La Grèce à nouveau sous l’épée de Damoclès?

Loin des projecteurs depuis presque deux ans, la Grèce revient sur le devant de la scène. A quelques heures du sommet européen des ministres des finances à Bruxelles, les conclusions du rapport sur la soutenabilité de la dette grecque par le Fonds Monétaire International (FMI), publié le 7 février 2017, viennent semer l’incertitude sur les marchés et créer la discorde au sein des créanciers de la Troïka. L’institution internationale basée à Washington D.C. est en désaccord avec ses partenaires européens et menace de ne plus participer au programme d’assistance, remettant ainsi en cause l’ensemble de l’accord découlant des fameuses négociations « marathon » de l’été 2015. La Grèce se retrouverait-t-elle à nouveau sous l’épée de Damoclès?

 

 

L’économie grecque a été au cœur des tourmentes de la crise de la dette de la Zone euro depuis maintenant déjà sept années. Balayant l’ensemble de l’échiquier politique jusqu’aux extrêmes, le peuple grec a élu cinq gouvernements différents, participé à trois programmes de sauvetage financier et subi de lourdes mesures d’austérité. Malheureusement, celles-ci n’ont pas produit les effets escomptés et ont mené ainsi à l’échec du premier plan de sauvetage en 2010. Dans le but de maintenir la stabilité de l’union monétaire, la Troïka – composée de la Commission européenne (CE), la banque centrale européenne (BCE) et le FMI – conclut un deuxième plan de secours d’une valeur de 130 milliards d’euros en février 2012. Dans le cadre de cet accord, les créanciers privés acceptèrent un abandon historique de 53% de la dette ainsi qu’une restructuration des échéances. En échange, la Grèce dut se soumettre à de nouvelles politiques d’austérité.

Malgré toutes les tentatives pour résoudre la crise, la situation économique et sociale de la Grèce ne s’améliora guère au cours des années suivantes. En janvier 2015, après six années de dépression, un taux de chômage supérieur à 25% et un effondrement d’un tiers de son économie, le peuple donna le pouvoir au parti d’extrême gauche, Syriza, dont le programme rejetait toute forme d’austérité. La crainte d’un Grexit devint pour la première fois plausible.

La crise atteignit alors son paroxysme lorsque la Grèce n’honora pas le paiement de sa dette auprès du FMI durant l’été 2015. Refusant une proposition de Bruxelles pour un troisième plan de secours, le premier ministre Alexis Tsipras se lança dans un ultime bras de fer avec ses créanciers internationaux et décida de s’en remettre aux urnes. Le référendum qui s’en suivit agaça les membres de la Troïka.La Grèce – dos contre le mur – fut contrainte d’accepter un plan encore plus sévère lors des négociations du sommet ô combien important de juillet 2015.

Aujourd’hui, il convient de tirer les leçons de l’ensemble des événements de la tragédie grecque. Avec la publication de son rapport sur la soutenabilité de la dette, le FMI est le premier créancier à mettre en garde contre le danger. Pour ce celui-ci, l’endettement du pays est trop grand et donc insoutenable.

Contrainte par ses statuts, l’institution de Bretton Woods est dans l’impossibilité d’apporter son aide à un pays lorsqu’elle juge que les risques de défaut de paiement sont importants. Le FMI pense également que le plan ne portera pas les résultats escomptés, car les demandes des pays européens, bien trop ambitieuses, sont irréalisables. En effet, l’analyse du Fonds montre que la dette publique atteindra bientôt 180% du PIB et qu’elle devrait s’établir à 265% du PIB d’ici 2060. De surcroît, il est difficile d’imaginer que le gouvernement Tsipras soit en mesure de dégager un excédent budgétaire primaire à hauteur de 3,5% du PIB sur les dix prochaines années, comme le stipule l’accord. Participer à un tel programme sans remise de dette serait comme verser du liquide dans le tonneau percé des Danaïdes.

La CE, quant à elle, voit d’un tout autre œil la situation et considère que le rapport du FMI met le feu aux poudres en accroissant la tension sur les marchés financiers. Bien que la Troïka ne s’accorde pas sur l’état de santé de l’économie grecque, le point d’achoppement principal réside dans les mesures visant à gérer l’endettement du pays. Comme ce-dernier atteint actuellement plus de 320 milliards d’euros, le FMI martèle qu’une participation n’est envisageable que s’il y a un abandon partiel de la dette publique.

Plusieurs pays de  l’Union européenne (UE), notamment l’Allemagne et la Finlande, refusent catégoriquement cette option. Pour eux, une remise ou un abandon constituerait un dangereux précédent mettant en question la stabilité de l’Union. L’UE se trouve désormais dans une situation délicate, car la plupart des pays ont conditionné leur prêt à la participation du FMI au programme. De plus, étant donné les déclarations du ministre des finances allemand Wolfgang Schäuble, une sortie de la Grèce de la Zone euro devient de plus en plus probable.

Un retrait du FMI constituerait une réelle épée de Damoclès aussi bien pour la République hellénique que pour le futur de l’UE. Face aux mouvances populistes, un nouvel accord est d’autant plus crucial, que la fenêtre de négociation menace d’être fermée jusqu’à la prochaine échéance de juillet 2017. En cause,  le calendrier politique chargé des élections européennes, qui commence avec la Hollande, pour se poursuivre en France puis en Allemagne.

L’Europe saura-t-elle faire preuve de réalisme ? Saura-t-elle comprendre que la dette grecque ne pourra être remboursée sans arrangement, sous peine de plonger ce pays encore plus profondément dans la crise sociale économique et migratoire ?  Saura-t-elle admettre qu’une politique de relance doit prendre le relais de l’austérité ? Saura-t-elle éviter la tragédie grecque ou uniquement la reporter dans le temps ?

 

Nathaniel E. Burkhalter, économiste

 

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