Journal of Sports Medicine 2012;46:770-779. doi http://dx.doi.org/10.1136/bjsports-2012-091296.

Boris Gojanovic

Boris Gojanovic est médecin du sport à l'Hôpital de La Tour à Meyrin (GE). Son credo: la santé pour et par le mouvement. Sa bête noire: l'immobilisme. Il s'occupe de tous ceux, jeunes ou moins jeunes, sportifs ou non, qui pensent que bouger mieux les mènera plus loin. Il espère être un facilitateur, tout en contribuant au transfert et à l'échange de connaissances, tant dans la communauté que dans les auditoires.