Le numérique fait-il de nous des junkies?

Comme un vigneron qui viendrait confesser que le vin soûle, je vous propose d’aborder un sujet que les technophiles taisent à l’ordinaire : la tendance addictive du digital.

Connaissez-vous cette manie qui consiste à dégainer son portable comme Lucky Luke, dès les premiers instants de cerveau disponible? Vous arrive-t-il de vous reconnecter ainsi sans but précis, juste pour vérifier s’il n’y a rien de nouveau? Peut-être dans l’expectative d’un ultime like sur votre réseau social favori? À moins que vous ne guettiez l’arrivée d’un message sur WhatsApp ou un courriel de votre chef. D’autres sont accros à l’actualité, à des jeux comme Pokemon GO ou Minecraft. J’ai même un beau-père qui ne décroche pas des enchères en ligne sur eBay.

Pour les psys, ces syndromes portent le nom de trouble obsessionnel compulsif (TOC). Mais comment ne pas devenir un « toqué du numérique », alors que nous consultons notre portable plus de 200 fois par jour en moyenne, avec au total plusieurs milliers d’interactions à la fin de la journée sur l’ensemble de nos appareils (clics, tapotements, voix, joystick pad, etc.)

Selon l’institut Nielsen, les Américains passent aujourd’hui 10 heures et 39 minutes par jour devant un écran. L’essentiel de cette activité est consacré à consulter son smartphone, suivi par la télévision, un ordinateur et finalement une tablette […] En enlevant la période de sommeil, 7h30, il ne reste que 6 heures par jour pour se confronter au réel, souvent avec réticence. «L’économie de l’irréel au pouvoir», Stéphane Garelli

Dans une vidéo qui a fait le buzz, le conférencier Simon Sinek raconte que l’addiction aux écrans serait engendrée par «un shoot de dopamine». La dépendance surviendrait dans un processus de gratification immédiate, suivi immanquablement par un phénomène de manque.

Des pistes pour trouver un équilibre

Je partage avec vous quelques-uns de mes trucs pour éviter la surchauffe des neurones. Puissent-ils augmenter votre productivité, vous épargner une onéreuse digital detox, ou encore contribuer à la paix de votre ménage.

  • Cultiver une «pleine conscience» de tous les instants, afin de garder à l’esprit ce que l’on souhaite accomplir dans l’heure et d’ici la fin de la journée.
  • Réduire les notifications au minimum. Désactiver tous les avertissements en provenance des réseaux sociaux et télécharger ses courriels manuellement (après avoir terminé une activité). Et si ce n’est pas suffisant, accomplir ses tâches en mode avion. Selon Simon Sinek, « les notifications ont pris trop d’importance dans notre quotidien, au point d’influer sur l’estime et la confiance en soi des utilisateurs qui restent suspendus aux réactions de leur communauté en ligne. ».
  • Lever la tête pour réfléchir: le idées ne viennent pas avec les yeux embués dans un flot d’information. Les écrans sont connus pour exercer un pouvoir hypnotique, contre-productif pour la créativité. Je change de lieu de travail plusieurs fois par jour pour renouveler mon énergie et profite ainsi de me réoxygéner lors de chaque transition.
  • Réaliser lorsqu’on passe en mode zombie. Marquer un arrêt complet avec les outils digitaux, aérer la pièce, marcher. Dans la mesure du possible, faire une sieste régénératrice ou une séance de méditation. Effectuer des pauses régulières pour ne pas atteindre ce stade…
  • Privilégier les échanges humains: le temps d’une séance professionnelle, d’une soirée galante ou d’une partie de jeu avec les enfants; on goûte au plaisir de rester déconnecté.
  • Quantifier son utilisation des médias & réseaux sociaux. Définir un quota journalier et décompter le temps passé. Attention, l’addition peut se révéler salée.
  • Porter une montre:  je constate qu’un ami en porte à nouveau une à son poignet, il m’explique: «c’est pour éviter la tentation de replonger à tout moment dans l’effervescence de mon smartphone».
  • Au lit? No-go zone!

« Il n’y a rien de mal dans l’usage des réseaux sociaux et des smartphones. Le problème, c’est le manque d’équilibre. »
— Simon Sinek

L’immersion dans le virtuel, jusqu’à la nausée?

Pour le spécialiste de la réalité augmentée Robert Scoble, nul doute que nous travaillerons bientôt simultanément sur une multitude d’écrans virtuels. Comment? Avec un casque de réalité virtuelle vissé sur la tête. Par exemple, «si vous êtes un trader et que vous travaillez avec 5 écrans devant vous, vous pourrez bientôt en voir 2500.». Chez moi, je crains que cette immersion permanente ne provoque une gueule de bois sans fin.

Trouver une place pour l’humain et son propre équilibre au centre d’un univers numérique en perpétuelle expansion, voilà un autre défi pour le siècle.

 

A lire aussi: Désactivez vos Notifications Push!

Le numérique trouve sa place au cœur de l’enseignement (au-delà de la programmation)

Le numérique va prendre le chemin des écoles; comment pourrait-il en être autrement alors qu’il est désormais au centre de tout ? Dans ce débat, il y a un point où je serais tenté d’inscrire “hors sujet” en rouge sur la marge: la question de l’enseignement de la programmation.

Ma crainte est de voir l’informatique instruite sous une forme obsolète et finalement secondaire; un peu comme si l’on misait tout sur le latin/grec pour préparer nos enfants à leur avenir, eux qui connaîtront encore une accélération sans précédent. Non, le numérique n’est pas la discipline qui vient juste après l’éducation physique et les travaux manuels; c’est une nouvelle culture qui doit trouver naturellement sa place au coeur de l’enseignement.

J’ai appris à programmer à l’âge de 10 ans (en 1981) et assimilé depuis plusieurs langages informatiques. Mais je ne crois pas que ce soit un prérequis aujourd’hui: on peut dorénavant assembler des modules applicatifs dans le cloud computing à la manière de Legos et réaliser des sites web assez complexes sans une seule ligne de code (et si nécessaire, tous les experts sont à disposition en ligne pour quelques dollars seulement). L’informatique a en quelque sorte rejoint le niveau d’abstraction qu’a connu l’électronique il y a une quarantaine d’années. En bref, ce n’est pas forcément moins compliqué qu’avant mais on peut se concentrer sur d’autres choses.

Avec chaque progrès survient le besoin pour des compétences nouvelles; ainsi les enfants doivent maintenant développer des facultés inédites pour parvenir à analyser des problèmes, façonner des algorithmes, organiser des données, maîtriser les réseaux sociaux. Je vois même une urgence qui n’a rien de technologique: apprendre à mieux communiquer dans un monde globalisé (avez-vous constaté comme les petits Anglo-saxons sont nettement plus à l’aise à l’expression orale ?) Et pour faire face à une intelligence artificielle qu’on annonce omnipotente, il serait opportun d’aiguiser dès à présent un aspect fondamentalement humain: le sens critique.

Entrepreneur de lui-même, il a 20 ans et gagne «12’000 balles» (et frime un peu)

Installé à la terrasse d’un café, je me laisse distraire par une conversation téléphonique qui démarre quelques tables plus loin:

« Tcho mec, c’est incroyable ce qui m’arrive [mec] (son mode de ponctuation) J’ai tellement bien fait de quitter mon patron [mec] Je bosse comme un taré maintenant (rires…); 14 heures par jour, même le samedi, t’imagines [mec]?!..»

C’est un gamin d’environ vingt ans, musculeux et outrageusement bronzé, qui s’entretient avec celui qui j’imagine être son meilleur ami: 

« Tu le croiras pas [mec] à la fin du mois je vais toucher 12’000 balles, net sur mon compte à la poste! Encore une semaine et viva la fiesta à Pattaya! Eh, pis après [mec] j’ai un autre mandat à 50’000 qui m’attend. C’est de la folie [mec]!.. »

Trahi par son bermuda de travail, je comprends que ce garçon est un ouvrier du bâtiment. J’apprendrai au fil de sa conversation qu’il est monteur de fenêtres sur un chantier, un peu plus loin dans la rue.

Au-delà de l’amusement que me suscite le personnage avec son « parler jeune », je m’interroge sur cette fameuse génération Y qui a été étiquetée de tous les noms d’oisif: démotivée, ingérable, anar… Toute une tranche d’âge qui serait carrément désintéressé, pas moins que ça. Une stigmatisation que je crois largement exagérée; et si le comportement décrié n’était que la démonstration d’une capacité d’adaptation? Dans les entreprises, cela fait un moment qu’on a jeté les plans de carrière aux oubliettes. Pour qui donc, ou pour quoi, ces jeunes nés à la fin des trente glorieuses voudraient-ils mouiller la chemise, en sachant qu’ils n’atteindront probablement pas les revenus de leurs parents?

Le monde du travail a amorcé sa profonde mutation, pour le meilleur ou pour le pire (les avis divergent). L’activité indépendante est en essor; selon une étude, 40% de la main-d’oeuvre aux États-Unis gagnera sa vie sous ce régime en 2020. J’ai 45 ans et cela fait presque cinq ans que je suis indépendant (quinze ans comme entrepreneur). Jamais je ne me suis senti aussi stable professionnellement: il y a en effet peu de chance que je perde tous mes clients en même temps. Et vous savez quoi? Il est plus facile d’en acquérir de nouveaux que de passer au travers d’hasardeux processus d’embauches.

Je suis convaincu que notre économie en mutation réserve un trésor d’opportunités à ceux qui ont décidé de prendre en main leur destin professionnel. Devenir « entrepreneur de soi », c’est créer un contrepoids à l’évaporation de la sécurité de l’emploi. Une posture que les employés devraient adopter sans tarder, ne sachant à quelle sauce ils seront prochainement mangés. Tout le monde n’est certes pas prédisposé à voler de ses propres ailes, où la frontière entre vie professionnelle et privée demeure ténue. Pourtant, se lever chaque matin passionné par son métier avec une flexibilité absolue dans l’organisation de son temps permet de jouir d’une autre forme de liberté; beaucoup plus épanouissante qu’attendre chaque jour le coup de sifflet qui marque la fin du temps de travail réglementaire.

Dans le secteur des services, la désintermédiation bat son plein. Des plateformes comme Upwork, Toptal, ou Freelancer (et bien sûr Linkedin) accueillent déjà plusieurs dizaines de millions de freelancers à travers le monde: informaticiens, rédacteurs, traducteurs, architectes, designers, etc. Si dans le tertiaire la compétition se joue désormais à l’échelle globale, le secteur secondaire devrait suivre fatalement le mouvement, mais avec un avantage de taille: déléguer à l’étranger des missions via internet s’avère logiquement plus compliqué pour des travaux manuels. Un répit qui ne sera que de courte durée, quelques années avant le boom de l’impression en 3D des matériaux transformés qui permettra, par exemple, la production à moindre coût de n’importe quel élément de construction.

Sur les chantiers, on posera bientôt des fenêtres imprimées en 3D aussi facilement qu’on assemble des LEGO. Parmi les ouvriers, on observera quelques robots ayant atteint l’âge de maturité. Environ une vingtaine d’années.

Le petit futé voyage désormais connecté

Vive les vacances ! Et adieu les vadrouilles encombrées par le poids des guides en papier, à jouer au boy-scout pour déchiffrer des cartes touristiques. Aujourd’hui je dévore les bons plans glanés sur le net en suivant des itinéraires tracés sur mon iPhone (ou l’Apple Watch). La technologie apporte une nouvelle dimension au voyage et permet, paradoxalement, de relever la tête. Suivez le guide!…

Sur l’écran de mon smartphone, une région devient un jeu de Pac-Man grandeur nature où je pars engloutir des repères préalablement enregistrés sur Google Maps (représentés sous la forme d’étoiles sur l’application), suivant une sélection des lieux réputés à la ronde: une exposition à ne pas manquer, le top des musées, des sites historiques, le marchand de glace dont tout le monde parle… Pour moi, l’expérience s’avère plus ludique et enrichissante qu’une chasse aux Pokémon; parce que la réalité n’est ici pas grimée mais révélée.

Avec leur évolution, les applications de navigation débouchent notre horizon; elles nous permettent de découvrir ce qu’il y a au-delà de ce qui relie un point A à un point B. Depuis l’arrivée du GPS, on ne voyage plus comme avant en voiture, et c’est désormais aussi vrai à pied ou à vélo.

Une journée qui se prépare en ligne

Une journée de découvertes commence par la reconnaissance virtuelle des lieux, et je vais enregistrer méthodiquement dans l’application Google Maps les points d’intérêt dans la zone que je souhaite explorer. Mes bons tuyaux, je les grappille essentiellement sur des billets de blog (rédigés de préférence par des « locaux de l’étape »), ou encore sur l’incontournable TripAdvisor, mais aussi sur des applications comme Foursquare et la version numérique du célèbre guide Lonely Planet .

Sur Google Maps on peut rechercher une adresse, un nom d’établissement ou une attraction locale. Il est également possible d’effectuer une recherche par catégorie, en utilisant des mots clés au sens plus large pour dénicher son bonheur dans les alentours, par exemple: des théâtres, cinémas, piscines municipales, cafés, restaurants, bars, épiceries, etc. Parmi les nouveautés de Google Maps, il y a la possibilité d’effectuer ce type de recherche en cours de trajet (à pied ou en véhicule). L’outil idéal pour organiser des escales dont on se souviendra!

Le navigateur de Google intègre aussi les transports publics avec leurs horaires, et ceci presque pour le monde entier: trains, bus, Uber (évidemment) et parfois même les taxis traditionnels (si, si). Pour le globe-trotteur c’est une petite révolution qui simplifie grandement la mobilité, jusqu’alors refrénée par la complexité des réseaux de transport urbain.

Je me laisse donc guider par l’iPhone le long d’un parcours minutieusement jalonné, où la fantaisie autorise toutes les échappées (puisqu’il est impossible de se perdre). A noter que depuis la dernière version de l’application Google Maps, on peut ajouter plusieurs étapes à un itinéraire pédestre (ou en voiture). J’ai par exemple l’habitude de ponctuer mes pérégrinations par des pauses-café, rarement dans le premier troquet venu mais je cède volontiers à la mode du « third wave of coffee » où des passionnés hirsutes servent un petit noir dont ils détiennent le secret.

Economiser les batteries

Tous ces kilomètres à pied, ça use, ça use… les accus. Je vous livre quelques astuces pour garder le cap toute la journée. Et sinon, il ne vous restera qu’à suivre les cohortes de touristes armés de selfie-sticks qui s’agitent tous dans la même direction…

  1. L’iPhone possède depuis peu un mode économie d’énergie qui, étonnamment, ne bride que très peu les fonctionnalités de l’appareil (il bloque des tâches de fond énergivores). Je vous conseille de l’enclencher dès le début d’une balade ! Ce paramètre s’active dans les Réglages, puis sous l’option Batterie.
  2. Enregistrez des zones géographiques pour une consultation hors connexion, cela préservera la batterie et vous fera économiser des frais de roaming. Pour Google Maps, suivez ces instructions.
  3. Dans votre besace, n’oubliez pas d’embarquer un petit chargeur ou un câble de recharge rapide.

L’émergence d’un nouveau canal publicitaire

Evidemment, ce n’est pas pour rien si Google et Apple se livrent actuellement une bataille pour cartographier chaque recoin de notre planète. Comme toujours sur internet, la gratuité n’est qu’une impression de surface. Car d’un point de vue économique, les enjeux sont colossaux: nous sommes à l’aube d’un énorme marché publicitaire qui consiste à appâter le chaland pour l’amener jusque au point de vente physique (des restaurants, magasins, attractions, etc.).

Certains choisiront alors de tout débrancher pour redécouvrir la joie éphémère de s’égarer vraiment dans une ville, de passer par des chemins de traverse, des quartiers qui n’ont rien d’autre à offrir qu’une authenticité complètement désintéressée. Quitte à y perdre son temps, le luxe ultime.

Adieu la « télé »

Le Petit Journal de Canal+ s’arrêtera fin juin. Une nouvelle anodine, mais qui symbolise pour moi la fin d’une époque. Je suis un enfant de la télé qui voit le générique de fin tomber sur le petit écran.

Mon sevrage télévisuel a été progressif pour s’achever avec le rendez-vous quotidien des JT, que je visionnais en léger différé via la Swisscom TV. Un rituel quasi religieux qui commençait sur RTS Un et se poursuivait parfois avec le journal de France 2 (en attendant le trublion Yann Barthès qui a su réinventer le genre).

Les Suisses passent moins de 2 heures par jour devant la TV, contre 5 heures aux Etats-Unis.

En faisant le compte, le solde demeurait démesuré: quelque 300 heures par année passées devant la TV; soit l’équivalent de six semaines de travail, ou soustraites à d’autres activités. Alors que le temps serait plus précieux que l’argent, je ne trouve désormais aucun stimulus à suivre ces messes de l’ère cathodique. A 20 heures, j’ai déjà été informé pendant la journée par l’intermédiaire de nouveaux rancards avec l’information: sur les réseaux sociaux (par dosettes), via des applications dédiées comme Le Temps (dans les transports et comme tout le monde au petit coin). Je me connecte parfois aussi à des agrégateurs de contenu comme Nuzzel ou Flipboard. Et avec les notifications automatiques sur nos smartphones, il est impossible de manquer une breaking news.

Sur Facebook, on dénombre 1,65 milliard d’utilisateurs actifs par mois qui y consacrent en moyenne 50 minutes par jour (contre 17 minutes sur Youtube).

Malléables, les réseaux sociaux sont le reflet de ce que nous en faisons et se révèlent à moi comme d’incomparables outils d’éveil et de veille. Sur Facebook, j’ai appris à dompter l’algorithme en jaugeant la pertinence des informations reçues; dans le but de faire progresser la qualité de mon flux d’actualités.  Et j’y trouve d’ailleurs des productions issues des chaînes de télévision traditionnelles, en général celles qui sont susceptibles de m’intéresser.

Les vidéos produites pour le web surpassent le légendaire prime-time aux États-Unis.

Dans mon salon trônera encore un grand écran connecté, quant à la téloche elle peut reposer en paix au paradis des avachis. Bientôt, on ne regardera plus la « télé » mais on suivra des productions sur le net. La tendance actuelle vers la désintermédiation voudrait qu’elles s’affranchissent prochainement de leurs chaînes.

La dématérialisation comme palliatif à nos penchants matérialistes

Ca y’est, après dix ans je déménage. Dans les cartons, je range des centaines de CDs et DVDs qui ne finiront pas sur une étagère, mais à la cave. Pourquoi enlaidir un intérieur rénové dans le style épuré avec ces ribambelles multicolores qui attrapent la poussière ?

Heureusement, le format MP3 est dépassé: avec mon abonnement sur Qobuz.com, j’accède à plus de trente millions de titres en streaming et en qualité CD (format FLAC), ou même en haute définition (échantillonné en 24 bits, oui on entend la différence). Tout ça pour le prix de quelques albums par mois.

Et c’est pareil pour les films. Il y a une vingtaine d’années, je désirais constituer ma filmothèque idéale et achetais des DVDs pour les revoir plus tard. Un acte onéreux et futile dès lors qu’il aurait fallu plusieurs vies pour les visionner… sur un support qui est déjà obsolète. En ligne, l’offre n’est pas aussi abondante que pour la musique, mais les productions disponibles sur Netflix, Swisscom TV et d’autres sites satisfont mes attentes de cinéphile. A la fin, c’est de toute façon le temps qui manque. Un film c’est long, alors que dire des séries !

Et les livres, ceux en papier ? Ils sont les derniers rescapés et vont retrouver la chaleur d’une bibliothèque. Pourtant, le confort de lecture sur ma liseuse Kindle Paperwhite demeure inégalable à mes yeux. Il est probable que les offres de location illimitées aient bientôt raison de cet ultime fétichisme.

Le seul objet qui importe finalement en 2016, c’est son smartphone. Les ados l’ont bien compris; eux qui entretiennent un autre rapport avec la propriété matérielle, ils ne voient plus l’intérêt de posséder ce qui est disponible à portée de clic, et de manière quasi illimitée.

Les centaines de milliards d’applications téléchargées ne peuvent être sans incidence sur notre enclin à consommer des biens physiques. Ainsi, combien de nos achats compulsifs sont désormais détournés vers les app stores plutôt que des boutiques ?

La dématérialisation pourrait-elle avoir un effet palliatif sur nos penchants matérialistes ? Si tout doit aujourd’hui tenir dans notre portable, cela vaut aussi pour nos petites addictions.

Les enjeux colossaux de la conversation homme-machine

Le web est né il y a exactement un quart de siècle au CERN à Genève, mais étonnamment nous utilisons toujours une souris et un clavier électromécaniques pour naviguer dans cette gigantesque toile de données. Si l’émergence des écrans tactiles n’a pas vraiment révolutionné son fonctionnement, les balbutiements de Siri et Google Now nous montrent une nouvelle voie.

Les limites du web actuel

Les améliorations de son interface, des graphismes ou ce qu’on désigne comme l’expérience utilisateur ne sont en fait que des béquilles pour pallier l’impossibilité de converser naturellement avec nos appareils. Non, l’usage du web et des applications mobiles n’est pas intuitif lorsqu’il s’agit de résoudre des problèmes un tantinet complexes, dans un contexte donné.

Prenons l’exemple des achats en ligne: le processus ne répond actuellement pas au comportement inné du consommateur, mais à une inepte logique applicative et des contraintes visuelles. Dans un futur proche, une demande pourra être finalisée à partir de simples échanges en langage naturel, sur une messagerie instantanée. Imaginons cet échange avec le bot Alexa :

– Alexa, je veux le short de Stan Wawrinka, celui qu’il portait lorsqu’il a gagné Roland Garros.

– OK Blaise. Il peut vous être livré demain dans votre taille, pour 90 CHF, frais de port offerts. Pour confirmer l’achat avec votre carte VISA, dites « commande ».

– Euh, c’est pour offrir. J’en ai besoin en taille XL et avec un paquet cadeau.

– D’accord Blaise, pour confirmer dites « commande ».

– Commande.

– Merci Blaise, votre voix a été authentifiée et le paiement est validé.

Au-delà de la parole, maîtriser la distribution

Les géants du net ont entamé une course à la recherche et au développement. Celui qui aura dompté en premier la conversation homme-machine prendra un avantage compétitif déterminant.

L’enjeu n’est pas des moindres: dominer les futurs canaux de distribution des biens et des services, se passer des intermédiaires.

Ainsi, Google travaille sur une application de messagerie dédiée, Amazon a déjà lancé une première mouture de son assistant virtuel Echo, Facebook planche sur une version intelligente de Messenger baptisée « M ». Sans oublier Siri chez Apple et l’évolution attendue de la messagerie Whatsapp. Quant à l’outsider Viv, il serait en avance sur la mêlée selon des blogs spécialisés.   

Une rupture pour les acteurs du digital

La diminution de notre dépendance aux écrans va bouleverser nos habitudes de consommation. Bientôt, des conseillers personnels omniscients guideront nos achats en ligne vers le produit le plus adapté à un besoin que nous aurons intuitivement exprimé, par oral ou par écrit. Le conseiller-robot aura réponse à presque tout, partout où nous avons besoin de lui: dans notre salon, la cuisine, la voiture, etc.

A l’heure où la transformation digitale devient une priorité pour l’industrie traditionnelle, le secteur du numérique devra lui aussi se redéfinir sous le diktat de l’intelligence artificielle. Les acteurs du digital que sont les spécialistes en référencement, les agences de marketing ou les professionnels du e-commerce peuvent déjà songer à se réinventer s’ils ne veulent pas être exclus de la discussion.


Photo: Her de Spike Jonze – 2013

Peut-on digitaliser ses secrets ?

Nous avons pris l’habitude de numériser sans distinction des informations confidentielles. Devrait-on réserver un traitement particulier à nos secrets ?

Le récent vol de données sur le site de rencontres adultères Ashley Madison a eu des répercussions d’une violence inouïe pour ses utilisateurs. Ce piratage informatique aurait provoqué au moins trois suicides et semé la zizanie chez des millions de ménages à travers le monde. Au-delà d’un jugement moral, l’imprudence de ces internautes peut nous paraître bien naïve. Mais sommes-nous pour autant conscients des secrets, en tous genres, que nous livrons en pâture à la digitalisation ? Un excès de confiance qui peut mettre en danger nos vies privées ou causer d’irrémédiables dommages industriels, économiques ou politiques.

crise de confinance

Une crise de confiance tardive

Il ne se passe pas un jour sans que les médias n’évoquent des cas de hacking, des infections par des logiciels malveillantsdes tentatives de phishing. La dernière filouterie à la mode ? Le ransomware, ou plus simplement dit le racket par Internet. Quant à la nouvelle version de Windows, le système d’exploitation le plus utilisé au monde, elle serait truffé de mouchards; officiellement dans le but de mieux comprendre nos habitudes d’utilisation et de perfectionner le logiciel.

Alors que l’affaire PRISM impliquant la National Security Agency est encore dans toutes les mémoires, nous n’avons pas plus d’éléments rassurants  sur la non-présence de portes dérobées dans les services du cloud. Malgré leur relative sûreté, pourrions-nous vraiment témoigner une confiance aveugle à Google, Dropbox, Salesforce, Facebook (inclus Messenger & WhatsApp), et consorts ? 

A l’heure où nous réalisons qu’il est impossible de garantir une discrétion absolue à nos données, devrait-on s’en accommoder comme une fatalité ?

Distinguer confidentiel et secret

La réponse tient peut-être moins de la technologique que de la terminologie. Je vous propose de redéfinir deux termes qui sont sans doute archaïques dans leurs versions encyclopédiques : 

Une information confidentielle est tenue à l’écart du domaine public. Sa divulgation inopportune n’aurait toutefois que des répercussions limitées, non “vitales”. Elle est généralement sous protection légale.

Un secret est une information qui, en cas de fuite, menacerait l’intégrité d’un individu ou d’une organisation jusqu’à sa mise en danger morale, physique ou financière.

On ne freinera pas la transformation digitale

La transformation digitale figure en tête des priorités pour les entreprises en quête de compétitivité. Plutôt qu’avancer à reculons, je leur suggère de revoir la classification d’un infime volume d’informations: secrets de fabrication, feuille de route stratégique, etc. Sans oublier toutes les cachotteries de la compagnie (qui n’existent bien sûr pas chez vous). 

Pour la catégorie la plus sensible, on pourrait envisager de n’utiliser que des systèmes informatiques déconnectés. Un exercice qui demande cependant beaucoup de discipline et des processus paradoxalement compliqués. 

Puisque le numérique n’est pas capable d’apporter une garantie absolue sur l’intégrité de mes données, je dois m’en remettre à ces principes de précaution :

Pour des informations confidentielles :
  1. Choisir des mots de passe forts et toujours différents. Edward Snowden nous donne quelques conseils dans cette vidéo.
  2. Ne jamais les mémoriser dans une application tierce, à l’exception d’un coffre-fort numérique (par exemple 1Password). Attention, la clé “Master” du coffre est une information classée top secrète !
  3. Activer l’authentification en deux étapes pour tous les services cloud.

Pour des informations secrètes :

  1. Sous la forme manuscrite (analogique) uniquement.
  2. Les stocker dans un coffre-fort traditionnel (à défaut, une boîte à biscuits planquée sous le lit).
Sans céder à la paranoïa, c’est un enragé du numérique qui vous le dit.

L’autorité d’un média comme « Le Temps » peut-elle se mesurer ?

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« Le Temps » mérite-t-il son sous-titre de« MÉDIA SUISSE DE RÉFÉRENCE », que d’aucuns qualifient d’autoproclamé ? Comment peut-on mesurer l’autorité d’un titre de presse au-delà de son tirage, du nombre de ses lecteurs ou de l’opinion du landernau médiatique ? Je tente d’apporter un élément de réponse en me basant sur les mécanismes de ranking qui furent à l’origine du succès de Google.

De la référence classique au référencement numérique

La valeur d’une référence se jauge habituellement par le nombre de citations de tiers bénéficiant eux-mêmes d’une réputation, et ainsi de suite. Un système vertueux qui est à la base de la reconnaissance sociale; le monde académique l’utilise par exemple depuis longtemps pour déterminer la renommée des professeurs d’université.

C’est sur ce principe de référencement que Larry Page et Sergeï Brin édifièrent les fondations de Google en 1998, donnant naissance au fameux algorithme basé sur les concepts de PageRank et TrustRank. Une logique qui est au cœur du mécanisme de Google pour classer les résultats d’une requête (même si de nombreux autres facteurs comme la qualité du contenu, la vitesse de chargement ou la compatibilité avec les appareils mobiles entrent également dans l’algorithme aujourd’hui).

La recette exacte de Google n’étant pas dévoilée, des spécialistes indépendants essaient d’en déchiffrer les composantes dans le but d’aider au référencement de sites web (en anglais Search Engine Optimisation ou SEO). Moz est une organisation privée dont la respectabilité n’est plus à prouver chez les professionnels du SEO. Il propose une panoplie d’études et d’outils, dont un score d’Autorité et les échelles MozRank / MozTrust qui s’efforcent de se rapprocher au plus près des indicateurs secrets de Google.

Définition des scores

L’Autorité évalue le « poids » d’un domaine Internet, selon un algorithme qui combine l’ensemble des signaux analysés sur les hyperliens relatifs à un site.

Le MozRank traduit la popularité d’un nom de domaine sur l’Internet. Le score, de 0 à 10, augmente selon le nombre et la qualité des liens externes qui pointent vers le site.

Le MozTrust est établi de manière similaire, mais il rapporte le niveau de confiance selon l’éloignement du site avec des sources à très haute crédibilité, comme les plus prestigieuses universités, des sites gouvernementaux ou toute autre source considérée comme une référence éminente.

A noter que ces scores fonctionnent selon une échelle logarithmique, c’est-à-dire qu’une différence entre 70 et 80 est beaucoup plus considérable qu’entre 60 et 70.

(suite…)

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